REVENDICATIONS DES ÉTUDIANTS CHERCHEURS
M. le président. La parole est à M. Christian Philip, pour exposer sa question, n° 724, relative aux revendications des étudiants chercheurs.
M. Christian Philip. L'actualité de ces dernières semaines a mis en évidence le malaise des chercheurs et parmi eux des étudiants chercheurs, c'est-à-dire de ceux qui préparent une thèse. Il y a nécessité de trouver des solutions en vue d'améliorer leur situation. Notre pays a besoin d'un nombre important de thésards mais, pour ce faire, et pour convaincre les meilleurs d'entamer une thèse, il faut les aider à vivre pendant les trois ou quatre ans que celle-ci nécessite.
Or ces étudiants n'ont ni statut ni reconnaissance sociale. L'inscription en thèse nécessite un financement, sinon l'étudiant n'ira jamais au bout de sa recherche. Car il lui faut bien vivre pendant ces trois ou quatre années.
Le financement peut prendre différentes formes. Au mieux, il s'agit d'une allocation d'Etat, qui est réservée, pour des raisons budgétaires, à un petit nombre d'étudiants. Ce peuvent être aussi des bourses d'associations ou provenant du secteur privé, heureusement nombreuses.
Mais ces types de financement aboutissent à des statuts sociaux complètement différents. Par exemple, le financement par une fondation, même reconnue d'utilité publique - je pense à la Ligue nationale contre le cancer -, ne donne pas le statut de salarié, d'où, en l'absence de contrat de travail, des problèmes de couverture sociale. Il est donc nécessaire de préciser la reconnaissance sociale des étudiants en thèse.
Quant au statut fiscal des thésards, la situation est aujourd'hui un peu particulière, car si les fondations estiment qu'il n'y a pas lieu de le déclarer, l'administration fiscale considère que ce revenu est imposable.
Enfin, il conviendrait de revoir la durée même des thèses, qui nécessitent souvent une quatrième année. Dès lors, pourquoi ne pas imaginer une forme de contrat à durée déterminée de trois ans dont pourraient bénéficier tous ces étudiants, quelle que soit la source de financement ?
Monsieur le ministre, je souhaiterais connaître les mesures qu'entend prendre le Gouvernement sur ces différents points, afin de convaincre nos meilleurs étudiants de s'inscrire en thèse et d'accroître ainsi le nombre des inscriptions.
M. le président. La parole est à M. ministre délégué à la recherche.
M. François d'Aubert, ministre délégué à la recherche. Monsieur le député, je vous remercie de poser cette question importante sur l'avenir de nos jeunes étudiants qui ne sont pas si nombreux à embrasser la carrière de chercheur, dans un contexte qui ne les incite pas toujours à conduire une recherche au terme de leurs études. C'est un sujet essentiel et j'espère que, d'ici au dépôt de la loi d'orientation et de programmation, que M. François Fillon et moi-même comptons présenter au Parlement à la fin de l'année, nous aurons suffisamment déblayé le terrain pour atténuer sensiblement la précarité dont souffrent aujourd'hui les étudiants en doctorat.
Ces difficultés sont devenues encore plus aiguës, compte tenu de l'allongement de la durée des thèses, qui s'accomplissent aujourd'hui en trois ou quatre ans. Il s'agit là d'une évolution que l'on constate à l'échelle internationale.
Une première réforme se voulait une réponse au taux d'abandon relativement élevé qu'impliquait le travail nécessaire à une thèse d'Etat qui durait en moyenne dix ans. Nous en récoltons aujourd'hui les premiers dividendes. Il m'apparaît en effet prioritaire de faire tout ce qui est en notre pouvoir pour qu'un étudiant commençant une thèse puisse la mener à terme. Il faut donc améliorer le système actuel.
D'après les dernières données disponibles, il y a environ 17 000 étudiants inscrits chaque année en doctorat. Plus de 50 % d'entre eux obtiennent une bourse. Certains secteurs de l'enseignement supérieur sont mieux pourvus que d'autres en bourses ou en aides de toute nature. Ainsi, les étudiants en sciences dites « dures » en obtiennent plus facilement que les étudiants en sciences du vivant ou en biologie. Ce soutien peut prendre la forme d'une allocation de recherche ou d'une convention CIFRE, qui est un bon système, mais dont la complexité nous empêche parfois de « faire le plein ». Il implique en effet une corrélation précise entre le sujet de la thèse et l'intérêt de l'entreprise d'accueil. Il y a également des bourses versées par des organismes ou par des associations ou bien encore des bourses spécialisées. D'autre part, plus de 10 % des doctorants sont eux-mêmes salariés. Par conséquent ce sont plus de 60 % des étudiants inscrits en thèse en France qui peuvent aujourd'hui bénéficier d'un soutien financier.
Certes, et vous l'avez souligné, ce financement n'est pas homogène puisque composé, d'une part, de salaires, d'autre part, d'allocations. Il en résulte une diversité dans le statut fiscal - sans parler de la couverture sociale - à laquelle nous essayons de remédier.
Pour autant, on ne peut pas dire que le système soit inefficace puisque, chaque année, sur les 17 000 thésards inscrits, 10 000 à 11 000 obtiennent leur doctorat. Il y a donc un réel soutien aux jeunes thésards. Le taux d'abandon ou d'échec est relativement bas, même s'il est souhaitable de le voir encore diminuer. Cela traduit l'efficacité des dispositifs de soutien mis en place par l'Etat.
Par ailleurs, monsieur le député, vous soulevez à juste titre le problème de la corrélation entre durée du doctorat et soutien financier. Il est vrai que, par un effet mécanique, l'insuffisance de financement allonge la durée de la thèse. Je souhaite toutefois vous fournir quelques éléments de comparaison avec d'autres pays.
En France, nos études sont très peu coûteuses, sinon gratuites. C'est un point qui nous différencie de ce qui se passe aux Etats-Unis où il est fréquent que les études dans les meilleures universités coûtent 25 000 dollars par an. Il existe cependant des soutiens sous forme de prêts d'honneur, ce qui explique le niveau élevé de financement qui leur est ensuite alloué, leur permettant de rembourser en partie leur prêt.
L'Angleterre réfléchit aussi à une augmentation de ses frais de scolarité. En ce sens, la « gratuité relative » du doctorat en France constitue une forme de soutien généralisé aux doctorants.
Ne l'oublions pas, le Gouvernement a revalorisé de plus de 15 % les allocations de recherche depuis 2002. Il compte poursuivre et amplifier cette politique très volontariste en faveur du soutien aux jeunes chercheurs, dans le cadre universitaire, en liaison avec les grandes institutions de recherche et les entreprises.
Enfin, toujours à titre de comparaison, aux Etats-Unis, plus de 40 % des doctorants reçoivent des soutiens financiers de plus de trois institutions différentes. En moyenne, les doctorants américains les reçoivent de 2,5 institutions différentes. La France n'a donc ni à rougir de son soutien aux doctorants, ni même à déplorer un dispositif trop complexe au regard des standards internationaux.
Cela étant, s'il n'est pas illogique qu'un doctorant reçoivent un soutien de deux institutions, voire, de trois, il est excessif d'avoir dix sources de financement, comme c'est le cas aujourd'hui dans certains laboratoires. Nous travaillons d'ailleurs à la simplification de ce système.
Voilà, monsieur le député, les pistes de réflexion que je puis vous donner. Nous comptons faire avancer ce dossier, car il est légitime de pouvoir associer nos étudiants, encore plus tôt au cours de leurs études supérieures, à l'effort de recherche, que ce soit dans les laboratoires publics ou privés.
M. le président. La
parole est à M. Christian Philip.
M. Christian Philip. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse. Mais je tiens à faire deux observations.
Premièrement, si 60 % des étudiants en thèse sont effectivement aidés, la différence entre le nombre de thèses soutenues et le nombre d'étudiants inscrits est à peu près la même, ce qui prouve que, sans reconnaissance sociale et sans financement, il est très difficile pour des jeunes dont la moyenne d'âge se situe entre vingt-cinq et trente ans de mener à bien une thèse. Or il est nécessaire pour notre pays d'accroître le nombre de thésards.
Deuxièmement, je soulignerai l'importance de la loi de programmation et d'orientation sur la recherche, prévue, comme vous l'avez rappelé, pour la fin de l'année, dont il ne faudra pas manquer le rendez-vous. C'est un investissement important qui n'implique pas un effort budgétaire exceptionnel puisque l'Etat n'est pas seul à le financer. Notre pays doit convaincre un certain nombre d'associations et d'entreprises de la nécessité de leur présence en la matière. Cela étant, il faut harmoniser les questions de statut et de durée. Si cette loi marque une avancée, elle attirera sans doute davantage de très bons étudiants sur la voie du doctorat.