Texte de la QUESTION :
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M. Germinal Peiro souhaite attirer l'attention de Mme la ministre de la défense sur les documents publiés par la revue Damoclès (n° 112/114 de février-avril 2005) qui démontrent que les autorités militaires françaises ont volontairement caché aux populations des îles et atolls proches de Mururoa et au personnel militaire présent en Polynésie française les retombées radioactives faisant suite aux essais nucléaires de 1966 et 1967. D'après une étude épidémiologique réalisée par trois laboratoires français spécialisés, dont l'INSERM et l'institut Gustave-Roussy de Villejuif, et publiée dans l'European Journal of Nuclear Medecine and Molecular Imaging de février 2005, les anomalies chromosomiques sont trois fois plus importantes chez les patients polynésiens atteints d'un cancer de la thyroïde que dans un groupe de contrôle de patients européens. De plus, le 7 juin 2005, le tribunal des pensions militaires de Tours a accordé à un vétéran des essais nucléaires français du Sahara une pension d'invalidité et a reconnu que la maladie neuro-musculaire dont il souffre est bien due à sa présence sur le site d'essais nucléaires de Reggane de 1962 à 1964. De même, le lundi 13 juin 2005, c'était au tour du tribunal des pensions militaires de Brest d'acccorder une pension d'invalidité à un ancien officier de radioprotection en poste en Polynésie française de 1966 à 1972 où, affecté au service mixte de sécurité radiologique il a participé à 31 tirs nucléaires dans l'atmosphère. Aujourd'hui, cet ancien officier souffre de plusieurs pathologies cancéreuses, dont un cancer de la thyroïde. D'après l'association des vétérans des essais nucléaires, près de 200 dossiers de ce type ont été déposés devant des tribunaux militaires de métropole et de Polynésie. Aussi, il aimerait connaître les mesures qu'elle compte mettre en oeuvre pour qu'à l'instar des États-Unis, où un registre fédéral d'exposition aux radiations a été créé, les vétérans français des essais nucléaires puissent être examinés et indemnisés. - Question transmise à M. le ministre délégué aux anciens combattants.
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Texte de la REPONSE :
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Le ministre délégué aux anciens combattants tient à préciser qu'aucune distorsion ou discrimination n'a été faite entre les protections dues aux personnels qui servaient les expérimentations - qu'ils soient civils ou militaires - et les populations des régions concernées, dans les mesures de sécurité prises au moment des campagnes d'essais nucléaires atmosphériques menées par la France en Polynésie dans les années 1960. S'agissant de l'organisation de ces essais, le ministère de la défense a livré à l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), en 1998, l'ensemble des données à sa disposition ainsi qu'à l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques qui a publié un rapport sur le sujet en 2002. Ces données font clairement apparaître les conditions dans lesquelles la protection des personnels comme celle des populations de la région était organisée ainsi que les résultats obtenus. L'ensemble de ces données confirme en particulier que les dispositions mises en oeuvre lors des essais étaient totalement conformes à la réglementation en vigueur de l'époque en matière de radioprotection, que ce soient pour les personnels civils et militaires opérant dans les expérimentations ou pour les populations de la région. Dans son rapport publié en février 2002, l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques a dressé l'historique des essais nucléaires français et étrangers et a analysé les études dosimétriques effectuées. Dans leurs conclusions, les auteurs de ce rapport indiquent qu'il n'y a pas lieu de transposer en France des mécanismes de prise en charge utilisés dans d'autres États. En effet, chaque citoyen français bénéficie d'une couverture sociale par l'assurance maladie de la sécurité sociale qui prend en charge les coûts afférents à la pathologie qu'il peut présenter et, dans le cas où cette pathologie est reconnue d'origine professionnelle, des mécanismes propres aux milieux civil et militaire permettent la prise en charge spécifique de la maladie. En matière d'indemnisation, le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre permet en outre d'indemniser tout militaire qui, s'il ne peut bénéficier de la présomption d'imputabilité, peut, à tout moment, utiliser la démarche d'imputabilité par preuve. Celle-ci peut être admise à partir d'un faisceau de présomptions. Ainsi, en l'absence d'une preuve indiscutable, un ensemble de circonstances permet d'admettre l'imputabilité. Concernant les essais nucléaires, des pensions ont pu être concédées près de vingt ans après la date du fait générateur. Il convient d'ajouter que le suivi sanitaire des essais nucléaires français fait l'objet d'une attention particulière de la part des pouvoirs publics. C'est ainsi qu'à l'initiative du Président de la République les ministres en charge de la santé et de la défense ont confié, le 15 janvier 2004, au directeur général de la sûreté nucléaire et de la radioprotection (DGSNR) et au délégué à la sûreté nucléaire et à la radioprotection pour les activités et installations intéressant la défense (DSND) le pilotage conjoint d'un comité de liaison pour la coordination du suivi sanitaire des conséquences des essais nucléaires au Sahara et en Polynésie française. Ce comité est composé de représentants des ministres en charge de la défense et de la santé, des instituts et agences concernés (institut national de veille sanitaire, centre international de recherche sur le cancer, centre national de la recherche scientifique...), des responsables de la défense et du commissariat à l'énergie atomique (CEA) en charge des essais nucléaires, qui peuvent s'entourer en tant que de besoin des personnes qu'ils jugent utiles. Il est ouvert, en effet, à toutes les contributions, y compris d'ordre scientifique, sur les conséquences éventuelles des essais nucléaires vis-à-vis de la population. Ses travaux sont organisés autour de deux thèmes majeurs concernant, pour le premier, la définition et la caractérisation des pathologies susceptibles d'être radio-induites et, pour le second, l'étude des catégories de personnes concernées par les essais nucléaires. Un premier rapport d'étape a été rendu public en avril dernier, et le rapport final de ces travaux est attendu pour 2006-2007.
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