DEBAT :
|
RÉFORME DES RETRAITES
M. le président. La
parole est à M. Jean-Marc Ayrault, pour le groupe socialiste.
M. Richard Cazenave. Disqualifié !
M. Pierre Lellouche. Démago !
M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur le Premier ministre, des centaines de milliers de Français manifestent aujourd'hui encore. Et pourtant, jamais notre pays n'a été aussi conscient de la nécessité d'une réforme des retraites. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) Si vous êtes d'accord, vous pouvez m'applaudir !
M. le président. Ecoutez la suite, mes chers collègues !
M. Jean-Marc Ayrault. Jamais les organisations syndicales n'avaient été aussi prêtes à rechercher un grand compromis social. (« Tartuffe ! » « Démagogue ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Cependant, monsieur le Premier ministre, il vous a manqué la patience, la volonté et la vision (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) : la patience de négocier le temps qu'il fallait, comme l'ont fait nos voisins européens ; la volonté de vous affranchir des formules préétablies ; la vision d'une nouvelle solidarité entre les âges. Et vous avez ajouté la crise à la crise,...
M. François Goulard. Vous, vous n'avez pas ajouté grand-chose !
M. Jean-Marc Ayrault. ... la crise sociale à la crise économique, la crise de l'éducation à la crise des retraites, le désarroi des salariés au marasme des chefs d'entreprise. Voilà près d'un mois que notre pays est secoué par les grèves et les manifestations...
M. Charles Cova. A qui la faute ?
M. Jean-Marc Ayrault. ... et vous êtes impuissant à prononcer les mots qui ressoudent la cohésion nationale.
M. René Dosière. Tout à fait !
M. Jean-Marc Ayrault. Vous avez tablé sur l'essoufflement de ce mouvement et celui-ci s'est durci au point de menacer le passage des examens. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) Oui, le bac doit se passer normalement et nous appelons tout le monde, y compris vous-même, à la responsabilité, car ce contexte de gâchis social ne peut profiter qu'à ceux qui sont hostiles à toute idée de réforme. Dans une nation démocratique, rien n'est pire que de voir un gouvernement refuser toute alternative. Pas plus qu'il n'existe de pensée unique, il n'y a de solution unique.
M. Pierre Lellouche. Avec vous, il n'y a pas de solution du tout !
M. Jean-Marc Ayrault. Nous avons une autre conception de la réforme tout aussi responsable (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) que la vôtre, mais empreinte de plus d'esprit de justice et de solidarité. (Mêmes mouvements.)
J'entendais ce matin votre ministre des affaires sociales dire avec un certain dédain - merci pour M. Juppé qui, lui, avait augmenté fortement la fiscalité ! - : les socialistes ne savent qu'augmenter les impôts. Eh bien non, monsieur le Premier ministre ! Les impôts, nous avons su les baisser quand la croissance était au rendez-vous, mais quand la solidarité est en jeu, alors oui, la fiscalité est profondément juste et nécessaire !
M. Alain Juppé. Démago !
M. Bernard Deflesselles. Vous n'avez rien fait pendant cinq ans !
M. Jean-Marc Ayrault.
Monsieur le Premier ministre, le temps parlementaire n'est pas antinomique du temps de la négociation sociale et il n'est pas trop tard pour des gestes d'apaisement. Je voudrais vous poser quatre questions.
Etes-vous prêt à retirer votre projet de décentralisation de l'éducation ? (« Non ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) La majorité répond « non », mais vous, monsieur le Premier ministre ? Ensuite - je vous pose solennellement la question - êtes-vous prêt à recevoir sans délai les responsables syndicaux à Matignon pour reprendre le dialogue sur les retraites ? (« C'est déjà fait ! » sur les mêmes bancs.) Est-ce que la majorité répond oui ? Je n'en sais rien, j'ai cru entendre non. Alors, j'attends la réponse.
Puisque vous parlez de consensus, monsieur le Premier ministre, êtes-vous prêt à prendre en considération les propositions de l'opposition ? (« Zéro ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
Enfin, je pose cette question particulièrement grave, et ce sera la dernière : croyez-vous qu'il soit possible de réformer le pays contre une partie de lui-même ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
M. le président. La
parole est à M. le Premier ministre.
M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Monsieur le président Ayrault, je ne souhaite pas polémiquer sur un sujet qui concerne l'avenir de la France et je voudrais d'abord vous remercier de votre appel à la responsabilité de tous. J'ai bien entendu l'appel à la responsabilité du Gouvernement, mais j'ai aussi entendu l'appel à la responsabilité de tous, notamment pour que cesse la violence (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) et que les examens puissent avoir lieu. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) C'est un élément très important. Je salue cette démarche de responsabilité. Il est vrai qu'il y a eu du monde dans la rue ces dernières semaines, mais il est vrai aussi qu'il y a eu des millions de Français pour défendre la République (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) qui est fondée, d'une part, sur une démocratie sociale et, d'autre part, sur une démocratie politique et parlementaire. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Je crois très sincèrement que nous avons respecté toutes les règles de la démocratie sociale. (« Non ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Nous avons pris en compte les travaux du COR, installé par le gouvernement précédent. Nous nous sommes appuyés dessus. Nous avons engagé des discussions au Conseil économique et social, puis dans le pays et avec les organisations syndicales. Il est vrai que certaines organisations ont dit « oui » et d'autres « non » comme c'est souvent le cas dans une démocratie sociale. Il est vrai que M. Thibault a dit « non », mais est allé au Parti socialiste, et que M. Chérèque a dit « oui » sans venir pour autant à l'UMP. (Applaudissements et rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Et je suis obligé de constater aujourd'hui qu'une majorité d'organisations représentatives ont signé...
M. François Hollande. C'est faux !
M. Henri Emmanuelli. Non !
M. le Premier ministre. ... un relevé de décisions qui appuie les propositions du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
Je vais répondre très rapidement à vos questions, monsieur Ayrault. Suis-je prêt à arrêter la réforme de la décentralisation ? Non (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), parce que le pays a besoin de la décentralisation pour faire respirer ses territoires. Il est congestionné par le haut et cette respiration donnera plus de force à la République ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Par ailleurs, je dis oui au dialogue ! Ce soir, une réunion importante va avoir lieu avec les organisations représentatives de l'éducation nationale. Nous sommes dans la phase de la négociation sociale. Nous sommes ouverts au dialogue et nous ferons des avancées sur le sujet.
Vous me demandez si je suis prêt à recevoir les responsables syndicaux. Je les reçois régulièrement. Je l'ai fait encore aujourd'hui. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) et je tiens à vous dire que la porte de Matignon est régulièrement ouverte à tous les responsables syndicaux. C'est très important pour être en phase avec les propositions qui nous sont faites.
Nous ne voulons pas prendre du retard, décréter un moratoire, renvoyer à plus tard. Nous sommes face à des échéances d'avenir. On ne parle jamais de la non-réforme, mais celle-ci signifierait l'effondrement des retraites à partir de 2006. C'est à cela qu'il faut répondre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) Il ne faut pas comparer la situation actuelle et la situation de demain. Il faut comparer la situation avec réforme et la situation sans réforme.
M. François Hollande et Mme Martine David. Pas avec votre réforme !
M. Albert Facon. Non, pas avec celle-là !
M. le Premier ministre. Sans réforme, je le répète, ce sera l'effondrement des retraites, et notamment des plus petites. Monsieur le président Ayrault, il est des jours, il est des temps où le courage, c'est l'action ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française - Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
|