SITUATION FISCALE DU GROUPE MECAPLAST
M. le président. La parole
est à M. Thierry Mariani, pour exposer sa question, n° 719, relative à
la situation fiscale du groupe Mecaplast.
M. Thierry Mariani.
Monsieur le ministre délégué aux petites et moyennes entreprises, je
veux, en tant que député de Vaucluse et maire de Valréas, me faire l'écho des
préoccupations du groupe industriel Mecaplast, dont le siège social se trouve à
Monaco. Cet équipementier automobile est fortement implanté en France, notamment
dans ma commune.
Ses
préoccupations portent, d'une part, sur les graves conséquences économiques
d'une instruction fiscale du 4 mars 2004 et, d'autre part, sur
l'urgence à modifier la convention fiscale franco-monégasque du
18 mai 1963. J'ai bien dit 1963 : cette convention aurait donc dû être
ratifiée depuis quarante et un ans !
D'envergure mondiale, le groupe
Mecaplast est présent en France - à Lens, Villers, Crépy-en-Valois,
Angoulême, au Mans et à Valréas - ainsi que dans dix autres pays. Ce groupe
a récemment fait l'acquisition de deux équipementiers automobiles, Neyr en 2002
et Aries en 2003, tous deux en proie à de grandes difficultés en raison d'une
rentabilité insuffisante et de la perte de clients de premier plan.
Aujourd'hui, le groupe Mecaplast,
augmenté de Neyr et d'Aries, représente trente sites industriels répartis dans
douze pays, un chiffre d'affaires de 802 millions d'euros, dont la très
grande majorité, 600 millions, est réalisée en France, et 7
500 emplois dont 4 600 dans notre pays.
L'acquisition du groupe Aries a été
réalisée en mars 2003, via la constitution d'une nouvelle société, Aries
Meca, filiale de Mecaplast, dans le cadre d'une cession ordonnée par le tribunal
de commerce de Paris. Cette reprise a concerné cinq sites sur six et a permis de
préserver 1 400 emplois en France et 200 à l'étranger. Outre la
préservation de l'outil industriel et de l'emploi, le groupe Mecaplast a pris à
sa charge le remboursement d'avances faites par certains clients ainsi qu'un
passif social de 2 millions d'euros.
Il a naturellement recherché le
moyen le plus adapté pour optimiser les conditions de cette reprise en recourant
au premier alinéa de l'article 44 septies du
code général des impôts, lequel dispose que les sociétés créées pour reprendre
une entreprise industrielle en difficulté faisant l'objet d'une cession ordonnée
par le tribunal sont exonérées d'impôt sur les sociétés à raison des bénéfices
réalisés jusqu'au vingt-troisième mois suivant celui de leur création. De plus,
les entreprises concernées peuvent également être exonérées, sous conditions, de
taxe professionnelle.
La nature
des difficultés du groupe Aries et les conditions de sa reprise entraient
pleinement dans le champ d'application de ces dispositifs fiscaux. Le bénéfice
de l'exonération fiscale escompté devait ainsi se situer entre 8 et
10 millions d'euros. Or, selon une instruction fiscale du
4 mars 2004, les dispositions de l'article 44 septies du code général des impôts ne sont plus
applicables en l'espèce.
La
remise en cause, avec effet rétroactif, de cette mesure d'exonération affecte
considérablement les conditions de reprise de la société Aries. En effet, la
reprise de toute entreprise industrielle en difficulté entraîne automatiquement
la réalisation de profits dont la nature ne résulte pas de l'exploitation
directe de l'activité. Ainsi, Aries Meca estime ses profits à 22 millions
d'euros pour 2003 et 2004, alors que ce résultat, lié à la minoration de la
charge d'amortissement ainsi qu'à l'opération de refinancement des actifs
immobiliers, ne reflète absolument pas la réalité.
La société Aries Meca se trouve donc
confrontée à une échéance fiscale de 8 à 10 millions d'euros, complètement
déconnectée de sa véritable situation économique et financière. Il va de soi
que, si le régime d'exonération fiscale issu de l'article 44 septies du code général des impôts n'avait pas existé,
la reprise des actifs d'Aries par le groupe Mecaplast, jugée alors
économiquement non viable, n'aurait pas été réalisée. La pérennité même des
activités du groupe Mecaplast est donc aujourd'hui en cause.
Aussi, monsieur le ministre,
pourriez-vous m'indiquer les mesures susceptibles d'être mises en oeuvre pour
sauvegarder les activités de Mecaplast ? Je rappelle qu'en deux ans ce groupe a
sauvé 4 000 emplois grâce aux reprises de Neyr et d'Aries et qu'il a permis
le maintien de nombreux sites industriels, pour la plupart situés en France.
S'agissant de la seconde partie de
ma question, l'approbation de l'avenant à la convention fiscale
franco-monégasque du 18 mai 1963, je rappelle qu'un projet de loi a
été déposé à l'Assemblée nationale le 18 février 2004. Le gouvernement
Raffarin a au moins réagi, ce que ses prédécesseurs n'avaient pas fait pendant
trente-neuf ans. L'article 3 de cet avenant supprime, sous conditions,
l'interdiction faite par l'article 8 de la convention de 1963 aux personnes
physiques ou morales soumises à l'impôt en France de déduire de leur bénéfice
imposable certaines catégories de versement effectuées vers Monaco, en cas de
lien de dépendance entre le bénéficiaire et l'entreprise versante.
L'avenir des activités du groupe
Mecaplast situées en France, notamment à Valréas, dépend donc également de la
suppression de cette interdiction. Aussi vous serais-je reconnaissant de bien
vouloir me préciser également, en tenant compte naturellement des délais imposés
par la procédure parlementaire, quand cet avenant entrera en vigueur.
M. le
président. La parole est à M. le ministre délégué aux petites et
moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à
la consommation.
M. Christian Jacob, ministre délégué aux petites et moyennes
entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la
consommation. Monsieur le député, je tiens d'abord à vous présenter
également les excuses de M. le ministre d'Etat qui n'a pu être présent. Il
m'a chargé de vous transmettre les éléments de réponse suivants, relatifs à la
situation du groupe industriel dont vous vous êtes fait l'écho et dont certaines
filiales ont bénéficié d'une exonération d'impôt au titre de la reprise
d'entreprises en difficulté.
Vous
soulignez la gravité des conséquences de la remise en cause de cette exonération
pour ce groupe et vous me demandez d'indiquer les mesures qui seront prises pour
permettre la sauvegarde de ses activités ; vous souhaitez également savoir dans
quel délai l'avenant à la convention fiscale franco-monégasque entrera en
vigueur.
Le dispositif
d'exonération concerné est prévu, comme vous l'avez rappelé, à l'article 44
septies du code général des impôts. Cela étant, il a
été condamné par une décision de la Commission européenne du
16 octobre 2003, publiée le 16 avril dernier au Journal officiel de la Communauté. Cette décision
ordonne à la France de prendre toutes les mesures nécessaires à la suppression
du dispositif et à la restitution des aides accordées depuis 1991.
M.
Thierry Mariani. Ce qui est impossible !
M. le ministre délégué aux petites
et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales
et à la consommation. La France ne peut que se conformer à cette
décision. L'instruction fiscale du 4 mars 2004 n'a fait que tirer les
conséquences de cette condamnation, afin d'éviter que des entreprises continuent
d'appliquer le régime considéré dorénavant comme contraire au traité de l'Union
et à se placer ainsi en situation de restitution.
Toutefois les sociétés concernées
devraient pouvoir bénéficier, pour l'avenir comme pour le passé, d'une
exonération plafonnée selon les règles prévues par le droit communautaire. Un
projet de texte qui tiendra compte de ces plafonds est en cours d'élaboration et
devrait être présenté au Parlement avant la fin de cette année. Les discussions
sont actuellement en cours entre les services du ministre d'Etat et la
Commission afin de déterminer le montant des aides qui pourraient bénéficier à
certaines zones d'aménagement du territoire ou aux PME. Dans le cadre de ces
discussions, nous veillerons à sensibiliser très fortement les services de la
Commission sur les conséquences des restitutions demandées, compte tenu de la
situation financière des entreprises en cause et, bien évidemment, de l'état du
marché de l'emploi.
Par ailleurs,
il a été demandé aux comptables publics de faire preuve de bienveillance envers
les entreprises placées en situation d'acquitter l'impôt sur les sociétés au
titre de l'exercice 2003.
Enfin,
s'agissant de l'avenant à la convention fiscale franco-monégasque du
18 mai 1963, je vous indique qu'il a fait l'objet d'un échange de
lettres signées le 26 mai 2003 et du projet de loi autorisant
l'approbation dudit avenant, déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale le
18 février 2004. Le ministre d'Etat a examiné avec le ministre délégué
aux relations avec le Parlement les moyens de mener rapidement à son terme la
procédure d'approbation.
Tels
sont, monsieur le député, les éléments de réponse que je souhaitais porter à
votre connaissance.
M. le président. La parole
est à M. Thierry Mariani.
M. Thierry Mariani. Je vous
remercie d'abord, monsieur le ministre, pour votre réponse relative à
l'application du dispositif d'exonérations, mais je constate qu'il est dur
d'être une vraie entreprise industrielle à Monaco ! Une telle localisation fait
immédiatement sourire. En l'occurrence, pourtant, cela correspond bien à la
réalité.
Je répète que 7
500 emplois en Europe sont en jeu. Vous avez entendu ma remarque : comment
une entreprise pourrait-elle restituer en 2004 les aides publiques qu'elle a
perçues depuis 1991, donc depuis quatorze ans ? La Commission et la Cour de
justice des Communautés européennes devraient tout de même réfléchir avant de
prendre des décisions inapplicables. En l'espèce, comment appliquer une telle
décision sans condamner l'entreprise concernée à déposer son bilan ?
Je prends toutefois acte des
instructions qui seront données concernant la perception de ces différents
impôts et des délais susceptibles d'être accordées afin que l'examen des textes
législatifs que vous avez évoqués soit efficacement mené à son terme.
J'étais hier en Ukraine. Je peux
témoigner que, si nous continuons ainsi, nous ne devrons pas nous étonner de
voir les équipementiers automobiles, qui étaient tous en France il y a quelques
années, continuer à aller s'installer en Tchéquie, puis un peu plus loin encore
à l'Est. Il devient en effet impossible de les retenir chez nous dans de telles
conditions.
Je vous remercie
également pour votre réponse concernant le second point. J'ai pris acte qu'il
était enfin permis d'espérer que cette fameuse convention de 1963 soit amendée
et ratifiée par notre parlement d'ici à la fin de l'année. Voilà une bonne
décision attendue depuis quarante et un ans.
Enfin, je me souviens d'avoir
défendu avec vous, monsieur le ministre, à l'époque où nous étions députés de
l'opposition, une proposition de loi contre la non-rétroactivité fiscale
présentée par Nicolas Sarkozy. Comment est-il encore possible de décider, le
4 mars 2004, d'imposer une entreprise en vertu d'un texte qui vient
juste de changer ? A cet égard, nos entreprises ont besoin d'une stabilité de la
législation fiscale pour savoir enfin où elles vont.