Texte de la QUESTION :
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M. Roland Blum attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur l'application de l'article 122-1 du code pénal sur l'irresponsabilité pénale des malades mentaux. Dans le cas d'un assassinat perpétré par un malade mental et la reconnaissance par les psychiatres de son irresponsabilité, il est prononcé un non-lieu pour l'assassin et son impunité. De plus la plainte en partie civile ne peut être prise en compte qu'après le versement d'une caution. Il lui demande s'il envisage une modification de l'article 122-1 du code pénal sur l'irresponsabilité pénale des malades mentaux afin que, dans tout crime de sang, un débat contradictoire ait lieu. Ce débat permettrait d'établir s'il y a ou non responsabilité de l'entourage du criminel conformément à l'article 121-3, à savoir s'il y a eu imprudence, négligence ou manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou les règlements, sachant que l'article 121-3, tel qu'il est actuellement, ne peut être utilisé s'il y a application de l'article 122-1.
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Texte de la REPONSE :
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Le garde des sceaux, ministre de la justice, fait connaître à l'honorable parlementaire qu'il est comme lui même particulièrement attaché à la prise en compte des intérêts des victimes lorsqu'est envisagé, à l'issue d'une information judiciaire, un non-lieu justifié par le trouble mental de l'auteur des faits, jugé pénalement irresponsable en application des dispositions de l'article 122-1 du code pénal. Il lui apparaît toutefois que cette situation est convenablement traitée par les dispositions actuellement en vigueur. En premier lieu, la loi du 9 septembre 2002 a inséré dans la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique un article 9-2 prévoyant que la condition de ressources n'est pas exigée des victimes de crimes d'atteintes volontaires à la vie ou à l'intégrité de la personne prévus et réprimés par les articles 221-1 à 221-5, 222-1 à 222-6, 222-8, 222-10, 222-14 (1° et 2°), 222-23 à 222-26, 421-1 (1°) et 421-3 (1° à 4°) du code pénal, ainsi que de leurs ayants droit pour bénéficier de l'aide juridictionnelle en vue d'exercer l'action civile en réparation des dommages résultant des atteintes à la personne. Il en résulte que les membres de la famille d'une victime de l'une de ces infractions voient, d'une part, les frais d'avocat pris en charge par l'Etat lorsqu'ils se constituent partie civile et, d'autre part, n'ont pas à verser de caution lorsqu'ils déposent plainte avec constitution de partie civile. En second lieu l'article 167-1 prévoit que la notification des conclusions d'une expertise tendant au prononcé d'un non-lieu pour trouble mental doit être effectuée « dans les conditions prévues par le premier alinéa de l'article 167 », ce qui signifie que le juge d'instruction doit convoquer les victimes et leur avocat pour les aviser oralement des conclusions de l'expertise, et qu'il ne peut se contenter de leur adresser ces conclusions par lettre recommandée. Bien évidemment, cette notification orale, qui peut se faire en présence de l'expert, ne dispense pas le juge de remettre aux parties une copie intégrale du rapport, comme l'exige le premier alinéa de l'article 167. Elle permet en revanche au juge d'instruction d'expliquer de façon appropriée le sens de l'expertise aux victimes, et de recevoir leurs déclarations. D'autre part, l'article 167-1 prévoit in fine que si les parties civiles demandent une contre-expertise, celle-ci est de droit, et ne peut donc être refusée par le juge. Par ailleurs, en cas d'appel de l'ordonnance de non-lieu, l'article 199-1 prévoit que, lorsque la partie civile le demande, la personne mise en examen doit personnellement comparaître, si son état le permet, devant la chambre de l'instruction, et les débats doivent avoir lieu en séance publique. Ces dispositions permettent ainsi à la victime de faire valoir contradictoirement ses observations tant devant le juge d'instruction que devant la chambre de l'instruction. Enfin, le constat de l'irresponsabilité de l'auteur principal d'une infraction n'entraîne pas la fin des investigations. Certes, d'une manière générale, il ne saurait y avoir pour un même dommage cumul entre une infraction volontaire et une infraction involontaire. Toutefois, lorsque l'auteur d'un homicide est déclaré irresponsable sur le fondement de l'article 122-1 du code pénal, c'est-à-dire en raison de son absence de volonté, l'homicide volontaire n'existe plus. Il appartient alors au magistrat compétent, en procédant à tous les actes d'investigations nécessaires à l'établissement des circonstances de la commission des faits dont il est saisi, de vérifier dans ce cadre si les éléments constitutifs de l'homicide involontaire peuvent être réunis à l'encontre de tel individu ou éventuellement de telle personne morale. Il est dès lors tenu de rechercher l'ensemble des responsabilités, directes ou indirectes qui pourraient être établies. Toutefois, en application des dispositions de l'article 121-3 du code pénal, il est nécessaire, pour que la responsabilité pénale de l'auteur indirect d'un dommage puisse être engagée, que celui-ci ait soit violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, soit commis une faute caractérisée dont il savait qu'elle exposait autrui à un risque d'une particulière gravité. Cette responsabilité indirecte pourra notamment être recherchée par le procureur de la République au stade de l'enquête, dans la mesure où cette dernière doit par nature être complète quant au champ d'investigation, que ce soit au niveau des faits ou au niveau des personnes qui peuvent être mises en cause. Lorsqu'une instruction est ouverte, le juge d'instruction étant saisi in rem, il lui appartient, en l'absence de responsabilité directe, de conduire les investigations nécessaires à l'établissement éventuel de responsabilités indirectes.
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