SITUATION
DES
ÉTABLISSEMENTS SCOLAIRES HAVRAIS EN ZEP
Mme la présidente. La
parole est à M. Daniel Paul, pour exposer sa question n° 635, relative
à la situation des établissements scolaires havrais en ZEP.
M.
Daniel Paul. Monsieur le ministre de la jeunesse, de l'éducation
nationale et de la recherche, quelques semaines après votre arrivée au
Gouvernement, en juin 2002, vous êtes venu au Havre. A cette occasion, en
compagnie du Premier ministre, vous vous êtes rendu au collège Jean-Moulin,
établissement classé en zone d'éducation prioritaire et situé dans un quartier
bénéficiant de la procédure GPV - grand projet de ville.
Nul ne demande évidemment qu'une
visite ministérielle entraîne l'attribution de moyens exceptionnels et
dérogatoires, mais pourquoi visiter un établissement tel que le collège
Jean-Moulin si, ensuite, votre politique maintient et aggrave les difficultés et
celles de tous les établissements semblables de la ville ?
Depuis 2002, du fait des réductions
des moyens de votre ministère, les baisses d'effectifs des élèves s'accompagnent
de diminutions des moyens pédagogiques.
Or, si les baisses d'effectifs
n'amènent pas toujours des améliorations de la situation des établissements -
c'est le cas ici - les réductions de moyens entraînent au contraire des
aggravations des conditions d'encadrement, compte tenu du poids plus important
des élèves en difficulté, voire en très grande difficulté.
Ajoutons que la région havraise est
particulièrement concernée par des retards préoccupants, comme l'indiquent
toutes les études de votre ministère. Par exemple, pour 104 élèves en moins
au collège Jean-Moulin, la dotation prévue baisse de 109 heures. Faits
significatifs, le maintien « exceptionnel » de moyens de 36 heures, encore
préservé en 2003, a disparu en 2004 et les classes de remédiation sont
supprimées, alors que plus de trente élèves arrivent en sixième chaque année
sans maîtriser la lecture.
Des
situations analogues se retrouvent dans tous les établissements en ZEP du Havre,
notamment à Varlin. Elles sont la conséquence d'une réduction des moyens
budgétaires qui ne peut prendre en compte les problèmes réels et concrets que
rencontrent les équipes pédagogiques, d'autant que les personnels ont à faire
face à des actes de violence extrêmement préoccupants, tels ceux qui se sont
déroulés ces dernières semaines. La plus grande inquiétude existe quant à
l'évolution des moyens de surveillance dans ces mêmes établissements.
Malgré la réalité des phénomènes de
violence et d'incivilité, les autorités académiques et les chefs d'établissement
ne peuvent même pas envisager le simple maintien des actuels effectifs de
surveillants, et l'inquiétude prévaut devant la perspective du non-remplacement
des différents adultes affectés à la sécurité des élèves. La réduction du nombre
des enseignants et des surveillants entraîne une baisse du nombre des adultes et
accroît les difficultés dans tous les établissements havrais situés en ZEP.
Ma question est simple, monsieur le
ministre : quelles mesures concrètes et précises comptez-vous prendre pour
donner aux autorités académiques de Haute-Normandie les moyens de répondre aux
besoins des équipes éducatives et des élèves, tant sur le plan pédagogique que
sur celui de la sécurité ?
Mme la présidente. La
parole est à M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de
la recherche.
M. Luc Ferry, ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale
et de la recherche. Monsieur le député, je vais pour commencer vous donner
quelques informations, dont il faut tenir compte, concernant la démographie
scolaire en Seine-Maritime.
L'effectif prévisionnel pour les
collèges et les SEGPA - les sections d'enseignement général et professionnel
adapté - du département de Seine-Maritime s'élève à 56 523 élèves, soit une
diminution de 1 924 élèves. La ville du Havre est très touchée par cette
baisse démographique, puisqu'elle perd 5,7 % des effectifs scolarisés dans
les collèges, la moyenne du département étant de 3,5 %.
J'en viens à la situation du
collège Jean-Moulin. A la rentrée scolaire 2000, la carte scolaire avait
été modifiée pour faire en sorte que les collèges situés dans un environnement
particulièrement difficile accueillent moins d'élèves et bénéficient ainsi d'un
meilleur niveau d'encadrement. Le collège Jean-Moulin faisait partie des
établissements concernés par cette mesure et ses effectifs sont passés de
903 élèves, hors SEGPA, en 2000, à 678 en 2003, soit une
diminution de 25 % en trois ans.
Si je suis obligé de tenir compte
de ces baisses démographiques, je le fais non pas de manière mathématique,
j'allais dire bestiale, mais si possible de façon intelligente. L'objectif que
nous souhaitons atteindre au niveau de chaque académie est de maintenir, d'une
part, le niveau d'encadrement par rapport à la baisse démographique et, d'autre
part, le pourcentage de moyens dédiés à la prise en charge des difficultés,
notamment pour les collèges classés en ZEP.
Je vais maintenant répondre très
précisément à votre question. Le niveau d'encadrement ne cesse de s'améliorer,
compte tenu de la baisse démographique. Le rapport nombre d'heures sur nombre
d'élèves, qui traduit en fait le niveau d'encadrement, était de 1,334
en 2002 et de 1,363 en 2003 ; il sera de 1,366 en 2004. Ces
chiffres paraissent un peu bruts, mais ils traduisent bien l'amélioration du
niveau d'encadrement du collège Jean-Moulin.
Je vous indique également que les
études comptables font apparaître, compte tenu de la baisse démographique, la
nécessité de supprimer dix postes dans ce collège. Mais parce que nous ne tenons
pas compte des données purement arithmétiques, l'hypothèse que nous présenterons
aux instances paritaires, en mars prochain, ne concernera que la suppression de
sept postes, dont trois d'ailleurs sont actuellement vacants.
Dans ces conditions, le nombre
d'élèves par classe va encore s'améliorer, certes très légèrement, passant de
22,83 élèves cette année à 22,38 élèves à la rentrée prochaine.
Enfin, en ce qui concerne
l'encadrement des surveillants et des aides-éducateurs, je vous rappelle
qu'en 2000 le collège Jean-Moulin disposait de sept surveillants et de sept
aides-éducateurs pour 903 élèves, c'est-à-dire un adulte surveillant pour
64,5 élèves. En 2003, il disposait de sept surveillants et de cinq
éducateurs pour 678 élèves, c'est-à-dire un adulte surveillant pour
56 élèves. Là encore, objectivement, qu'il s'agisse de l'encadrement des
professeurs ou de celui des surveillants, on peut dire que la situation
s'améliore au collège Jean-Moulin, et qu'elle s'améliorera encore à la rentrée
2004.
Mme la présidente. La
parole est à M. Daniel Paul.
M. Daniel Paul. Monsieur
le ministre, je doute fort que les enseignants et les parents du collège
Jean-Moulin, mais aussi ceux des autres établissements concernés de la zone
d'éducation prioritaire, se satisferont de votre réponse, que je comprends comme
une fin de non-recevoir. Je peux le dire, en ma qualité de membre du conseil
d'administration de plusieurs de ces établissements.
La situation que vous avez
rencontrée il y a quelques années a évolué. A l'époque, un certain nombre des
élèves fréquentant le collège Jean-Moulin étaient de bons élèves. Depuis lors,
un grand nombre de bâtiments ont été démolis dans le cadre des opérations liées
au GPV. Certes, il y a aujourd'hui moins d'élèves dans cet établissement, mais
la proportion d'élèves difficiles ou en difficulté est beaucoup plus importante
et elle augmente d'année en année. C'est un phénomène que l'on connaît bien dans
les quartiers dits difficiles et, comme je le disais tout à l'heure, ce n'est
pas parce que les effectifs baissent que les choses s'améliorent. Les chiffres
que vous avez cités, montrant une évolution au dixième ou au centième près, ne
traduisent pas en réalité une amélioration. Pour preuve, les phénomènes de
violence se sont accentués et ils s'accentuent de façon régulière et
préoccupante.
En fait, derrière
tous ces chiffres, vous confirmez que l'éducation nationale se verra appliquer
les mêmes principes que ceux qu'imposent vos collègues ministres à leurs
secteurs respectifs : vous réduisez les moyens de l'école sans tenir compte des
situations particulières difficiles que connaissent les établissements, à
l'exemple de ce que fait Mme la ministre déléguée à l'industrie, ici
présente, pour La Poste, ou de ce qui se passe dans la SNCF et plus généralement
dans l'ensemble du secteur public, cependant que d'autres de vos collègues
s'emploient à alléger les impôts des plus fortunés et à répondre aux attentes de
ceux qui réclament une diminution de la dépense publique. Je regrette que le
gouvernement de mon pays s'acharne ainsi sur des secteurs d'avenir qui, tout au
contraire, mériteraient d'être soutenus.
Vous affichez, dans une de vos
publications, l'objectif de « faire mieux avec moins ». En fait, c'est seulement
à l'objectif de « faire moins » que vous souscrivez, en acceptant l'idée de voir
se creuser les inégalités scolaires, pendant de l'aggravation des inégalités
sociales.