Texte de la QUESTION :
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M. Jacques Masdeu-Arus appelle l'attention de M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales sur les conditions d'application du principe de laïcité dans les structures municipales dédiées à l'accueil de la petite enfance, notamment les crèches et les haltes-garderies. En effet, si les textes de loi et leur application jurisprudentielle permettent de sanctionner tout agent public ne respectant pas, dans le cadre de ses fonctions, le principe de neutralité, il semble plus difficile d'apporter une réponse juridique claire lorsque les difficultés concernent les usagers de ces services. Concrètement, les crèches ou les haltes-garderies peuvent être confrontées à, au moins, deux situations délicates, liées au port d'un voile, masquant le visage par des femmes adultes dont les enfants sont accueillis dans ces structures. D'une part, comment réagir quand une femme entièrement voilée vient chercher un enfant et qu'il est, de ce fait, très difficile, voire impossible, de contrôler son identité si elle refuse de montrer son visage ? Les conséquences d'une telle situation peuvent directement menacer la sécurité de l'enfant et, en conséquence, engager la responsabilité de l'agent et du service. D'autre part, ces structures mettent en place des procédures d'adaptation qui permettent aux parents, pendant quelques semaines, de passer du temps avec leur enfant lorsqu'il est accueilli pour la première fois au sein de la crèche ou de la halte-garderie. Dans ces circonstances, la présence de mères voilées peut être vécue difficilement par les autres parents mais aussi par des enfants susceptibles d'être déstabilisés, voire effrayés, par cette tenue vestimentaire. Les responsables de ces structures se demandent de quels moyens juridiques ils peuvent disposer pour éviter que ne surviennent de telles situations. Enfin, il peut arriver que des assistantes maternelles agréées et rémunérées par la municipalité se rendent voilées dans les centres d'accueil de la petite enfance et adoptent, à leur domicile, un comportement contraire au principe de neutralité. En conséquence, il lui demande de prendre en considération tous ces éléments et souhaite savoir à quels recours juridiques peuvent prétendre le responsable de la structure et/ou le maire de la commune pour éviter que le port du voile rende la sortie des enfants dangereuse et gêne le fonctionnement interne de la structure, qu'il s'agisse de parents ou d'assistantes maternelles. Si un vide juridique était avéré, il lui demande de bien vouloir mener les réflexions nécessaires à l'adoption des mesures permettant un respect total du principe de laïcité dans l'ensemble des structures publiques existant dans le pays.
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Texte de la REPONSE :
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L'honorable parlementaire appelle l'attention du ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire sur le respect du principe de laïcité, dans les établissements et services communaux d'accueil des enfants de moins de six ans (crèches, haltes-garderies...), prévus par l'article L. 2324-1 du code de la santé publique, par les usagers de ce service public, tels que les femmes dont les enfants sont accueillis dans ces structures, ou par les assistantes maternelles employées par les communes. En outre, il souligne les troubles au fonctionnement du service ainsi que les risques pour la sécurité des enfants pouvant découler, selon lui, du port de signes d'appartenance religieuse. S'agissant du respect du principe de laïcité dans ces structures publiques, la jurisprudence constante du Conseil d'État rappelle que les exigences liées au respect de la laïcité sont applicables à tout agent collaborant à un service public (Conseil d'État, 3 mai 1950, Demoiselle Jamet ; avis contentieux du Conseil d'État, 3 mai 2000 Mlle Marteaux). Celui-ci est soumis, dans le cadre du service, à un devoir strict de neutralité. Toute manifestation de conviction religieuse dans le cadre du service est interdite et le port de signe religieux l'est aussi, même lorsque les agents ne sont pas en contact avec le public. En dehors du service, l'agent public est libre de manifester ses opinions et croyances sous réserve qu'elles n'aient pas de répercussion sur le service (Conseil d'État, 28 avril 1958, Demoiselle Weiss). En ce qui concerne le cas des assistantes maternelles qui accueillent à leur domicile des enfants pour en assurer la garde, il convient de préciser les points suivants. Les assistantes maternelles sont agréées par le président du conseil général auquel il appartient de vérifier, lors de la procédure de délivrance de l'agrément, que la candidate présente toutes les garanties nécessaires pour accueillir des mineurs dans des conditions propres à assurer leur développement physique, intellectuel et affectif, qu'elles disposent d'un logement dont l'environnement permet d'assurer le bien être physique, l'épanouissement et la sécurité des mineurs accueillis. Lorsque ces assistantes maternelles sont employées par des collectivités territoriales, elles sont alors des agents non titulaires de ces collectivités (art. L. 422-6 du code de l'action sociale et des familles). Elles ont, à ce titre, la qualité d'agent de droit public. Par conséquent, il apparaît, sous réserve de l'appréciation souveraine des tribunaux, que le respect du principe de laïcité s'impose à ces agents. En ce qui concerne les parents dont les enfants sont accueillis au sein des structures communales d'accueil pour jeunes enfants, aucun texte législatif, réglementaire ou jurisprudentiel n'étend l'application de ce principe aux usagers de ce service public, et notamment aux parents, susceptibles de fréquenter ces structures aussi bien à l'admission et à la sortie des enfants que pendant les accueils organisés pour les parents. S'il est apparu nécessaire de légiférer sur le port de signes ostensibles d'appartenance religieuse dans les écoles, les collèges et les lycées publics, le Gouvernement n'envisage pas, en l'état actuel, de légiférer en la matière. En revanche, s'agissant des questions de sécurité des enfants accueillis, du risque de gêne au fonctionnement du service public soulevés par l'honorable parlementaire pouvant découler du port de signes d'appartenance religieuse par leur caractère ostentatoire, il semble nécessaire de rappeler que le service public d'accueil de jeunes enfants est un service à caractère facultatif que les collectivités territoriales et plus généralement les communes, qui gèrent ce service à près de 67 %, décident de mettre en place pour répondre à des besoins locaux exprimés par les familles. Ce service est, au regard du principe de libre administration des collectivités territoriales, géré librement par la collectivité organisatrice à laquelle il appartient de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité des enfants accueillis dans le cadre de ces structures. Les dispositions réglementaires en vigueur précisent en outre que les établissements et services d'accueil des jeunes enfants veillent à la santé et à la sécurité des enfants qui leurs sont confiés. Ils élaborent un projet d'établissement et de service ainsi qu'un règlement intérieur qui précisent notamment les conditions d'admission et de sortie des enfants, les modalités de participation des parents. Le gouvernement ne doute pas que les collectivités territoriales, seules compétentes pour intervenir dans ce cadre, sauront traiter cette question avec discernement.
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