implantation d'un centre d'enfouissement des déchets
à hucqueliers dans le nord - pas-de-calais
Mme la présidente. La
parole est à M. Jean-Claude Leroy, pour exposer sa question, n° 684.
M. Jean-Claude Leroy. Monsieur le ministre de l'écologie et du développement durable, j'appelle votre attention sur le projet d'implantation d'un centre d'enfouissement technique dans le canton rural de Hucqueliers, dans le Haut-Boulonnais, lequel porte sur la réalisation de casiers de 100 000 tonnes par an de déchets ménagers et industriels banals triés ou non venant de trois départements.
Ce projet d'implantation sur le bassin versant de la Canche, dans un secteur à la pluviométrie record et vierge de toute pollution, considéré comme le château d'eau du Pas-de-Calais, révolte tous les élus et tous les habitants d'un canton qui, non seulement, compte près de 350 exploitations agricoles aux productions labellisées mais, de surcroît, se tourne vers le tourisme vert.
Après l'enquête publique très contestée du printemps 2003, le projet n'est toujours pas présenté au conseil départemental d'hygiène, ce qui inquiète la population, d'autant plus que ce projet privé ne respecte pas le nouveau plan départemental d'élimination des déchets, arrêté par le préfet en juillet 2002.
En effet, dans ce pays de bocage, préservé des pollutions, le seul accès possible au site envisagé est constitué de petites routes départementales passant par de petits villages. Cet accès n'offre aucune alternative de transport par le rail ou la voie d'eau, pourtant présentée comme impérative par le plan départemental révisé.
Par ailleurs, un immense centre d'enfouissement technique au coeur du département et desservi par le rail vient de voir sa capacité portée à 600 000 tonnes par an jusqu'en 2032, en accueillant annuellement 400 000 tonnes de déchets ménagers triés ou non du département voisin, soit l'équivalent du quart de la production de la population du département.
La conclusion est implacable : le Pas-de-Calais n'a pas besoin d'un nouveau centre d'enfouissement technique puisqu'il est pour plusieurs décennies en forte surcapacité de stockage.
S'agit-il tout simplement, monsieur le ministre, de satisfaire le légitime souhait de développement d'une entreprise privée extérieure dans un département où elle a déjà échoué dans le passé ? Elle n'a cependant pas vocation à devenir un importateur de déchets de toutes sortes, en bafouant les principes de prévention, de précaution et de proximité prônés à la fois par la loi et par la directive européenne sur l'eau.
Je tiens également à réitérer la question que j'avais posée à votre prédécesseur par écrit le 15 février 2003 et qui est restée sans réponse à ce jour : est-il opportun en 2004, tout en affichant le souci du développement durable, de poursuivre l'ouverture de nouveaux centres d'enfouissement techniques, alors même que des collectivités de plus grande envergure - je prends l'exemple du Pas-de-Calais - optent actuellement pour des procédés plus modernes et beaucoup moins polluants ? Ainsi, Calais lance son méthaniseur et Arras achève son thermolyseur.
Les petites
collectivités sont-elles condamnées à subir la loi des entreprises privées qui
optent pour des procédés obsolètes et extrêmement dévastateurs pour
l'environnement mais très rentables pour elles-mêmes ?
Monsieur le ministre, l'heure est à
la décision : continuera-t-on à laisser se créer des décharges gigantesques, en
particulier dans des secteurs encore préservés et notamment dans un département
qui, non seulement, n'en a pas besoin mais, de plus, se tourne actuellement vers
d'autres choix technologiques de gestion de ses déchets ?
Mme la
présidente. La parole est à M. le ministre de l'écologie et du
développement durable.
M. Serge Lepeltier, ministre de l'écologie et du développement
durable. Monsieur le député, je souhaite tout d'abord rappeler que plusieurs
études ont mis en évidence un risque de pénurie des capacités de traitement dans
un grand nombre de départements d'ici cinq à huit ans.
En effet, en dépit de tous les
efforts que nous consacrerons au recyclage et à la prévention, il demeurera
nécessaire de prévoir des capacités pour l'élimination des déchets résiduels.
Une telle pénurie aura de lourdes
conséquences pour l'environnement, entraînant notamment un risque de
constitution de décharges non autorisées ou le maintien en fonctionnement
d'installations non conformes. Je ne peux me résoudre à une telle
perspective.
Par ailleurs, les
décharges de grande capacité sont souvent dotées d'installations et
d'équipements plus performants, en particulier pour le traitement des effluents
ou la valorisation du biogaz, ce qui permet d'assurer une meilleure protection
de l'environnement.
Je
souhaitais rappeler ces éléments du contexte national avant de répondre plus
précisément quant au projet qui vous préoccupe.
La société Ikos a déposé une
demande en vue d'être autorisée à exploiter sur la commune de Bimont - dans le
canton d'Hucqueliers - un centre de tri des déchets, un centre de compostage des
déchets verts et un casier de stockage de déchets ménagers et assimilés avec
accélération de la production de biogaz et valorisation de celui-ci.
La procédure d'autorisation prévoit
la consultation du public. Celui-ci s'est exprimé contre le projet. Une
commission locale d'information et de surveillance, créée en juin 2001, s'est
réunie plusieurs fois afin de débattre du projet au regard des préoccupations
exprimées. Le dossier est désormais entre les mains de l'administration, qui
devrait soumettre des propositions au conseil départemental d'hygiène d'ici à
l'été 2004. Il appartient au préfet de prendre la décision la mieux adaptée au
plan local.
Cependant, quelle
que soit la décision qui sera prise par le préfet, j'attache une très grande
importance au respect de la réglementation relative aux installations de
traitement des déchets. Il est essentiel que celui-ci se fasse en assurant un
haut niveau de protection de la santé et de l'environnement. Je ferai preuve
d'une grande vigilance en la matière.
Mme la présidente. La
parole est à M. Jean-Claude Leroy.
M. Jean-Claude Leroy. Je
ne suis guère rassuré par votre réponse, monsieur le ministre, et vous n'en
serez pas surpris.
Il s'agit en
effet d'un canton très agricole, le plus rural du département du Pas-de-Calais,
qui consent actuellement de gros efforts pour assurer son développement et
diversifier son activité en se tournant vers le tourisme vert. Comme un grand
nombre de ses habitants, je souhaite ardemment qu'un tel projet ne voie jamais
le jour car le département gère lui-même ses déchets et fait preuve d'un esprit
de responsabilité que l'ensemble des partenaires et des collectivités devrait
imiter.
Face à un tel enjeu, chacun doit assumer ses responsabilités. Ce que nous faisons dans le département du Pas-de-Calais, nous souhaitons le voir se développer dans le reste du pays. Les pouvoirs publics doivent prendre acte de la volonté des habitants du canton d'Hucqueliers.