Texte de la QUESTION :
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M. Jean-Jacques Gaultier attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur l'exploitation commerciale de récits autobiographiques de condamnés. En effet, le cas de Patrick Henry, au-delà de l'émotion provoquée par les faits intervenus à la suite de sa libération conditionnelle, a suscité une indignation générale avec la parution du récit de son crime. Plus généralement, il paraît inadmissible que les criminels puissent en toute légalité faire le récit de leurs forfaits et par là même toucher des droits d'auteur. Cette situation est intolérable pour les victimes et leurs familles, elle est indigne de notre société. Aussi, il lui demande si des mesures concrètes et rapides peuvent être prises pour remédier à cette situation, et s'il ne serait pas envisageable, et plus juste, de verser aux victimes ou à des oeuvres caritatives ces sommes provenant de ces droits d'auteur.
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Texte de la REPONSE :
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Le garde des sceaux fait connaître à l'honorable parlementaire qu'il comprend la préoccupation quant à l'éventuelle exploitation commerciale de récits autobiographiques relatant des crimes. Il lui fait connaître toutefois que la loi pénale réprime d'ores et déjà la publication et la diffusion d'oeuvres relatant des faits qu'il stigmatise. En effet, la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse permet de réprimer la publication et la diffusion de certaines oeuvres. Ainsi, l'article 24, alinéa 5, réprime les personnes qui auront fait l'apologie de certains crimes dont les atteintes volontaires à la vie ou à l'intégrité de la personne, les agressions sexuelles et certaines infractions contre les biens. Par ailleurs, l'article 35 quater réprime « la diffusion, par quelque moyen que ce soit et quel qu'en soit le support, de la reproduction des circonstances d'un crime ou d'un délit, lorsque cette reproduction porte gravement atteinte à la dignité d'unevictime et qu'elle est réalisée sans l'accord de cette dernière ». Enfin, les articles 39 bis et 39 quinquies de la même loi permettent de poursuivre le fait de diffuser toute information permettant d'identifier une victime lorsque celle-ci, mineure, est victime de certains faits ou lorsqu'elle est victime d'une agression sexuelle, ce qui peut éventuellement être considéré, selon le cas d'espèce, comme la conséquence d'une telle oeuvre. En conséquence, il ne semble pas nécessaire de prévoir d'autres dispositions pénales relatives à l'interdiction de publier ou diffuser ce type d'ouvrage, les textes en vigueur précités permettant de réprimer les atteintes à l'ordre public ou à des intérêts particuliers spécialement protégés qui résulteraient de cette publication ou diffusion. Sur le plan civil, dès lors que la décision de justice a condamné l'auteur à indemniser les victimes, les droits d'auteur dont bénéficierait le condamné sont d'ores et déjà susceptibles d'être saisis, à hauteur de la somme allouée par la juridiction, sans que des dispositions particulières soient nécessaires. En outre, la publication du récit du crime par son auteur est susceptible de causer un nouveau préjudice aux victimes, qui dès lors, sur le fondement de la responsabilité de droit commun, pourront en demander réparation. S'agissant du transfert des fonds au profit d'une oeuvre caritative, il serait dépourvu de cause juridique en l'absence de dommage subi par cette personne morale.
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