Texte de la QUESTION :
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M. Jean-Marie Aubron attire l'attention de M. le ministre délégué à l'industrie sur l'attitude peu conciliante et parfois discriminatoire de la direction de Charbonnages de France (CDF) à l'encontre des victimes de l'amiante. En date du 2 mars 1981, un rapport, élaboré à la demande des Houillères du Bassin de Lorraine (HBL) par le centre d'études et de recherches des Charbonnages de France (CERCHAR), relève dans une installation des HBL près de 107,20 fibres d'amiante de plus de 5 microns de longueur par centimètre cube. Or, selon les règles en vigueur dès cette époque, la concentration moyenne ne devait pas dépasser deux fibres par centimètre cube. Néanmoins, la direction de CDF conteste systématiquement toute demande d'indemnisation des mineurs victimes de l'amiante en niant l'évidence relatée ci-dessus et en sachant fort bien l'issue, défavorable pour elle, de la procédure engagée par les salariés et anciens salariés des entreprises du groupe. Cette attitude procédurière est d'autant plus curieuse que CDF manifeste plus de conciliation dans d'autres régions. C'est pourquoi il serait vivement souhaitable que la direction de CDF adopte une attitude plus humaine, d'une part, en reconnaissant l'exposition à l'amiante de toutes les personnes concernées et notamment celles atteintes de maladies reconnues comme étant spécifiques de l'amiante comme les plaques pleurales et les mésothéliomes et, d'autre part, en reconnaissant sa faute lorsqu'elle est rendue incontestable, par le fait d'une précédente condamnation, et ce dès la rencontre de conciliation de procédure de faute inexcusable de l'employeur. Il le prie de bien vouloir lui indiquer ses intentions.
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Texte de la REPONSE :
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Les Charbonnages de France (CdF) ont instauré dès 1977, dans le cadre de la médecine du travail, une surveillance médicale spéciale pour leurs agents en activité ayant été en contact avec de l'amiante. En outre, depuis 1998, lors de la visite médicale de départ de l'entreprise, chaque agent ayant fait l'objet de cette surveillance spéciale reçoit une attestation d'exposition conforme à la réglementation ; 1 023 attestations de ce type ont été délivrées à ce jour. Une liste des anciens mineurs de charbon lorrains retraités avant 1998, et présentant des indices d'exposition probable, a été communiquée à l'Union régionale de sociétés de secours minières de l'Est, gestionnaire du risque maladies professionnelles, pour lui permettre de mettre en place leur suivi post-professionnel ; un retraité ne figurant pas sur cette liste peut demander à CdF une attestation d'exposition, qui lui sera délivrée si l'enquête confirme celle-ci. Au total, 229 rentes pour maladie professionnelle due à l'amiante ont été attribuées par l'Union régionale de l'Est. On ne peut donc pas soutenir que CdF, ni en Lorraine ni ailleurs, a fait preuve de négligence, ou conteste systématiquement toute demande d'indemnisation des mineurs victimes de l'amiante. En 2002, une jurisprudence de la Cour de cassation a précisé les modalités de la mise en oeuvre de la responsabilité de l'employeur pour faute inexcusable. Elle estime notamment qu'elle est engagée si « l'employeur n'a pas pris les mesures nécessaires pour préserver le salarié ». Des réunions de médiation entre les anciens mineurs, leurs organisations syndicales, CdF et les caisses de sécurité sociale compétentes ont été instituées pour tenter d'établir si, au cas par cas, les mesures appropriées de protection contre l'amiante ont été prises. À l'usine de Saint-Benoît-de-Carmaux, dans l'ancien bassin du Tarn, CdF et ses anciens salariés se sont ralliés à l'appréciation du tribunal qui avait été saisi. En revanche, en Lorraine, il n'a pas encore été possible d'établir, ni à l'amiable ni par la voie contentieuse, une définition commune de la faute inexcusable, nécessaire pour indemniser les victimes. Certains représentants des salariés considèrent en effet que pour qu'il y ait faute inexcusable, il suffit qu'une exposition à l'amiante soit prouvée, alors que CdF, s'appuyant sur la nouvelle jurisprudence de la Cour de cassation, estime qu'il faut aussi une carence de l'employeur en matière de préservation de la santé des salariés. Si ce différend persiste, le principe constitutionnel de séparation des pouvoirs ne permettra pas au Gouvernement de le trancher. Il appartiendra aux tribunaux compétents de dire, dans chaque cas d'espèces, si CdF a pris ou non les mesures de protection nécessaires dans ses mines et usines lorraines.
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