FICHE QUESTION
12ème législature
Question N° : 748  de  M.   Novelli Hervé ( Union pour un Mouvement Populaire - Indre-et-Loire ) QOSD
Ministère interrogé :  fonction publique
Ministère attributaire :  fonction publique
Question publiée au JO le :  18/05/2004  page :  3525
Réponse publiée au JO le :  19/05/2004  page :  3749
Rubrique :  grandes écoles
Tête d'analyse :  ENA
Analyse :  réforme. perspectives
Texte de la QUESTION : M. Hervé Novelli souhaite attirer l'attention de M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'État sur la réforme de l'ENA. Cette réforme est évoquée régulièrement par la presse. Lors des débats budgétaires pour 2003 et 2004, cette réforme a été mise en avant pour demander le retrait d'amendements visant à diminuer le budget de cette prestigieuse école. Le ministre d'alors proposait même aux parlementaires un contrat de confiance sur ce sujet. Un rapport a été établi par Yves Thibault de Silguy, préconisant des axes pour améliorer son fonctionnement. Aussi, il souhaiterait que des informations précises lui soient communiquées concernant l'état d'avancement de cette réforme, les principes qui la régissent et les directives, notamment en termes de calendrier, qui ont été fixées à la direction de l'école pour sa mise en oeuvre.
Texte de la REPONSE :

RÉFORME DE L'ENA

M. le président. La parole est à M. Hervé Novelli, pour exposer sa question, n° 748, relative à la réforme de l'ENA.
M. Hervé Novelli. Monsieur le président, ma question s'adresse à M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, et a pour objet de faire le point sur la réforme de l'ENA. Je suis persuadé que le succès de la réforme de l'Etat, auquel je suis particulièrement attaché, est conditionné en grande partie par un changement des mentalités, un changement de la culture dominante dans la haute fonction publique, dont les membres sont formés par cette prestigieuse école.
A de nombreuses reprises, des réformes ont été envisagées ou pratiquées dans le passé. Votre prédécesseur, monsieur le ministre, avait mis en avant la nécessité d'une réforme de l'ENA pour obtenir de sa majorité le retrait d'amendements lors des discussions budgétaires, que ce soit pour 2003 ou pour 2004.
Ainsi, lors de la discussion de la loi de finances pour 2003, j'avais moi-même déposé un amendement de diminution du budget de cette prestigieuse école. Votre prédécesseur en avait demandé le retrait, arguant de la réflexion en cours sur les projets de réforme de cette école.
A l'occasion de la discussion de la loi de finances pour 2004, la question était à nouveau posée. Louis Giscard d'Estaing, défendant l'amendement qu'il avait déposé, adopté par la commission des finances, s'étonnait de l'augmentation des crédits. Il demandait la justification d'une telle hausse, et souhaitait que la taille des promotions soit revue en se fondant à la fois sur les besoins futurs d'encadrement de la haute fonction publique - besoins en baisse - et sur les opportunités de promotion interne. Demandant à nouveau le retrait de cet amendement, M. Delevoye avait regretté de ne pas avoir associé davantage la représentation nationale au sein de la commission présidée par M. de Silguy, et avait confirmé les instructions données à la direction de l'école concernant le déménagement de son site parisien.
Depuis, la presse se fait régulièrement l'écho de réformes ou de changements annoncés. Vous avez vous-même indiqué il y a quelques jours, monsieur le ministre, que la délocalisation à Strasbourg allait entraîner la vente des locaux parisiens de l'ENA, à l'exception de ceux de l'avenue de l'Observatoire.
Un certain nombre de pistes de réforme ont été définies par une communication en conseil des ministres le 22 octobre 2003, à la suite du rapport d'Yves-Thibault de Silguy. La date de septembre 2004 a même été annoncée pour l'entrée en vigueur de cette réforme.
Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous donner des précisions sur ces points et sur les axes de réforme qui ont été retenus, ainsi que sur le calendrier de celle-ci, étant précisé que, par le passé, nombre de calendriers ont déjà été différés ?
M. le président. La parole est à M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
M. Renaud Dutreil, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. Monsieur le député, ma détermination à réformer l'Ecole nationale d'administration est entière.
D'ores et déjà, je puis vous indiquer que le regroupement, au 1er janvier 2005, de l'ensemble des activités de l'école sur Strasbourg, sera effectif. J'ai fait part de l'intention du Gouvernement de vendre, dans les meilleurs délais, le siège historique du 13, rue de l'Université et de le vendre au plus offrant. Il ne s'agit pas de retomber dans les pratiques qui ont longtemps fait de l'Etat un bien mauvais gestionnaire de son patrimoine.
L'ENA ne conservera donc à Paris que quelques locaux pour les formations courtes, inférieures à un mois, et ses activités internationales, hors formations européennes.
Deuxième évolution majeure : dans un peu plus de six mois, l'école accueillera en permanence tous les élèves à Strasbourg. Je suis en discussion avec M. Grossman, président de la communauté urbaine, et Mme Keller, maire de Strasbourg, pour aider l'Etat et les collectivités territoriales à accueillir dans de bonnes conditions les personnels et les élèves de l'école.
A partir de septembre 2004, l'ENA sera vraiment une école européenne. En effet, la réforme du concours d'entrée permettra à des ressortissants de l'Union européenne de se présenter aux trois concours d'accès et modifiera la répartition du nombre d'élèves entre les trois concours.
Troisième évolution : mon intention est d'aller plus loin en augmentant à terme la part des élèves venant du troisième concours, qui permet à des personnes venant du secteur privé d'apporter leur savoir-faire et leur expérience à l'Etat.
Réformer l'ENA, c'est réformer l'Etat et notamment l'encadrement supérieur de l'Etat. Nous avons aujourd'hui moins besoin d'esprits capables de produire de belles notes ou de rédiger de belles lettres que de managers publics capables de piloter des politiques économiques, sociales, publiques et de rendre compte de leurs performances à leurs supérieurs hiérarchiques et au peuple français, devant lequel ils sont comptables de leurs résultats. La scolarité de l'ENA doit donc répondre à cet objectif et nous y veillerons.
Enfin, nous avons à réfléchir à l'évolution ultérieure de cette école. On pourrait imaginer que l'ENA devienne une école de management public, tournée vers l'international. Pour cela, faut-il, par exemple, que des jeunes gens qui sortent de l'ENA soient immédiatement, sans aucune expérience professionnelle, affectés dans les grands corps de l'Etat à des fonctions d'inspection, de contrôle ou de jugement ? Certes, la valeur n'attend pas le nombre des années, mais on pourrait imaginer que cette affectation n'intervienne qu'après une première expérience professionnelle.
Je souhaite que la représentation nationale et spécialement vous-même, monsieur le député, ainsi que Louis Giscard d'Estaing soyez associés à l'évolution de cette réflexion.
A moyen terme, nous devrions nous poser la question de l'équilibre entre formation initiale et formation continue tout au long de la vie. Il est paradoxal que bien souvent l'Etat forme à nouveau ceux qu'il recrute, alors qu'ils ont pourtant été bien formés par l'université. Ne faut-il pas trouver un meilleur équilibre entre formation initiale et formation tout au long de la vie de façon à développer cette dernière, dont on voit bien qu'elle sera, dans les années qui viennent, un élément essentiel de la mobilité professionnelle dans la fonction publique ? Cela répond en outre à la volonté du Président de la République de donner à chacun, quel que soit son secteur d'activité, public ou privé, un droit à la formation tout au long de la vie.
Ces perspectives ne doivent pas s'arrêter à des considérations matérielles immédiates mais nous conduire à poser la question de la gestion du management public dans la haute fonction publique et de la formation adaptée à ce futur management, sans lequel nous n'aurons pas une réforme de l'Etat efficace.
M. le président. La parole est à M. Hervé Novelli.
M. Hervé Novelli. Monsieur le ministre, je vous remercie de cette réponse précise, au moins dans sa première partie. Et puisque vous m'y incitez, je m'attacherai à vous faire part de quelques réflexions pour l'avenir.
La question n'est pas tant de savoir si l'ENA doit ou non continuer d'exister que de s'interroger plus largement sur la situation de la culture administrative et sur un mode de pensée un peu trop univoque en cours dans la haute fonction publique.
Je souhaiterais que vous puissiez revoir le mode de recrutement de nos hauts fonctionnaires pour ménager, à terme, de nouvelles voies d'accès à la haute fonction publique et éviter ainsi que seule une ou deux écoles prestigieuses ne permettent d'y accéder.
D'autre part, il faut aussi revoir les conditions de cumul entre statut de fonctionnaire et mandats nationaux car, comme vous l'avez dit, la réforme de l'ENA ne suffira pas à réformer l'Etat. C'est beaucoup plus largement qu'il faut agir en ce domaine. Comme vous avez la réforme heureuse, je ne doute pas que celle-ci sera également couronnée de succès.

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