Texte de la QUESTION :
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M. André Chassaigne attire l'attention de M. le ministre délégué à l'industrie sur l'industrie pharmaceutique, dont la fonction sociale est bien particulière. Ce sont ses découvertes et les produits de ses recherches qui expliquent pour une grande part les progrès réalisés par l'humanité dans le domaine de la santé. Aujourd'hui, plus que jamais, ce secteur industriel est soumis, comme tant d'autres, aux insatiables appétits de leurs actionnaires et aux lois inconséquentes dictées par les marchés financiers. L'offre publique d'achat de Sanofi-Synthélabo sur Aventis est une nouvelle déclinaison de l'épanouissement de ces logiques capitalistes extrêmes dans la France d'aujourd'hui. Surtout si l'on considère que l'implication du gouvernement de la République dans cette affaire révèle, de fait, son encouragement à l'enracinement de ces logiques financières dans notre économie. Les salariés d'Aventis et de Sanofi sont aujourd'hui particulièrement inquiets. Parmi eux, ceux de l'usine de Vertolaye, dans le Puy-de-Dôme, qui emploie aujourd'hui 670 personnes. Leur premier motif d'inquiétude a trait à la question de la stratégie scientifique et industrielle du nouveau groupe. Devenir le numéro trois mondial dans la pharmacie n'est pas une stratégie en soi. Promettre de juteux dividendes à ses actionnaires non plus. Surtout lorsque l'on fait le choix de s'endetter à hauteur de 16 milliards d'euros pour financer cet investissement purement financier. Ce que les salariés attendent, eux qui n'ont pas été invités aux négociations entre Sanofi et Aventis, ce sont les priorités industrielles que se fixera le nouveau groupe. L'expérience d'Aventis, groupe né de la fusion de Rhône-Poulenc et de Hoechst, n'est pas faite pour les rassurer. Sa création s'était accompagnée de la promesse de constituer un grand groupe pharmaceutique européen. Depuis, Aventis s'est surtout fait remarquer pour avoir abandonné toute politique de recherche, notamment au niveau des anti-infectueux, et pour avoir délaissé l'Europe au profit du seul marché américain. Dans cette perspective, on comprend bien les inquiétudes des salariés de ces groupes devant cette fuite en avant financière. Aujourd'hui, ces salariés craignent évidemment les conséquences de cette fusion en termes d'emploi. À l'annonce de cette OPA, le chiffre de 6 000 suppressions d'emplois était avancé. Peut-on croire que cette concentration se ferait maintenant sans fermeture d'usines ni licenciements ? Le risque est en effet grand de voir, à l'issue de cette fusion, des milliers d'emplois disparaître suite à l'externalisation prévisible de nombreux sites du nouveau groupe. Aussi, étant donné l'engagement résolu du Gouvernement en faveur de cette fusion, il lui demande de donner aux salariés d'Aventis, et notamment à ceux de l'usine de Vertolaye, les précisions qu'ils attendent quant à l'avenir de leur entreprise. Il souhaite savoir quelles garanties seront effectivement données aux salariés de ces groupes en termes d'emploi et de maintien de tous les sites industriels de ces groupes, s'il peut leur garantir qu'une véritable stratégie industrielle, reposant notamment sur une recherche dynamique, constitue la priorité stratégique de ce groupe et dans quelle mesure il peut préciser que la santé ne sera pas sacrifiée sur l'autel des dividendes et des profits boursiers.
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Texte de la REPONSE :
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AVENIR DES SALARIÉS D'AVENTIS À VERTOLAYE
DANS LE PUY-DE-DÔME M. le président. La parole est à M. André Chassaigne, pour exposer sa question, n° 734,
relative à l'avenir des salariés d'Aventis à Vertolaye dans le Puy-de-Dôme. M. André
Chassaigne. L'industrie pharmaceutique, monsieur le ministre délégué
aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions
libérales et à la consommation, a une fonction sociale bien particulière. Ce
sont ses découvertes et les produits de ses recherches qui expliquent pour une
grande part les progrès réalisés par l'humanité dans le domaine de la santé. Aujourd'hui, plus que jamais, ce secteur industriel est
soumis, comme tant d'autres, à l'appétit insatiable des actionnaires et aux lois
inconséquentes dictées par les marchés financiers. L'offre publique d'achat de Sanofi-Synthélabo sur Aventis
est une nouvelle déclinaison du triomphe des logiques financières dans la France
d'aujourd'hui. L'implication du gouvernement de la République dans cette
situation est pleine et entière puisqu'il a encouragé l'enracinement de telles
logiques. Les salariés d'Aventis et de Sanofi sont
aujourd'hui inquiets, en particulier, ceux de l'usine de Vertolaye, dans le
Puy-de-Dôme, qui emploie 670 personnes. Leur premier
motif d'inquiétude a trait à la question de la stratégie scientifique et
industrielle du nouveau groupe. Devenir le numéro trois mondial dans la
pharmacie n'est pas une stratégie en soi. Promettre de juteux dividendes à ses
actionnaires non plus. Surtout lorsque l'on fait le choix de s'endetter à
hauteur de 16 milliards d'euros pour financer cet investissement purement
financier. Ce que les salariés attendent, eux qui n'ont pas été invités aux
négociations, c'est de connaître les priorités industrielles que se fixera le
nouveau groupe. L'expérience d'Aventis, groupe né de la
fusion entre Rhône-Poulenc et Hoechst, n'est pas faite pour les rassurer. Sa
création s'était accompagnée de la promesse de constituer un grand groupe
pharmaceutique européen. Depuis, Aventis s'est surtout fait remarquer pour avoir
abandonné toute politique de recherche, notamment au niveau des anti-infectieux,
et pour avoir délaissé l'Europe au profit du seul marché américain. Dans cette perspective, on comprend les inquiétudes des
salariés de ces groupes. Aujourd'hui, ils redoutent les conséquences de cette
fusion sur l'emploi. A l'annonce de l'OPA, le chiffre de 6000 suppressions
d'emplois était avancé. Dès lors, comment croire que cette concentration se fera
sans fermetures d'usines ni licenciements ? Le risque est
en effet grand de voir des milliers d'emplois disparaître, suite à
l'externalisation prévisible de nombreux sites du nouveau groupe. Pire, l'abandon progressif de tout effort financier en
matière de recherche menace, à moyen terme, des sites de production comme celui
de Vertolaye. Jugez-vous concevable que le troisième groupe pharmaceutique
mondial puisse abandonner - ce qui est à l'oeuvre aujourd'hui - toute politique
thérapeutique en matière d'anti-infectieux, alors qu'il dispose d'un
savoir-faire unanimement reconnu, tant en recherche qu'en production ? Ainsi,
alors que les ouvriers de Vertolaye produisent aujourd'hui, notamment, des
anti-infectieux comme le Rulid, que produiront-ils à l'avenir si toute recherche
thérapeutique en ce domaine devait être abandonnée ? Aussi, étant donné l'engagement résolu du Gouvernement en
faveur de cette fusion, pouvez-vous, monsieur le ministre, donner aux salariés
d'Aventis, et notamment à ceux de l'usine de Vertolaye, les précisions qu'ils
attendent quant à l'avenir de leur entreprise ? Quelles garanties seront données
en termes d'emploi et de maintien de tous les sites industriels de ces groupes ?
Pouvez-vous leur garantir que le nouveau groupe suivra une véritable stratégie
industrielle, fondée notamment sur une recherche dynamique ? M. le président. La
parole est à M. le ministre délégué aux petites et moyennes entreprises, au
commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. M. Christian Jacob, ministre délégué aux petites et moyennes entreprises, au
commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation.
Monsieur le député, je vous prie de bien vouloir excuser Patrick Devedjian,
auditionné en ce moment même par un groupe parlementaire sur le projet de loi
d'orientation sur l'énergie. La préoccupation de l'emploi
est au coeur de la politique du Gouvernement. Elle l'a été notamment dans la
gestion du rapprochement programmé entre Sanofi et Aventis, je peux vous
l'assurer. Que se serait-il passé en effet si la fusion entre ces deux
entreprises françaises n'avait pas eu lieu ? Le ministre délégué à l'industrie
est convaincu qu'il y aurait eu une autre fusion entre Aventis et un groupe
extra-communautaire et que celle-ci ne nous aurait pas été profitable au regard
de la triple préoccupation de l'emploi, de la recherche et de l'intérêt
national. A moyen terme, Sanofi, qui serait resté vulnérable de par sa taille
moyenne, aurait sans doute connu un sort semblable. C'est
parce que nous sommes convaincus que la création de Sanofi-Aventis permettra de
conserver de ce côté-ci de l'Atlantique l'emploi, les centres de recherche et
les centres de décision que nous saluons la constitution de ce futur champion
européen. Nous pensons que c'est sans aucun doute la meilleure option pour
l'emploi en France qui a prévalu. Nous serions curieux de savoir quelle solution
alternative aurait eu vos faveurs, monsieur le député. Vous évoquez les promesses non tenues selon vous de la
fusion de Rhône-Poulenc et Hoechst. J'évoquerai plutôt les promesses largement
tenues de la fusion de Sanofi et Synthelabo. C'est parce que ce rapprochement
s'est révélé très rapidement créateur d'activité et d'emplois sur le territoire
français que le Gouvernement fait entière confiance à Jean-François Dehecq, le
futur PDG du nouvel ensemble, pour en faire de même à la tête de Sanofi-Aventis
et créer très rapidement de l'emploi en Europe et en France. Défions-nous des
procès d'intention, surtout quand ils sont fondés sur des exemples auxquels les
protagonistes actuels n'ont pas été parties prenantes. Nous comprenons, bien sûr, monsieur le député, votre souci
de préserver l'emploi dans votre circonscription. Mais il est bien trop tôt pour
que l'avenir de telle ou telle implantation puisse être, à ce stade, décidé. L'opération boursière n'est pas terminée et les discussions
en cours ne se situent pas à ce niveau de précision. Les échanges d'informations
entre Sanofi et Aventis à propos de sites précis sont du reste, pour l'instant,
étroitement réglementés. Les synergies annoncées par le groupe relèvent
davantage de calculs globaux que d'une analyse détaillée, qui prendra plusieurs
mois. Nous souscrivons sans réserve à votre souci que
soit définie une véritable stratégie industrielle, reposant notamment sur une
recherche dynamique. C'est, d'ailleurs, pour l'ensemble de l'industrie
pharmaceutique en France qu'il nous faut construire une telle politique
industrielle et le Gouvernement s'y emploie. Le
rapprochement entre Sanofi et Aventis va tout à fait dans ce sens et le
Gouvernement se félicite qu'il soit en passe d'aboutir. M. le président. La
parole est à M. André Chassaigne. M. André Chassaigne. Je ne développerai pas toutes
les propositions que je pourrais formuler, et me contenterai de demander
pourquoi les fusions devraient être inévitables. Les entreprises de ce pays
sont-elles donc obligées de fusionner pour survivre ? La fusion de Hoechst et
Rhône-Poulenc, qui a donné naissance à Aventis, a pourtant eu des effets
négatifs que nous n'aurions sans doute pas connus si chacun des deux groupes
avait poursuivi ses activités comme auparavant. En second
lieu, nos voisins allemands ont obtenu la garantie qu'il n'y aurait pas de
licenciements secs. Je demande donc au Gouvernement s'il n'est pas possible,
dans notre pays, d'obtenir de telles garanties pour les mois à venir et de
préserver l'outil de recherche qu'est le site de Romainville, aujourd'hui
menacé. Puisque le Gouvernement a pris position en faveur
de cette fusion, il a aujourd'hui une très lourde responsabilité quant au
maintien des emplois.
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