Texte de la QUESTION :
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La présentation, le 4 juillet 2005, par l'Autorité de régulation des télécommunications (Arcep, ex- ART), de son rapport annuel a donné l'occasion à cette institution de livrer un état des lieux de l'évolution de la concurrence dans ce secteur. Dans la téléphonie mobile, la polémique fait ainsi rage depuis un an sur une collusion tacite entre Orange, SFR et Bouygues Telecom pour maintenir des prix élevés. Á la mi-2005, le régulateur reste insatisfait de la situation, et notamment de la place accordée aux opérateurs virtuels (dits MVNO), qui louent les réseaux des trois opérateurs dominants, mais proposent leurs propres offres de téléphonie. L'Arcep relève certes la multiplication des opérateurs mobiles virtuels depuis un an. Mais, après avoir examiné les huit contrats signés jusqu'ici (Breizh Mobile, Debitel, Universal Mobile, M6, Télé 2, etc.), l'autorité remarque que « les conditions qu'imposent, pour accéder à leur réseau, les opérateurs hôtes à leurs concurrents virtuels sont insuffisantes pour permettre à ces derniers d'animer vraiment le marché ». Les « possibilités pour les nouveaux venus de proposer des offres différenciantes sont limitées », que ce soit en termes de prix, car l'achat aux opérateurs existants de minutes en gros reste trop cher, ou en tenues d'innovation, car les hôtes n'autorisent pas leurs partenaires virtuels à maîtriser des éléments techniques du réseau. Voilà qui sonne comme un avertissement. Il y a six mois, l'Arcep avait déjà jugé, dans son analyse pour la Commission européenne sur le marché des mobiles, qu'Orange, SFR et Bouygues Telecom étaient en « position dominante conjointe ». Elle voulait donc intervenir pour leur imposer de s'ouvrir aux opérateurs virtuels à des conditions raisonnables. Bruxelles a préféré temporiser, remarquant que nombre d'opérateurs virtuels étaient apparus et voulant prendre le temps de voir s'ils pouvaient prospérer sans régulation. Cependant, l'Arcep a été mandatée pour surveiller ce marché dans les dix-huit prochains mois, au bout desquels elle devra de nouveau notifier son analyse. Compte tenu de ces éléments fâcheux qui portent tort aux intérêts de l'ensemble des consommateurs, Mme Chantal Robin-Rodrigo demande à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie de lui indiquer les mesures urgentes qu'il compte prendre afin de mettre bon ordre et rétablir une vraie concurrence dans le secteur de la téléphonie mobile.
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Texte de la REPONSE :
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Le degré de concurrence sur le marché français de la téléphonie mobile suscite des interrogations depuis plusieurs années, sans que l'état du marché comparé à celui de nos voisins européens permette de conclure de façon certaine. Un certain nombre d'actions ont donc été engagées afin de développer la concurrence dans le domaine de la téléphonie mobile. Répondant à l'attente des pouvoirs publics, exprimée par le ministre délégué à l'industrie, les premiers accords permettant l'entrée sur le marché d'opérateurs mobiles virtuels (MVNO ou Mobile Virtual Network Operators), ont été conclus en juin 2004. L'arrivée de MVNO pourrait renforcer la concurrence dans les mobiles, notamment à court terme, mais aussi à plus long terme. En effet, ces opérateurs peuvent avoir accès à une partie importante de la chaîne de valeur (trafic sortant, voire entrant, vente de terminaux). Ils peuvent développer des stratégies complémentaires ou différentes de celles des opérateurs mobiles en raison de leur économie de coûts variables qui peut leur permettre de cibler des clientèles plus restreintes ou au pouvoir d'achat plus réduit (clients à faible consommation, région à plus faible taux de pénétration). En outre, certains MVNO, également opérateurs de téléphonie fixe, pourraient développer des offres convergentes fixe/mobile. Des interrogations existent sur la capacité des MVNO à réellement concurrencer les opérateurs mobiles compte tenu des conditions techniques et financières qui leur sont faites par ces derniers. On doit toutefois noter que ces questions sont susceptibles de faire l'objet d'une procédure de règlement de différend devant l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP). En parallèle, la portabilité des numéros mobiles a été introduite le 1er juillet 2003 en métropole. Plus récemment, une modification de l'article L. 44 du code des postes et des communications électroniques a été effectuée par la loi n° 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises afin de permettre aux abonnés qui le demandent de changer d'opérateur tout en conservant leur numéro dans un délai maximum de dix jours, ce délai incluant la résiliation du contrat en cours. Cette mesure permettra de réduire drastiquement les délais de portage des numéros (qui sont d'environ deux mois aujourd'hui) et donc de faciliter le changement d'opérateur ; elle profitera notamment aux MVNO. Au-delà, il appartient à l'ARCEP de mettre en place, si nécessaire, une régulation du marché de la téléphonie mobile. Dans le cadre de la mise en oeuvre du « paquet télécoms », l'ARCEP a ainsi analysé deux marchés relatifs à la téléphonie mobile : le marché de la terminaison d'appel sur chaque réseau mobile individuel et le marché de gros de l'accès et du départ d'appel sur les réseaux mobiles. Pour ce qui est de la terminaison d'appel, l'analyse menée par l'ARCEP l'a conduite à déclarer comme « exerçant une influence significative sur le marché » les trois opérateurs mobiles de métropole et à leur imposer un certain nombre d'obligations, dont celle de respecter un programme pluriannuel de baisse des tarifs. Orange France, SFR et Bouygues Télécom ont donc baissé le 1er janvier 2005 leurs tarifs de gros, de 16,3 % pour Orange France et SFR, et de 17,3 % pour Bouygues Télécom. Une nouvelle baisse de 24 % aura lieu le 1er janvier 2006. Une troisième baisse est programmée pour le 1er janvier 2007, dont le niveau sera déterminé en 2006. Pour ce qui est du « marché de gros de l'accès et du départ d'appel mobile », l'ARCEP a notifié son analyse à la Commission européenne le 14 avril 2005. Dans cette analyse, l'ARCEP relevait un certain essoufflement de la concurrence depuis 2000-2001 sur le marché de détail de la téléphonie mobile en métropole ainsi que des niveaux de marge élevés. Elle proposait donc de déclarer les trois opérateurs mobiles (Orange, SFR et Bouygues Télécom) dominants conjointement et de leur imposer diverses obligations. La principale obligation envisagée était de faire droit aux demandes raisonnables d'accès à leur réseau et donc d'accueillir les opérateurs mobiles virtuels qui le souhaiteraient. Comme le sait l'honorable parlementaire, confrontée à la perspective d'un veto, l'ARCEP a préféré retirer son projet de décision avant que la Commission ne se prononce. La mise en place d'une régulation du marché de la téléphonie mobile n'est donc pas abandonnée mais devra être mieux justifiée par l'ARCEP, conformément aux principes du « paquet télécoms ». À ce stade, l'ARCEP a « placé sous surveillance » le marché de l'accès et du départ d'appel mobile. Au vu de l'évolution du marché, elle notifiera une nouvelle analyse à la Commission. Par ailleurs, si des infractions aux règles de la concurrence ont été commises, elles pourront être sanctionnées par le conseil de la concurrence qui instruit actuellement une plainte à ce sujet.
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