PERSPECTIVES D'EMPLOI
DANS LE SECTEUR INFORMATIQUE
M. le président. La parole
est à M. Patrick Bloche, pour exposer sa question, n° 705, relative
aux perspectives d'emploi dans le secteur informatique.
M. Patrick Bloche. Monsieur
le ministre délégué aux petites et moyennes entreprises, les salariés du secteur
informatique sont de plus en plus inquiets. En effet, délocalisations et dumping
social sont devenus le lot quotidien de cette profession.
Le taux de chômage des
informaticiens a augmenté, tenez-vous bien, de 45 % entre 2002 et 2003 ; il
a triplé depuis 2000 ! Il y a actuellement presque 50 000 demandeurs
d'emploi dans l'informatique, soit près de 10 % des effectifs de ce
secteur. C'est le double du taux de chômage moyen des cadres en France. Les
salaires à l'embauche ont chuté d'environ 20 %, compensant ainsi plus que
largement la baisse des prix des prestations des sociétés de services en
ingénierie informatique, les SSII, dues aux exigences des clients en matière de
réduction des coûts.
Par
ailleurs, les SSII sont fréquemment montrées du doigt pour leurs infractions à
la législation du travail : licenciements abusifs, non-respect des dispositions
sur les heures supplémentaires, manque flagrant de gestion des compétences.
Les déclarations de l'ancienne
ministre déléguée à l'industrie, lors de son déplacement en Inde, sur - je la
cite - les « délocalisations positives », n'ont pas été pour rassurer les
salariés qui se sentent aujourd'hui ignorés par les pouvoirs publics.
Les délocalisations offshore des services informatiques français ont triplé
depuis deux ans selon une étude récente, qu'il s'agisse d'externalisations ou de
contrats remportés par des SSII de pays à bas coûts de main-d'oeuvre, lesquelles
sont d'ailleurs presque de nature à constituer une concurrence abusive. Ces
délocalisations ont des conséquences de plus en plus graves. En effet, elles
affectent des activités qualifiées dont le transfert à l'étranger porte
principalement préjudice à une population de jeunes diplômés.
Je vous demande donc, monsieur le
ministre, de me préciser quelles mesures vous entendez prendre pour favoriser
l'emploi en France dans ce secteur, comme cela a été partiellement le cas
récemment pour les secteurs des jeux vidéo, afin de redonner ainsi aux salariés
de l'informatique des perspectives d'avenir. Comptez-vous mettre en oeuvre une
surveillance rigoureuse pour faire respecter une interdiction totale, tant
directe qu'indirecte, du financement des délocalisations offshore par des fonds publics ou par des entreprises
semi-publiques ?
M. le président. La parole
est à M. le ministre délégué aux petites et moyennes entreprises, au
commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation.
M.
Christian Jacob, ministre délégué aux petites et
moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à
la consommation. Monsieur le député, je vous prie de bien vouloir excuser
l'absence de M. Devedjian, ministre délégué à l'industrie, qui a été
retenu. Voici la réponse qu'il m'a chargé de vous transmettre.
Tout d'abord, s'agissant de votre
description du secteur informatique en France, vous avez noirci le tableau de ce
secteur stratégique et fait une analyse trop sommaire. Le secteur des services
informatiques emploie en effet environ 280 000 salariés, dont 80 % de
cadres, et représente plus de 28 milliards d'euros de chiffre d'affaires.
C'est dire son importance. En cinq ans, plus de 100 000 emplois y ont été
créés. Des phénomènes exceptionnels tels que le passage de l'an 2000,
l'arrivée de l'euro ou le décollage d'internet, ont permis une croissance très
forte - près de 15 % - au tournant du siècle. Le contrecoup
normal s'est malheureusement fait ensuite sentir.
Toutefois le Gouvernement n'est pas
resté les bras croisés.
Il a,
dans le plan 2007, fixé l'objectif de dix millions d'abonnés au haut-débit pour
cette année-là. Il a également, dans le cadre de CIADT successifs, favorisé le
déploiement du haut-débit sur l'ensemble du territoire. Enfin, le Gouvernement a
souhaité, grâce à l'adoption du projet de loi pour la confiance dans l'économie
numérique, définir un cadre juridique clair et stable pour favoriser l'essor de
ce nouveau mode de commerce. Les premiers résultats se font d'ores et déjà
sentir : près de 45 % des Français disposent aujourd'hui d'un
micro-ordinateur, et plus de 16 % ont accès au haut-débit.
C'est pourquoi nous avons confiance
dans l'avenir de l'informatique.
En effet, à l'instar de cette
demande croissante de services informatiques de la part des particuliers, les
besoins des entreprises sont également en hausse, notamment chez les PME. Les
nouvelles technologies constituent en effet un levier majeur de la compétitivité
et de l'innovation des entreprises. C'est ce que confirme le rapport que le
Gouvernement a demandé au député Jean-Paul Charié. La croissance de 60 %
par an du commerce électronique entraîne une adaptation permanente des systèmes
d'information des entreprises pour satisfaire cette demande.
La reprise européenne qui s'amorce
bénéficiera aux nombreuses sociétés françaises performantes qui ont su devenir
des leaders dans ce secteur stratégique pour l'emploi qualifié et pour la
compétitivité.
Pour l'Etat aussi,
la modernisation passe impérativement par l'administration électronique, secteur
dans lequel la France se situe déjà au-dessus de la moyenne européenne. Le
Gouvernement compte renforcer ces investissements dans le cadre du programme
ADELE qu'il a annoncé récemment.
Vous évoquez le phénomène des
délocalisations, en Inde ou ailleurs.
A cet égard, il convient d'abord de
relever que cela ne concerne que 1 % de l'activité du secteur des services
informatiques et se limite à quelques segments tels que les centres d'appel ou
certains développements de logiciels. Il peut s'expliquer par le faible coût de
la main-d'oeuvre et par une flexibilité sociale. Mais soyons conscients que,
pour l'essentiel, l'informatique et le conseil sont des activités de service qui
exigent une réelle proximité entre le client et son fournisseur.
Aujourd'hui, le secteur connaît une
inflexion avec le retour à la croissance. L'investissement des entreprises, dont
les nouvelles technologies représentent environ 20 %, repart. Le Syntec
informatique vient d'annoncer une prévision de croissance de son activité de 2 à
4 % pour l'année 2004, après une stabilisation de la situation au cours du
dernier trimestre de l'année dernière.
Conjuguée à la détermination du
Gouvernement sur ce dossier, cette tendance se confirmera dans les mois à venir,
et l'industrie informatique française conservera cette place d'excellence
qu'elle s'est construite avec ténacité ces dernières années.
M. le
président. La parole est à M. Patrick Bloche.
M.
Patrick Bloche. Heureusement, monsieur le ministre, que votre réponse a
comporté une seconde partie, car la première était complètement hors sujet, sauf
tout le respect que je vous dois. Toutefois, vous l'avez précisé vous-même, vous
avez lu la réponse de votre collègue ministre délégué à l'industrie.
Etant coprésident depuis sept ans du
groupe d'études de notre assemblée sur l'internet et le commerce électronique,
je connais par coeur le bilan que vous avez dressé. Ma question portait sur
l'aspect social de l'activité des services informatiques dans notre pays.
Vous pointez un chiffre d'affaires
de 28 milliards d'euros, et vous soulignez que cela est excellent. Certes,
mais le problème est de savoir dans quelles conditions ce chiffre d'affaires est
réalisé. Or je trouve que votre réponse témoigne d'une vision extraordinairement
optimiste de la part du Gouvernement sur le phénomène des délocalisations offshore que j'ai souhaité dénoncer à travers cette
question, et qui fait d'ailleurs l'objet de vives inquiétudes dans d'autres pays
que le nôtre.
Le Sénat
américain, le Chancelier allemand, le commissaire européen compétent sur ces
questions ont exprimé publiquement leur inquiétude sur ce phénomène croissant.
Je crains que votre vision optimiste cache une volonté délibérée du Gouvernement
de ne pas intervenir. Or, monsieur le ministre, je vous le dis - et je vous prie
de faire passer le message à M. Devedjian -, il est plus qu'urgent que les
pouvoirs publics prennent leurs responsabilités.