DÉFENSE DE L'EXCEPTION CULTURELLE
M. le président. La
parole est à M. Pierre-Christophe Baguet.
M. Pierre-Christophe Baguet. Ma question s'adresse à M. Jean-Jacques Aillagon, ministre de la culture et de la communication.
Pendant que notre pays se prépare à des réformes importantes et nécessaires, l'Europe continue à avancer. Loin de se désintéresser de la situation nationale, bien au contraire, l'UDF tient néanmoins à appeler l'attention de la représentation nationale et du Gouvernement sur les enjeux culturels actuellement en négociation à Bruxelles.
Monsieur le ministre, suite aux travaux de la Convention de l'Europe, vous venez de réaffirmer par deux fois votre volonté de défendre le principe de l'exception culturelle et donc de préserver le maintien de la règle de l'unanimité en ce qui concerne la politique commerciale extérieure commune pour les services audiovisuels et culturels. En cela, vous faites écho aux propos du Président de la République, Jacques Chirac, qui a récemment déclaré que la culture ne devait pas plier devant le marché.
Le groupe UDF se félicite de cette position. Nous sommes, en effet, particulièrement attachés à la notion de diversité culturelle et à cet acquis européen, depuis les négociations du GATT, en 1994. Pour l'UDF, la culture et les images ne sauraient en aucun cas être considérées comme des marchandises comme les autres.
Il serait dangereux et incohérent que, sans débat ni réflexion préalables, les décisions relatives à la culture soient désormais prises à la majorité qualifiée. On arriverait, en effet, à ce paradoxe qu'à l'intérieur de l'Europe, la culture relèverait des compétences nationales et serait donc soumise à la règle de l'unanimité, tandis qu'à l'extérieur, elle serait, dans le cadre des discussions OMC, soumise à la règle de la majorité qualifiée.
Si le groupe UDF approuve votre décision, il craint fortement que celle-ci ne soit pas partagée au sein du Gouvernement, en particulier à Bercy. Y aurait-il un décalage entre les mots et les actes ?
Monsieur le ministre, les déclarations succèdent aux déclarations mais, concrètement, qu'allez-vous faire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre de la culture et de la communication.
M. Jean-Jacques Aillagon, ministre de la culture et de la
communication. Monsieur le député, d'abord, je vous remercie pour votre question, à laquelle je vais m'efforcer de répondre.
Vous le savez, la contribution à la Convention, déposée en décembre 2002 par le gouvernement français, demandait notamment que soit inscrite dans les objectifs de l'Union la défense de la diversité culturelle dans toutes les politiques de l'Union, ainsi que dans ses relations extérieures.
En février dernier, la France a vivement réagi à la proposition du présidium, l'organe qui rédige le projet de futur traité. Cette proposition accorde, en effet, une place résiduelle et décevante à la culture, qui ne serait qu'une compétence d'appui de l'Union. En outre, elle prévoit, ce qui est extrêmement grave à nos yeux, le passage à la majorité qualifiée pour les décisions commerciales extérieures dans le domaine des services culturels et audiovisuels.
La France est farouchement attachée au maintien du principe de l'unanimité, seul à même de protéger les intérêts de nos industries culturelles et audiovisuelles.
Aujourd'hui, les pressions commerciales émanant notamment des Etats-Unis d'Amérique sont fortes et un certain nombre de pays de l'Union sont sensibles. Le Président de la République française a écrit à M. Giscard d'Estaing pour lui rappeler la priorité que la France accorde au maintien de la règle de l'unanimité.
La semaine dernière, j'ai obtenu d'une quinzaine de ministres de la culture de l'Union européenne et de pays entrants, réunis à Cannes à l'occasion du Festival, qu'ils signent une déclaration en faveur de la règle de l'unanimité. Cette déclaration a été approuvée par M. Michel Rocard, président de la commission culture du Parlement européen et a naturellement reçu l'appui de Mme Reding, commissaire à la culture.
La position de la France a reçu, par ailleurs, de nombreux soutiens, puisque quarante-sept amendements ont été déposés par divers conventionnels.
Enfin, monsieur le député, je note que le ministre des affaires étrangères, M. de Villepin, s'est exprimé dans ce sens la semaine dernière au cours de la séance plénière de la Convention. Il n'y a donc aucune raison d'être pessimiste. Si nous nous battons, nous obtiendrons gain de cause. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)