Texte de la QUESTION :
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M. Philippe Tourtelier souhaite à nouveau attirer l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur les conditions carcérales et les prisons. Selon l'administration pénitentiaire elle-même, dans les maisons d'arrêt, le taux d'occupation est de 130 % avec des pics de 200 % dans certains établissements de métropole et de 300 % dans les départements et territoire d'outre-mer. Cette situation de surpopulation, inacceptable, est aggravée par une forte proportion de détenus souffrant de troubles psychiatriques au moment de leur incarcération, 35 % avec un traitement psychiatrique lourd, 80 % avec un trouble grave du comportement, 40 % avec un risque suicidaire.., pour ne citer que cet aspect santé, connu par les autorités. Le diagnostic des conditions de vie de la population carcérale et de l'ensemble des lieux de rétention vient encore d'être stigmatisé, cette fois par M. Alvaro Gil-Robles, le Commissaire européen aux droits de l'homme. Après seize jours de visites des lieux de « privation de libertés » - hôpitaux psychiatriques, prisons, centres de rétention, etc. - ses observations sont accablantes pour notre pays. L'entassement des personnes, la répugnance de certains établissements, l'indignité ou l'inadéquation de nombreux lieux, la quantité de prisonniers souffrant de problèmes psychiatriques, les difficultés et les obstacles à la réinsertion, la situation des étrangers - en « zone d'attente » ont scandalisé le commissaire aux droits de l'homme. Ce constat figurera dans son prochain rapport au Conseil de l'Europe. Ce bilan noir va dans le sens des visites d'établissements pénitentiaires qu'il a pu faire au même titre que de nombreux parlementaires. Aussi, il lui demande comment il entend réagir, dans l'urgence mais aussi à plus long terme, pour garantir les droits fondamentaux de cette population et expressément pour respecter le code de procédure pénale qui précise (article D. 189) « qu'à l'égard de toutes les personnes qui lui sont confiées par l'autorité judiciaire, à quelque titre que ce soit, le service public pénitentiaire assure le respect de la dignité inhérente à la personne humaine ».
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Texte de la REPONSE :
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Le garde des sceaux, ministre de la justice, fait connaître à l'honorable parlementaire que le taux d'occupation des établissements pénitentiaires est une préoccupation constante. Au 1er mai 2006, la densité moyenne s'élève à 117,1 % dont 116,5 % en métropole et 127,7 % en outre-mer. Très conscient de ce problème et de ses possibles conséquences au niveau de la sécurité et du respect de la dignité humaine, le garde des sceaux entend poursuivre la mise en oeuvre du programme de constructions de nouvelles prisons mis en place le 21 novembre 2003. D'une ampleur sans précédent, ce plan prévoit de doter l'administration pénitentiaire de 13 200 places dont 10 800 pour la construction de nouvelles prisons (9 200 en métropole et 1 600 outre-mer), 2 000 places réservées à l'application d'une nouvelle politique de l'enfermement et 400 places destinées à l'accueil des mineurs. La livraison des premiers établissements est prévue en 2007. De plus, pour apporter une réponse à la surpopulation sans attendre la livraison des prochains établissements pénitentiaires, un dispositif d'accroissement des capacités d'accueil (DAC) a été mis en place. Il tend à créer, d'ici fin 2006, 2 500 places en détention et 500 en semi-liberté, et porte sur trois axes principaux : l'optimisation du parc existant par le réemploi de surfaces désaffectées, des extensions en dur ou la création de nouveaux bâtiments d'hébergement au sein des établissements, et l'installation de structures modulaires. Enfin, la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la Justice aux évolutions de la criminalité a introduit de nouvelles dispositions destinées à relancer les alternatives à l'incarcération (travail d'intérêt général, sursis avec mise à l'épreuve...) notamment à travers l'extension du dispositif du bracelet électronique, pour aboutir à 3 000 placements disponibles simultanément en 2006. Au 1er mai 2006, le nombre de condamnés bénéficiant d'un placement sous surveillance électronique est de 1 388. Le garde des sceaux est également très soucieux de la qualité de la prise en charge sanitaire des personnes incarcérées, compte tenu notamment de la forte proportion de détenus souffrant de troubles psychiatriques, de dépendances aux substances psychoactives et à l'alcool, dont a fait état en juillet 2004 l'enquête épidémiologique sur la santé mentale des personnes détenues initiée par le ministère de la santé, en participation avec le ministère de la justice. La création en 1986 des secteurs de psychiatrie en milieu pénitentiaire et la mise en place de vingt-six services médico-psychologiques régionaux (SMPR) ont considérablement renouvelé la prise en charge des pathologies mentales en établissement pénitentiaire. Afin d'accroître l'accès et la diversité de l'offre de soins, variables selon les établissements pénitentiaires, le législateur a prévu que l'hospitalisation, avec ou sans consentement, des personnes détenues atteintes de troubles mentaux se ferait désormais dans les établissements de santé au sein d'unités hospitalières spécialement aménagées (UHSA). Un programme de 450 lits sera livré entre 2008 et 2010. Concernant la prévention des suicides, l'administration s'efforce depuis de nombreuses années déjà d'appréhender le phénomène suicidaire en milieu carcéral et d'y apporter des réponses appropriées. Le dernier programme de prévention du suicide, mis en oeuvre par la circulaire du 26 avril 2002 a pour objectif de modifier les comportements professionnels afin de mieux repérer et suivre les détenus présentant des risques suicidaires. Dans son rapport du 10 décembre 2003, le professeur Jean-Louis Terra a donné une place primordiale à la formation des professionnels, afin qu'ils soient aptes à identifier les personnes à risque de suicide élevé et à aborder avec elles le sujet de leur souffrance. À ce titre, l'administration pénitentiaire a fait de la réduction du suicide un objectif national, et a formé 4 000 agents. Toutefois, une réévaluation du dispositif est actuellement menée, afin d'améliorer encore la prévention des suicides en prison.
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