FICHE QUESTION
12ème législature
Question N° : 63720  de  Mme   Robin-Rodrigo Chantal ( Socialiste - Hautes-Pyrénées ) QE
Ministère interrogé :  affaires étrangères
Ministère attributaire :  affaires étrangères
Question publiée au JO le :  26/04/2005  page :  4134
Réponse publiée au JO le :  22/11/2005  page :  10779
Date de changement d'attribution :  02/06/2005
Rubrique :  politique extérieure
Tête d'analyse :  Soudan
Analyse :  Darfour. situation politique
Texte de la QUESTION : Alors que les massacres à grande échelle se poursuivent au Darfour, dans l'ouest du Soudan, Français et Américains se sont dernièrement engagés dans une nouvelle épreuve de force au sein du Conseil de sécurité de l'ONU. Un bras de fer diplomatique qui a, dans l'immédiat, pour effet de laisser le champ libre à la violence dans une région où 180 000 personnes seraient déjà mortes en un peu plus de deux ans de guerre civile. Malgré des semaines de négociations, Paris et Washington n'ont pas pu trouver de compromis pour que soient jugés les auteurs présumés d'exactions au Darfour. La France aurait donc mis en circulation fin mars 2005 un projet de résolution sur les moyens de mettre un terme au bain de sang. Le texte de Paris prévoit la traduction devant la Cour pénale internationale (CPI) des auteurs présumés de crimes au Darfour. Farouchement opposés à cette instance, les Américains suggèrent, de leur côté, la création d'un tribunal spécial pour le Darfour, à l'image du tribunal d'Arusha, en Tanzanie, chargé de juger des crimes commis au Rwanda. Washington propose comme autre option possible la mise en place d'un comité africain pour la justice et la réconciliation. La situation diplomatique semble donc bien bloquée, alors que les horreurs sur place continuent. Compte tenu de cette regrettable situation, Mme Chantal Robin-Rodrigo demande à M. le ministre des affaires étrangères de lui faire le point sur ce dossier et de lui indiquer ses intentions au sujet de ce dernier.
Texte de la REPONSE : La persistance de la crise du Darfour est au coeur de préoccupations de la France. La situation dans le Darfour demeure en effet très mauvaise, comme en témoigne la poursuite des violations des droits de l'homme et la précarité des conditions de vie des déplacés et des réfugiés : sur une population totale de 6  millions d'habitants, plus de 2 millions de personnes ont été contraintes de quitter leurs foyers. Cette situation est d'autant plus préoccupante que le conflit du Darfour est un facteur de déstabilisation pour les pays voisins, notamment le Tchad et la République centrafricaine. La France, qui a rapidement pris conscience de la gravité de cette crise, s'est très tôt impliquée dans la résolution du conflit. La France a répondu tout d'abord à l'urgence humanitaire afin de secourir les personnes en détresse. Son aide humanitaire bilatérale et via l'Union européenne et les agences spécialisées des Nations unies s'élève à 55 millions d'euros. Au total, elle a engagé pour le Darfour près de 81 millions d'euros d'aide humanitaire et politique (soutien à la force de l'Union africaine ainsi qu'aux négociations de paix). En outre, pendant la dernière saison des pluies (août-septembre 2004), la France a mis à disposition ses moyens militaires au Tchad pour acheminer plus de 700 tonnes de fret (équipement, médicaments, compléments alimentaires) de N'Djamena vers les camps de réfugiés situés près de la frontière avec le Soudan, au profit de différents opérateurs humanitaires (Nations unies, ONG). Parallèlement à ces actions, la France continue, sur le plan politique, à agir auprès de toutes les parties au conflit, afin de faire respecter durablement le cessez-le-feu, qui est aujourd'hui assez largement respecté, d'assurer la sécurité des populations civiles et des personnels humanitaires, de neutraliser les milices janjaouites et de convaincre les parties de négocier un accord de paix durable et définitif. La France mène pour cela une action diplomatique à différents niveaux. À titre bilatéral, elle a multiplié les échanges avec les autorités soudanaises. Ainsi, dès février 2004, M. Dominique de Villepin, alors ministre des affaires étrangères, s'était rendu au Tchad (à N'Djamena et dans le camp de Forchana), puis au Soudan. M. Xavier Darcos, ministre délégué à la coopération et à la francophonie, s'est rendu pour sa part en mai à 2004 à N'Djamena, tandis que le secrétaire d'Ëtat aux affaires étrangères, M. Renaud Muselier, est allé en juin 2004 à Khartoum puis dans le Darfour, dans les camps de déplacés d'El Geneina et de Mornei. M. Michel Barnier s'est, pour sa part, rendu au Tchad le 27 juillet 2004, puis dans le Darfour, à El Fasher, où il a visité le camp de personnes déplacées d'Abou Shok. La ministre de la défense, Mme Michèle Alliot-Marie, était à son tour le 6 août 2004 à Abéché, au Tchad. La France agit également dans le cadre de l'Union européenne, à l'occasion des nombreuses consultations (conseils affaires générales, comité politique et sécurité) qui sont consacrées à la crise du Darfour. La France participe par ailleurs à la mobilisation du Conseil de sécurité sur ce dossier, et a activement oeuvré à l'adoption de la résolution 1591 qui prévoit, d'une part, l'extension à toutes les parties, y compris les forces gouvernementales, de l'embargo sur les armes dans le Darfour instauré par la résolution 1556, et, d'autre part, l'instauration de mécanismes pour en surveiller l'application (des sanctions individuelles sont prévues contre les personnes qui feraient obstacle au processus de paix). Un comité des sanctions a déjà été mis en place. En outre, la France, qui ne saurait tolérer que les auteurs des crimes contre l'humanité et des crimes de guerre rapportés par la commission internationale d'enquête mise en place par la résolution 1564 ne soient pas poursuivis pour les exactions dont ils se sont rendus coupables, a fait pression au Conseil de sécurité pour que celui-ci défère devant la Cour pénale internationale (CPI) les crimes commis dans le Darfour (résolution 1593 du 31 mars 2005). La fin de l'impunité est, en effet, un préalable au retour durable de la paix. La poursuite de l'insécurité et des violations des droits de l'homme sur le terrain montre, par ailleurs, qu'il est plus que jamais essentiel de faire respecter l'accord de cessez-le-feu conclu à N'Djaména le 8 avril 2004. Cet accord a été renforcé, le 9 novembre 2004, par la signature à Abuja de deux protocoles portant sur les questions humanitaire et sécuritaire. Dans cette perspective, nous appuyons l'action de l'Union africaine, qui a déployé dans le Darfour une importante mission d'observation et de sécurisation (près de 3 000 hommes sont actuellement sur le terrain). Le conseil de paix et de sécurité de l'Union africaine a décidé, le 28 avril dernier, de renforcer les effectifs de la force africaine pour les porter, dès septembre 2005, à 7 700 hommes. Un nouveau renforcement de la mission (jusqu'à 12 000 hommes au total) pourrait être décidé par la suite. La France, qui apporte à cette mission un soutien logistique (à partir de nos installations militaires au Tchad), a mis à disposition un général français qui exerce les fonctions de vice-président de la commission d'observation du cessez-le-feu. Nous avons également mis à la disposition de l'Union africaine un officier spécialiste de la planification. Enfin, pour compléter le dispositif de l'UA ; les forces françaises présentes au Tchad mènent des actions d'observation et de sécurisation à la frontière avec le Soudan, ce qui a permis une stabilisation de la situation dans cette zone particulièrement fragile. Cette mission de l'UA est très largement financée par l'Union européenne, qui a débloqué, en sus des 12 millions qu'elle avait déjà alloués en juin 2004, 80 millions d'euros. La France encourage ce partenariat entre l'Union européenne et l'Union africaine, qui va encore se développer dans les mois prochains, l'Union européenne ayant décidé d'aider l'Union africaine pour faire face à l'augmentation de ses effectifs sur le terrain. Pour sortir définitivement de cette crise, il est essentiel de conclure les négociations de paix qui ont repris le 10 juin à Abuja (Nigeria). Seul un règlement négocié, de fond, est en effet de nature à mettre un terme au conflit du Darfour. La clé du retour à la stabilité du Darfour, mais aussi de la région, demeure entre les mains des autorités soudanaises. Le règlement de la crise, humanitaire d'abord, politique ensuite, ne se fera pas sans le Soudan, et encore moins contre le Soudan. Il se fera avec lui et en prenant en considération les intérêts prioritaires des populations aujourd'hui directement menacées.
SOC 12 REP_PUB Midi-Pyrénées O