Texte de la QUESTION :
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Mme Martine Lignières-Cassou sollicite l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur la protection des droits des enfants victimes d'agressions incestueuses. La parole des enfants est insuffisamment prise en compte. Aussi, certaines mères qui, dans un souci de protection de leur enfant témoignant être victime de tels actes, refusent de satisfaire à l'obligation de représentation de l'enfant à son père sont parfois lourdement condamnées pour non-représentation d'enfant. La jurisprudence estime même que la mère doit dans cette situation user de sa « bienveillante autorité envers l'enfant » pour l'obliger à voir son père quand l'enfant refuse (cour d'appel de Paris, 20e chambre, 17 mai 2002 RG n° 02/00017). Trop souvent les enfants qui témoignent être victimes d'agressions sexuelles incestueuses ont donc obligation de visiter, voire de résider avec leur parent agresseur. L'autre parent ne peut s'y opposer sauf à subir de graves sanctions. Elle souligne la nécessité de prendre en compte la parole de l'enfant dénonçant l'agression qu'il subit. Elle lui demande de prendre les mesures nécessaires pour que le parent protégeant dans ce cadre son enfant ne soit pas condamné.
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Texte de la REPONSE :
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Le garde des sceaux, ministre de la justice, fait savoir à l'honorable parlementaire que la protection des mineurs victimes de crimes et délits dans un contexte à caractère sexuel ou incestueux est complexe et donne lieu à une attention particulière et constante. Il rappelle que le parent qui estime que son enfant court un danger lorsque celui-ci se rend chez son autre parent peut avoir recours aux voies de droit civil pour faire suspendre les droits de visite ou d'hébergement ou solliciter un exercice de ces derniers dans un milieu neutre. Ce même parent peut ainsi saisir le juge aux affaires familiales qui statue sur les droits de visite et d'hébergement de l'autre parent, qui peut ainsi être totalement privé de contact avec l'enfant. Le juge aux affaires familiales peut également ordonner tout examen psychologique ou enquête sociale afin de recueillir auprès de l'enfant les renseignements nécessaires en respectant au mieux la vulnérabilité de ce dernier. Dans l'attente de ces éléments ou de l'issue de l'enquête pénale, il peut être sursis à statuer sur la demande d'un parent en matière de droit de visite. Il peut également être prévu que ces rencontres se dérouleront dans un lieu neutre, sous surveillance et avec l'accompagnement d'un personnel spécialisé. Ces structures sont en effet mises en place sur l'ensemble du territoire national, à la disposition des juges aux affaires familiales. Enfin, le juge des enfants peut aussi intervenir à la demande des parents, du procureur de la République ou du mineur lui-même pour prendre des mesures d'assistance éducative. Les restrictions au droit à une vie familiale ne sauraient intervenir que lorsque des indices graves et concordants ont pu être réunis dans la procédure pénale. Très souvent, la mise en examen du parent accusé sera accompagnée d'une mesure de contrôle judiciaire restreignant les possibilités de rencontre de ce dernier avec son enfant. Néanmoins, en cas de décision de non-lieu, ces mesures contraignantes n'ont plus lieu d'être, la présomption d'innocence, principe fondateur de notre procédure pénale, trouvant pleinement à s'appliquer. Enfin, le garde des sceaux précise que face à ces situations complexes où le parent reste convaincu de son bon droit et de la nécessité de protéger son enfant en ne respectant pas la loi, les magistrats du parquet recourent avant tout aux mesures d'alternatives aux poursuites, notamment les médiations pénales afin de pacifier les relations entre anciens conjoints ou concubins. Ce n'est que lorsqu'une attitude d'obstruction perdure, alors même qu'une décision est venue préciser qu'il n'y avait pas d'éléments suffisants pour attester l'existence d'une infraction pénale, que les parquets poursuivent devant les tribunaux correctionnels. Ainsi, pour l'année 2004, les faits de non-représentation d'enfant ont donné lieu à 926 condamnations par les juridictions correctionnelles, dont quarante-six comportaient une peine d'emprisonnement ferme.
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