FICHE QUESTION
12ème législature
Question N° : 719  de  M.   Mariani Thierry ( Union pour un Mouvement Populaire - Vaucluse ) QOSD
Ministère interrogé :  économie
Ministère attributaire :  économie
Question publiée au JO le :  04/05/2004  page :  3207
Réponse publiée au JO le :  05/05/2004  page :  3275
Rubrique :  industrie
Tête d'analyse :  machines et équipements
Analyse :  groupe Mecaplast. situation fiscale
Texte de la QUESTION : M. Thierry Mariani appelle l'attention de M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur la situation du groupe Mecaplast, équipementier automobile dont le siège social est situé à Monaco. Les préoccupations de ce groupe portent, d'une part, sur les conséquences d'une instruction fiscale du 4 mars 2004 et, d'autre part, sur la modification de la convention fiscale franco-monégasque du 18 mai 1963. D'envergure mondiale, le groupe Mecaplast emploie 3 500 personnes en France et dans dix pays. Ce groupe a récemment fait l'acquisition de deux équipementiers automobile en difficulté : le groupe Neyr en 2002 et le groupe Aries en 2003. Aujourd'hui, le groupe Mecacaplast, Neyr, Aries représente trente sites industriels dans douze pays, un chiffre d'affaires de 802 millions d'euros, dont 600 millions réalisés en France, et un effectif salarié de 7 500 personnes dont 4 600 en France. Confronté à une diminution de son chiffre d'affaires de 55 millions d'euros, le groupe Aries a été mis en redressement judiciaire et son acquisition par Mecaplast a été réalisée par l'intermédiaire de la constitution de la société Aries Meca. Cette reprise a concerné cinq sites sur six et a permis de préserver 1 400 emplois en France. Le groupe Mecaplast a recherché le moyen le plus adapté pour optimiser les conditions de cette reprise. Ainsi, du premier alinéa de l'article 44 septies du code général des impôts, au terme duquel les sociétés créées pour reprendre une entreprise industrielle en difficulté sont exonérées d'impôt sur les sociétés à raison des bénéfices réalisés jusqu'au vingt-troisième mois suivant celui de leur création. De plus, les entreprises concernées par cette exonération peuvent également être exonérées, sous conditions, de taxe professionnelle. La nature des difficultés du groupe Aries et les conditions de sa reprise entraient pleinement dans le champ d'application de ces dispositifs fiscaux. Le bénéfice de l'exonération fiscale escompté devait ainsi se situer entre 8 et 10 millions d'euros. Or, selon une instruction fiscale du 4 mars 2004, les dispositions de l'article 44 septies du code général des impôts ne sont plus applicables. La remise en cause, avec effet rétroactif, de cette mesure d'exonération affecte considérablement les conditions de cette reprise. En effet, la reprise de toute entreprise industrielle en difficulté entraîne automatiquement la réalisation de profits dont la nature ne résulte pas de l'exploitation directe de l'activité. Ce résultat artificiel est d'autant plus important que l'activité de l'entreprise se situe dans un secteur industriel où les investissements sont lourds. La pérennité même des activités du groupe Mecaplast est aujourd'hui en cause. Aussi il lui demande de bien vouloir lui indiquer les mesures qu'il envisage de prendre afin de permettre la sauvegarde des activités d'un groupe qui a permis le sauvetage de 4 000 emplois et le maintien de nombreux sites industriels, pour la plupart situés en France. Par ailleurs, s'agissant de l'approbation de l'avenant à la convention fiscale franco-monégasque du 18 mai 1963, un projet de loi a été déposé à l'Assemblée nationale le 18 février 2004. L'article 3 de cet avenant supprime l'interdiction faite par l'article 8 de la convention aux personnes physiques ou morales soumises à l'impôt en France de déduire de leur bénéfice imposable certaines catégories de versement effectuées vers Monaco, en cas de lien de dépendance entre le bénéficiaire et l'entreprise versante. L'avenir des activités du groupe Mecaplast situées en France dépend également de la suppression de cette interdiction. Aussi il lui demande de bien vouloir lui indiquer, en tenant compte de la procédure parlementaire, sous quel délai l'entrée en vigueur de cet avenant lui semble pouvoir devenir effective.
Texte de la REPONSE :

SITUATION FISCALE DU GROUPE MECAPLAST

    M. le président. La parole est à M. Thierry Mariani, pour exposer sa question, n° 719, relative à la situation fiscale du groupe Mecaplast.
    M. Thierry Mariani. Monsieur le ministre délégué aux petites et moyennes entreprises, je veux, en tant que député de Vaucluse et maire de Valréas, me faire l'écho des préoccupations du groupe industriel Mecaplast, dont le siège social se trouve à Monaco. Cet équipementier automobile est fortement implanté en France, notamment dans ma commune.
    Ses préoccupations portent, d'une part, sur les graves conséquences économiques d'une instruction fiscale du 4 mars 2004 et, d'autre part, sur l'urgence à modifier la convention fiscale franco-monégasque du 18 mai 1963. J'ai bien dit 1963 : cette convention aurait donc dû être ratifiée depuis quarante et un ans !
    D'envergure mondiale, le groupe Mecaplast est présent en France - à Lens, Villers, Crépy-en-Valois, Angoulême, au Mans et à Valréas - ainsi que dans dix autres pays. Ce groupe a récemment fait l'acquisition de deux équipementiers automobiles, Neyr en 2002 et Aries en 2003, tous deux en proie à de grandes difficultés en raison d'une rentabilité insuffisante et de la perte de clients de premier plan.
    Aujourd'hui, le groupe Mecaplast, augmenté de Neyr et d'Aries, représente trente sites industriels répartis dans douze pays, un chiffre d'affaires de 802 millions d'euros, dont la très grande majorité, 600 millions, est réalisée en France, et 7 500 emplois dont 4 600 dans notre pays.
    L'acquisition du groupe Aries a été réalisée en mars 2003, via la constitution d'une nouvelle société, Aries Meca, filiale de Mecaplast, dans le cadre d'une cession ordonnée par le tribunal de commerce de Paris. Cette reprise a concerné cinq sites sur six et a permis de préserver 1 400 emplois en France et 200 à l'étranger. Outre la préservation de l'outil industriel et de l'emploi, le groupe Mecaplast a pris à sa charge le remboursement d'avances faites par certains clients ainsi qu'un passif social de 2 millions d'euros.
    Il a naturellement recherché le moyen le plus adapté pour optimiser les conditions de cette reprise en recourant au premier alinéa de l'article 44 septies du code général des impôts, lequel dispose que les sociétés créées pour reprendre une entreprise industrielle en difficulté faisant l'objet d'une cession ordonnée par le tribunal sont exonérées d'impôt sur les sociétés à raison des bénéfices réalisés jusqu'au vingt-troisième mois suivant celui de leur création. De plus, les entreprises concernées peuvent également être exonérées, sous conditions, de taxe professionnelle.
    La nature des difficultés du groupe Aries et les conditions de sa reprise entraient pleinement dans le champ d'application de ces dispositifs fiscaux. Le bénéfice de l'exonération fiscale escompté devait ainsi se situer entre 8 et 10 millions d'euros. Or, selon une instruction fiscale du 4 mars 2004, les dispositions de l'article 44 septies du code général des impôts ne sont plus applicables en l'espèce.
    La remise en cause, avec effet rétroactif, de cette mesure d'exonération affecte considérablement les conditions de reprise de la société Aries. En effet, la reprise de toute entreprise industrielle en difficulté entraîne automatiquement la réalisation de profits dont la nature ne résulte pas de l'exploitation directe de l'activité. Ainsi, Aries Meca estime ses profits à 22 millions d'euros pour 2003 et 2004, alors que ce résultat, lié à la minoration de la charge d'amortissement ainsi qu'à l'opération de refinancement des actifs immobiliers, ne reflète absolument pas la réalité.
    La société Aries Meca se trouve donc confrontée à une échéance fiscale de 8 à 10 millions d'euros, complètement déconnectée de sa véritable situation économique et financière. Il va de soi que, si le régime d'exonération fiscale issu de l'article 44 septies du code général des impôts n'avait pas existé, la reprise des actifs d'Aries par le groupe Mecaplast, jugée alors économiquement non viable, n'aurait pas été réalisée. La pérennité même des activités du groupe Mecaplast est donc aujourd'hui en cause.
    Aussi, monsieur le ministre, pourriez-vous m'indiquer les mesures susceptibles d'être mises en oeuvre pour sauvegarder les activités de Mecaplast ? Je rappelle qu'en deux ans ce groupe a sauvé 4 000 emplois grâce aux reprises de Neyr et d'Aries et qu'il a permis le maintien de nombreux sites industriels, pour la plupart situés en France.
    S'agissant de la seconde partie de ma question, l'approbation de l'avenant à la convention fiscale franco-monégasque du 18 mai 1963, je rappelle qu'un projet de loi a été déposé à l'Assemblée nationale le 18 février 2004. Le gouvernement Raffarin a au moins réagi, ce que ses prédécesseurs n'avaient pas fait pendant trente-neuf ans. L'article 3 de cet avenant supprime, sous conditions, l'interdiction faite par l'article 8 de la convention de 1963 aux personnes physiques ou morales soumises à l'impôt en France de déduire de leur bénéfice imposable certaines catégories de versement effectuées vers Monaco, en cas de lien de dépendance entre le bénéficiaire et l'entreprise versante.
    L'avenir des activités du groupe Mecaplast situées en France, notamment à Valréas, dépend donc également de la suppression de cette interdiction. Aussi vous serais-je reconnaissant de bien vouloir me préciser également, en tenant compte naturellement des délais imposés par la procédure parlementaire, quand cet avenant entrera en vigueur.
    M. le président. La parole est à M. le ministre délégué aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation.
    M. Christian Jacob, ministre délégué aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. Monsieur le député, je tiens d'abord à vous présenter également les excuses de M. le ministre d'Etat qui n'a pu être présent. Il m'a chargé de vous transmettre les éléments de réponse suivants, relatifs à la situation du groupe industriel dont vous vous êtes fait l'écho et dont certaines filiales ont bénéficié d'une exonération d'impôt au titre de la reprise d'entreprises en difficulté.
    Vous soulignez la gravité des conséquences de la remise en cause de cette exonération pour ce groupe et vous me demandez d'indiquer les mesures qui seront prises pour permettre la sauvegarde de ses activités ; vous souhaitez également savoir dans quel délai l'avenant à la convention fiscale franco-monégasque entrera en vigueur.
    Le dispositif d'exonération concerné est prévu, comme vous l'avez rappelé, à l'article 44 septies du code général des impôts. Cela étant, il a été condamné par une décision de la Commission européenne du 16 octobre 2003, publiée le 16 avril dernier au Journal officiel de la Communauté. Cette décision ordonne à la France de prendre toutes les mesures nécessaires à la suppression du dispositif et à la restitution des aides accordées depuis 1991.
    M. Thierry Mariani. Ce qui est impossible !
    M. le ministre délégué aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. La France ne peut que se conformer à cette décision. L'instruction fiscale du 4 mars 2004 n'a fait que tirer les conséquences de cette condamnation, afin d'éviter que des entreprises continuent d'appliquer le régime considéré dorénavant comme contraire au traité de l'Union et à se placer ainsi en situation de restitution.
    Toutefois les sociétés concernées devraient pouvoir bénéficier, pour l'avenir comme pour le passé, d'une exonération plafonnée selon les règles prévues par le droit communautaire. Un projet de texte qui tiendra compte de ces plafonds est en cours d'élaboration et devrait être présenté au Parlement avant la fin de cette année. Les discussions sont actuellement en cours entre les services du ministre d'Etat et la Commission afin de déterminer le montant des aides qui pourraient bénéficier à certaines zones d'aménagement du territoire ou aux PME. Dans le cadre de ces discussions, nous veillerons à sensibiliser très fortement les services de la Commission sur les conséquences des restitutions demandées, compte tenu de la situation financière des entreprises en cause et, bien évidemment, de l'état du marché de l'emploi.
    Par ailleurs, il a été demandé aux comptables publics de faire preuve de bienveillance envers les entreprises placées en situation d'acquitter l'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice 2003.
    Enfin, s'agissant de l'avenant à la convention fiscale franco-monégasque du 18 mai 1963, je vous indique qu'il a fait l'objet d'un échange de lettres signées le 26 mai 2003 et du projet de loi autorisant l'approbation dudit avenant, déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale le 18 février 2004. Le ministre d'Etat a examiné avec le ministre délégué aux relations avec le Parlement les moyens de mener rapidement à son terme la procédure d'approbation.
    Tels sont, monsieur le député, les éléments de réponse que je souhaitais porter à votre connaissance.
    M. le président. La parole est à M. Thierry Mariani.
    M. Thierry Mariani. Je vous remercie d'abord, monsieur le ministre, pour votre réponse relative à l'application du dispositif d'exonérations, mais je constate qu'il est dur d'être une vraie entreprise industrielle à Monaco ! Une telle localisation fait immédiatement sourire. En l'occurrence, pourtant, cela correspond bien à la réalité.
    Je répète que 7 500 emplois en Europe sont en jeu. Vous avez entendu ma remarque : comment une entreprise pourrait-elle restituer en 2004 les aides publiques qu'elle a perçues depuis 1991, donc depuis quatorze ans ? La Commission et la Cour de justice des Communautés européennes devraient tout de même réfléchir avant de prendre des décisions inapplicables. En l'espèce, comment appliquer une telle décision sans condamner l'entreprise concernée à déposer son bilan ?
    Je prends toutefois acte des instructions qui seront données concernant la perception de ces différents impôts et des délais susceptibles d'être accordées afin que l'examen des textes législatifs que vous avez évoqués soit efficacement mené à son terme.
    J'étais hier en Ukraine. Je peux témoigner que, si nous continuons ainsi, nous ne devrons pas nous étonner de voir les équipementiers automobiles, qui étaient tous en France il y a quelques années, continuer à aller s'installer en Tchéquie, puis un peu plus loin encore à l'Est. Il devient en effet impossible de les retenir chez nous dans de telles conditions.
    Je vous remercie également pour votre réponse concernant le second point. J'ai pris acte qu'il était enfin permis d'espérer que cette fameuse convention de 1963 soit amendée et ratifiée par notre parlement d'ici à la fin de l'année. Voilà une bonne décision attendue depuis quarante et un ans.
    Enfin, je me souviens d'avoir défendu avec vous, monsieur le ministre, à l'époque où nous étions députés de l'opposition, une proposition de loi contre la non-rétroactivité fiscale présentée par Nicolas Sarkozy. Comment est-il encore possible de décider, le 4 mars 2004, d'imposer une entreprise en vertu d'un texte qui vient juste de changer ? A cet égard, nos entreprises ont besoin d'une stabilité de la législation fiscale pour savoir enfin où elles vont.

UMP 12 REP_PUB Provence-Alpes-Côte-d'Azur O