Texte de la QUESTION :
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Gangrené par les mafias, souvent liées au pouvoir, l'Albanie est le pays le plus pauvre d'Europe. D'avis de tous les experts et observateurs, le boom économique se construit avant tout sur l'argent sale. Les activités illégales ou parallèles représenteraient au moins 38 % de l'économie, selon l'OCDE, mais nombre d'experts estiment le pourcentage encore plus important. Cette « économie noire » se nourrit de la contrebande et des trafics en tous genres, en premier lieu l'héroïne en provenance de Turquie, qui représente un bon tiers du marché nord-européen. L'importance croissante de l'argent de la drogue focalise les inquiétudes car il s'agit d'un petit pays aux institutions encore fragiles. Le thème est tellement brûlant, que même les partis politiques locaux se déchirent sur sa base s'accusant mutuellement d'être corrompus et de soutenir ce système mafieux. La corruption serait telle qu'elle serait en train de laminer la société, et les grands groupes créés par des hommes issus du pouvoir élimineraient méticuleusement toute concurrence. Ces groupes, les Albanais les appelleraient les « monopoles ». Ces liens entre l'économie noire et la politique empêchent par ailleurs la prise de certaines décisions décisives dans la lutte contre la corruption, ce qui rend impossible toute possibilité de réforme profonde de l'Albanie. Compte tenu de cette situation alarmante aux portes de l'Union européenne et dont pâtit déjà cette dernière, Mme Chantal Robin-Rodrigo demande à Mme la ministre déléguée aux affaires européennes de lui indiquer quelles sont les mesures urgentes que le Gouvernement entend prendre au sujet du dossier albanais.
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Texte de la REPONSE :
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La question de la criminalité organisée en Albanie retient toute l'attention des autorités françaises. La transition politique et économique qu'a entamé ce pays au début de la dernière décennie a en effet connu des difficultés qui ont favorisé l'émergence de réseaux criminels s'appuyant souvent sur une importante émigration à motivation économique à destination d'autres pays européens. Depuis plusieurs années, les autorités albanaises elles-mêmes ont entrepris de lutter avec courage et persévérance contre ce phénomène. Des avancées significatives sont intervenues au cours des dernières années tant sur le plan institutionnel que de manière opérationnelle. Ainsi a été mise en place le 1er octobre 2004 une structure policière spécifiquement consacrée à la lutte contre la criminalité organisée, grâce à l'appui de la communauté internationale, et notamment de la mission européenne d'assistance policière en Albanie (Pameca) à laquelle participe la France. Cette structure qui dépend de la direction centrale de la lutte contre la criminalité organisée du ministère de l'ordre public, a enregistré des résultats encourageants, notamment dans le domaine des saisies de drogue qui sont en constante progression depuis trois ans. L'académie de police a également fait l'objet d'une restructuration, l'un des objectifs étant d'éliminer la corruption qui l'affectait précédemment. Par ailleurs, les mesures adoptées par les autorités albanaises au printemps 2004 pour la prise en charge des victimes de la traite des êtres humains et la création de structures d'accueil des victimes et de protection des témoins montrent la volonté d'agir des autorités albanaises dans ce domaine. Dans le domaine de l'immigration illégale, une coopération étroite avec les autorités italiennes a notamment permis, au cours des deux dernières années d'endiguer les flux migratoires précédemment incontrôlés. L'Union européenne, qui négocie depuis plusieurs années un accord de stabilisation et d'association avec l'Albanie, a fait des progrès en matière de lutte contre la criminalité une condition préalable à la signature de cet accord. Cette pression a sans aucun doute largement aidé aux progrès que nous constatons depuis quelques années. La France elle-même a développé avec l'Albanie une coopération de plus en plus étroite en matière de lutte contre la criminalité organisée, même si notre pays n'est que très marginalement affecté, et beaucoup moins que d'autres pays européens, par la criminalité organisée d'origine albanaise. Plusieurs dizaines d'actions de coopération technique de police ont été menées ces dernières années au profit de l'Albanie, en particulier en matière de formation des policiers albanais aux méthodes les plus modernes de lutte contre la criminalité. L'attaché de sécurité intérieure affecté auprès de notre ambassade à Tirana et l'officier de liaison immigration placé auprès des autorités albanaises constituent, en outre, des relais efficaces et appréciés de nos préoccupations en la matière. Ainsi, même si de nouvelles avancées restent nécessaires en Albanie, la situation n'y est plus aussi préoccupante qu'il y a quelques années. La volonté des autorités albanaises de se mettre en position de rejoindre à terme l'Union européenne et leur conviction que les formes de criminalité organisée apparues ces dernières années constituent un handicap majeur pour le développement du pays sont les plus sûrs garants de nouveaux progrès que la France suivra avec attention.
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