FICHE QUESTION
12ème législature
Question N° : 635  de  M.   Paul Daniel ( Député-e-s Communistes et Républicains - Seine-Maritime ) QOSD
Ministère interrogé :  jeunesse et éducation nationale
Ministère attributaire :  jeunesse et éducation nationale
Question publiée au JO le :  24/02/2004  page :  1284
Réponse publiée au JO le :  25/02/2004  page :  1795
Rubrique :  enseignement secondaire
Tête d'analyse :  collèges
Analyse :  dotation horaire. Le Havre
Texte de la QUESTION : En juin M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche est venu aux côtés du Premier ministre au Havre, au collège Jean-Moulin, établissement classé en zone d'éducation prioritaire, dans un quartier concerné par une procédure GPV. Nul ne demande qu'une visite ministérielle entraîne des moyens exceptionnels et dérogatoires. Mais pourquoi venir dans un établissement comme Jean-Moulin si, depuis sa visite, sa politique maintient et aggrave les difficultés dans ce collège, mais aussi dans les autres établissements semblables. Les réductions des moyens de son ministère, depuis 2002, ont pour conséquence que les baisses d'effectifs d'élèves s'accompagnent parallèlement de diminutions des moyens pédagogiques. Les baisses d'effectifs n'amènent pas toujours des améliorations de la situation des établissements ; les réductions de moyens entraînent au contraire des aggravations dans les conditions d'encadrement compte tenu du poids plus important des élèves en difficulté, voire en très grande difficulté. Ajoutons que la région havraise est particulièrement concernée par des retards préoccupants, comme l'indiquent toutes les études de son ministère. Pour 104 élèves en moins au collège Jean-Moulin, la dotation prévue baisse de 109 heures et - faits significatifs - un maintien « exceptionnel » de moyens de 36 heures, encore préservé en 2003, a disparu en 2004, et les classes de remédiation sont supprimées alors que plus de 30 élèves arrivent en 6e, chaque année, sans maîtriser la lecture. Des situations analogues se retrouvent dans tous les établissements en ZEP du Havre, conséquence d'une réduction des moyens budgétaires qui ne peut prendre en compte les problèmes réels, concrets, que rencontrent les équipes pédagogiques. D'autant que les personnels ont à faire face à des actes de violence extrêmement préoccupants et que la plus grande inquiétude existe quant à l'évolution des moyens de surveillance dans ces mêmes établissements. Malgré la réalité des phénomènes de violence et d'incivilité, les autorités académiques et les chefs d'établissement ne peuvent même pas envisager le simple maintien des actuels effectifs de surveillants et l'inquiétude prévaut devant la perspective du non-remplacement des différents adultes affectés à la sécurité des élèves. La réduction du nombre d'enseignants et de surveillants entraîne la baisse du nombre d'adultes et des difficultés accrues dans tous les établissements havrais en ZEP. M. Daniel Paul lui demande quelles mesures concrètes et précises il compte prendre pour que les autorités académiques aient les moyens de répondre aux besoins des équipes éducatives et des élèves, en matière pédagogique comme en ce qui concerne la sécurité.
Texte de la REPONSE :

SITUATION
DES ÉTABLISSEMENTS SCOLAIRES HAVRAIS EN ZEP

    Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Paul, pour exposer sa question n° 635, relative à la situation des établissements scolaires havrais en ZEP.
    M. Daniel Paul. Monsieur le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche, quelques semaines après votre arrivée au Gouvernement, en juin 2002, vous êtes venu au Havre. A cette occasion, en compagnie du Premier ministre, vous vous êtes rendu au collège Jean-Moulin, établissement classé en zone d'éducation prioritaire et situé dans un quartier bénéficiant de la procédure GPV - grand projet de ville.
    Nul ne demande évidemment qu'une visite ministérielle entraîne l'attribution de moyens exceptionnels et dérogatoires, mais pourquoi visiter un établissement tel que le collège Jean-Moulin si, ensuite, votre politique maintient et aggrave les difficultés et celles de tous les établissements semblables de la ville ?
    Depuis 2002, du fait des réductions des moyens de votre ministère, les baisses d'effectifs des élèves s'accompagnent de diminutions des moyens pédagogiques.
    Or, si les baisses d'effectifs n'amènent pas toujours des améliorations de la situation des établissements - c'est le cas ici - les réductions de moyens entraînent au contraire des aggravations des conditions d'encadrement, compte tenu du poids plus important des élèves en difficulté, voire en très grande difficulté.
    Ajoutons que la région havraise est particulièrement concernée par des retards préoccupants, comme l'indiquent toutes les études de votre ministère. Par exemple, pour 104 élèves en moins au collège Jean-Moulin, la dotation prévue baisse de 109 heures. Faits significatifs, le maintien « exceptionnel » de moyens de 36 heures, encore préservé en 2003, a disparu en 2004 et les classes de remédiation sont supprimées, alors que plus de trente élèves arrivent en sixième chaque année sans maîtriser la lecture.
    Des situations analogues se retrouvent dans tous les établissements en ZEP du Havre, notamment à Varlin. Elles sont la conséquence d'une réduction des moyens budgétaires qui ne peut prendre en compte les problèmes réels et concrets que rencontrent les équipes pédagogiques, d'autant que les personnels ont à faire face à des actes de violence extrêmement préoccupants, tels ceux qui se sont déroulés ces dernières semaines. La plus grande inquiétude existe quant à l'évolution des moyens de surveillance dans ces mêmes établissements.
    Malgré la réalité des phénomènes de violence et d'incivilité, les autorités académiques et les chefs d'établissement ne peuvent même pas envisager le simple maintien des actuels effectifs de surveillants, et l'inquiétude prévaut devant la perspective du non-remplacement des différents adultes affectés à la sécurité des élèves. La réduction du nombre des enseignants et des surveillants entraîne une baisse du nombre des adultes et accroît les difficultés dans tous les établissements havrais situés en ZEP.
    Ma question est simple, monsieur le ministre : quelles mesures concrètes et précises comptez-vous prendre pour donner aux autorités académiques de Haute-Normandie les moyens de répondre aux besoins des équipes éducatives et des élèves, tant sur le plan pédagogique que sur celui de la sécurité ?
    Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche.
    M. Luc Ferry, ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. Monsieur le député, je vais pour commencer vous donner quelques informations, dont il faut tenir compte, concernant la démographie scolaire en Seine-Maritime.
    L'effectif prévisionnel pour les collèges et les SEGPA - les sections d'enseignement général et professionnel adapté - du département de Seine-Maritime s'élève à 56 523 élèves, soit une diminution de 1 924 élèves. La ville du Havre est très touchée par cette baisse démographique, puisqu'elle perd 5,7 % des effectifs scolarisés dans les collèges, la moyenne du département étant de 3,5 %.
    J'en viens à la situation du collège Jean-Moulin. A la rentrée scolaire 2000, la carte scolaire avait été modifiée pour faire en sorte que les collèges situés dans un environnement particulièrement difficile accueillent moins d'élèves et bénéficient ainsi d'un meilleur niveau d'encadrement. Le collège Jean-Moulin faisait partie des établissements concernés par cette mesure et ses effectifs sont passés de 903 élèves, hors SEGPA, en 2000, à 678 en 2003, soit une diminution de 25 % en trois ans.
    Si je suis obligé de tenir compte de ces baisses démographiques, je le fais non pas de manière mathématique, j'allais dire bestiale, mais si possible de façon intelligente. L'objectif que nous souhaitons atteindre au niveau de chaque académie est de maintenir, d'une part, le niveau d'encadrement par rapport à la baisse démographique et, d'autre part, le pourcentage de moyens dédiés à la prise en charge des difficultés, notamment pour les collèges classés en ZEP.
    Je vais maintenant répondre très précisément à votre question. Le niveau d'encadrement ne cesse de s'améliorer, compte tenu de la baisse démographique. Le rapport nombre d'heures sur nombre d'élèves, qui traduit en fait le niveau d'encadrement, était de 1,334 en 2002 et de 1,363 en 2003 ; il sera de 1,366 en 2004. Ces chiffres paraissent un peu bruts, mais ils traduisent bien l'amélioration du niveau d'encadrement du collège Jean-Moulin.
    Je vous indique également que les études comptables font apparaître, compte tenu de la baisse démographique, la nécessité de supprimer dix postes dans ce collège. Mais parce que nous ne tenons pas compte des données purement arithmétiques, l'hypothèse que nous présenterons aux instances paritaires, en mars prochain, ne concernera que la suppression de sept postes, dont trois d'ailleurs sont actuellement vacants.
    Dans ces conditions, le nombre d'élèves par classe va encore s'améliorer, certes très légèrement, passant de 22,83 élèves cette année à 22,38 élèves à la rentrée prochaine.
    Enfin, en ce qui concerne l'encadrement des surveillants et des aides-éducateurs, je vous rappelle qu'en 2000 le collège Jean-Moulin disposait de sept surveillants et de sept aides-éducateurs pour 903 élèves, c'est-à-dire un adulte surveillant pour 64,5 élèves. En 2003, il disposait de sept surveillants et de cinq éducateurs pour 678 élèves, c'est-à-dire un adulte surveillant pour 56 élèves. Là encore, objectivement, qu'il s'agisse de l'encadrement des professeurs ou de celui des surveillants, on peut dire que la situation s'améliore au collège Jean-Moulin, et qu'elle s'améliorera encore à la rentrée 2004.
    Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Paul.
    M. Daniel Paul. Monsieur le ministre, je doute fort que les enseignants et les parents du collège Jean-Moulin, mais aussi ceux des autres établissements concernés de la zone d'éducation prioritaire, se satisferont de votre réponse, que je comprends comme une fin de non-recevoir. Je peux le dire, en ma qualité de membre du conseil d'administration de plusieurs de ces établissements.
    La situation que vous avez rencontrée il y a quelques années a évolué. A l'époque, un certain nombre des élèves fréquentant le collège Jean-Moulin étaient de bons élèves. Depuis lors, un grand nombre de bâtiments ont été démolis dans le cadre des opérations liées au GPV. Certes, il y a aujourd'hui moins d'élèves dans cet établissement, mais la proportion d'élèves difficiles ou en difficulté est beaucoup plus importante et elle augmente d'année en année. C'est un phénomène que l'on connaît bien dans les quartiers dits difficiles et, comme je le disais tout à l'heure, ce n'est pas parce que les effectifs baissent que les choses s'améliorent. Les chiffres que vous avez cités, montrant une évolution au dixième ou au centième près, ne traduisent pas en réalité une amélioration. Pour preuve, les phénomènes de violence se sont accentués et ils s'accentuent de façon régulière et préoccupante.
    En fait, derrière tous ces chiffres, vous confirmez que l'éducation nationale se verra appliquer les mêmes principes que ceux qu'imposent vos collègues ministres à leurs secteurs respectifs : vous réduisez les moyens de l'école sans tenir compte des situations particulières difficiles que connaissent les établissements, à l'exemple de ce que fait Mme la ministre déléguée à l'industrie, ici présente, pour La Poste, ou de ce qui se passe dans la SNCF et plus généralement dans l'ensemble du secteur public, cependant que d'autres de vos collègues s'emploient à alléger les impôts des plus fortunés et à répondre aux attentes de ceux qui réclament une diminution de la dépense publique. Je regrette que le gouvernement de mon pays s'acharne ainsi sur des secteurs d'avenir qui, tout au contraire, mériteraient d'être soutenus.
    Vous affichez, dans une de vos publications, l'objectif de « faire mieux avec moins ». En fait, c'est seulement à l'objectif de « faire moins » que vous souscrivez, en acceptant l'idée de voir se creuser les inégalités scolaires, pendant de l'aggravation des inégalités sociales.

CR 12 REP_PUB Haute-Normandie O