FICHE QUESTION
12ème législature
Question N° : 75747  de  Mme   Robin-Rodrigo Chantal ( Socialiste - Hautes-Pyrénées ) QE
Ministère interrogé :  emploi, cohésion sociale et logement
Ministère attributaire :  emploi, travail et insertion professionnelle des jeunes
Question publiée au JO le :  18/10/2005  page :  9648
Réponse publiée au JO le :  10/10/2006  page :  10644
Date de changement d'attribution :  01/11/2005
Rubrique :  santé
Tête d'analyse :  risques professionnels
Analyse :  organismes d'évaluation. indépendance
Texte de la QUESTION : L'affaire de l'amiante révèle les carences du système de santé au travail. En effet, la mission d'information de l'Assemblée nationale sur « les risques et les conséquences de l'exposition à l'amiante », a réuni, le 14 septembre 2005, une dizaine de scientifiques, afin de faire le point sur l'ampleur des pathologies qui sont associées à ce matériau cancérigène, interdit en 1997. Confirmant les prévisions les plus sombres, qui chiffrent entre 50 000 et 100 000 le nombre de décès imputables à l'amiante dans les trente prochaines années, les spécialistes, pneumologues et épidémiologistes, ont profité de la tribune qu'il leur était offerte pour souligner combien l'affaire de l'amiante révèle les carences du système de santé au travail et de prévention des risques professionnels. Pour les scientifiques, si le nombre des décès liés à l'amiante ne cesse de progresser alors qu'il commence à régresser dans d'autres pays, c'est en raison « du retard important » pris en matière d'interdiction en France. Alors que ce matériau était reconnu cancérigène dès 1977, il n'a totalement été banni que vingt ans après. Entre-temps, la question avait été officieusement déléguée au comité permanent amiante (CPA), un lobby de l'industrie dans lequel siégeaient également les partenaires sociaux et des scientifiques, et qui prônait « l'usage contrôlé » de l'amiante. C'était un organisme totalement informel et a posteriori hallucinant. Depuis, cet organisme a été dissous, mais « la situation n'a pas tellement évolué » et le problème de l'amiante peut recommencer demain avec un autre produit. Par ailleurs, pendant cette audition, il a aussi été expliqué qu'à l'Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (INRS), organisme paritaire, des épidémiologistes ont récemment été empêchés de mener une enquête sur les risques liés à l'utilisation des fibres de substitution à l'amiante, car aucun employeur n'a voulu jouer le jeu. Compte tenu de cette situation, il semble donc de plus en plus évident que l'évaluation des risques se doit d'être scientifique, sans aucune interférence avec les entrepreneurs ou les partenaires sociaux. En conséquence, Mme Chantal Robin-Rodrigo demande à M. le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement de lui indiquer sa position et ses intentions sur ce dossier et, notamment sur la proposition faite par le milieu scientifique de non-interférence des entrepreneurs et des partenaires sociaux dans l'évaluation des risques sur la santé au travail. - Question transmise à M. le ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes.
Texte de la REPONSE : L'attention du Gouvernement a été appelée sur l'ampleur du fléau sanitaire de l'amiante, le délai d'interdiction de son usage ainsi que sur les faiblesses du système de santé au travail mises en lumière, notamment, dans le cadre de la mission d'information en cours à l'Assemblée nationale. L'ampleur du fléau sanitaire de l'amiante s'est révélée, dans l'Europe entière, au cours de la dernière décennie. Selon les projections de mortalité, la situation sanitaire française sera, dans les années à venir, très comparable à celle observée au Royaume-Uni ou en Allemagne qui ont interdit partiellement l'amiante, quelques années avant la France. Le pic de décès dus à l'amiante devrait y être observé en 2020. Les estimations épidémiologiques, pour les années 2020 et pour le mésothéliome sont les suivantes : 1 000 à 1 500 cas par an en France comme en Allemagne et 2 500 à 3 000 cas au Royaume-Uni. Ces chiffres montrent que la situation française n'a rien de spécifique, malgré des stratégies de gestion du risque aux différences fortement soulignées. Cette situation a suscité une mobilisation générale des pouvoirs publics et des actions de types multiples, au plan européen comme au plan national. Il convient de souligner que dès le début des années 80, la stratégie de protection des travailleurs contre l'amiante s'est déterminée au niveau communautaire par l'élaboration de directives successives et que la France a toujours fixé des règles de protection équivalentes aux normes européennes. Il convient donc de relativiser l'influence du Comité permanent amiante (CPA), créé, en France, comme lieu d'échanges pratiques entre l'ensemble des acteurs, dans un contexte passé très différent. Ce comité n'existe plus depuis 1994, et aucune initiative comparable n'est admise dans le domaine des risques professionnels où le ministère chargé du travail veille à la séparation rigoureuse entre l'évaluation scientifique indépendante des risques et leur gestion par la puissance publique. La situation sanitaire - en France comme en Europe - résulte d'expositions massives dans le passé qui se révèlent aujourd'hui du fait des effets différés à long terme des pathologies en cause. Elle est néanmoins particulièrement grave, c'est pourquoi, améliorer sans cesse la prévention constitue une priorité des pouvoirs publics français. En France, depuis le 1er janvier 1997, l'amiante est totalement interdit (décret n° 96-1133 du 24 décembre 1996). Parallèlement, en 1996, la refonte complète des règles de prévention - sur la base de l'expertise collective commandée à l'INSERM et qui constituait une première mondiale - a permis de mieux protéger les travailleurs encore exposés à l'amiante demeuré en place dans les bâtiments et équipements les plus divers (3 000 articles différents), notamment lors d'activités de retrait ou lors d'activités d'entretien ou de maintenance sur des matériaux contenant de l'amiante (décret n° 96-98 du 7 février 1996). La France a ainsi précédé l'évolution, plus récente, des règles communautaires. L'interdiction de l'amiante au niveau européen - il importe de le souligner - n'est effective que depuis le 1er janvier 2005. La directive 2003/18/CE, adoptée le 27 mars 2003, par le Parlement européen et le Conseil prévoit, sous la forte impulsion de la France, des mesures de prévention renforcées pour les activités où l'exposition subsiste malgré l'interdiction de l'amiante (activités de retrait d'amiante, d'entretien et de maintenance par exemple). Le décret n° 2006-761 du 30 juin 2006 complète la transposition de cette directive et renforce les nouvelles dispositions du décret n° 96-98 du 7 février 1996 relatif à la protection des travailleurs. Les nouvelles dispositions entrées en vigueur le 30 juin 2006 prévoient la suppression des dispositions relatives aux activités de fabrication et de transformation de l'amiante, compte tenu de leur interdiction depuis le 1er janvier 1997 ; l'obligation de faire appel à un laboratoire accrédité pour procéder au mesurage de la concentration en fibres d'amiante de l'air sur le lieu de travail ; l'extension de l'obligation de certification de qualification des entreprises par des organismes eux-mêmes accrédités aux travaux de retrait d'amiante non friable considérés comme à risques particuliers, définis par un arrêté en cours d'élaboration. Cette obligation de certification de qualification concernait antérieurement le retrait d'amiante friable uniquement ; la formation des travailleurs du désamiantage par des organismes de formation certifiés par des organismes eux-mêmes accrédités. Cette obligation concernera l'ensemble du secteur du désamiantage (friable et non friable). l'obligation d'élaborer un mode opératoire et de le transmettre à l'inspection de travail, pour les activités et interventions sur des matériaux ou appareils susceptibles d'émettre des fibres d'amiante, en particulier les activités d'entretien et de maintenance. Enfin, et indépendamment des règles communautaires qui ne prévoient rien à cet effet, le ministère chargé du travail a souhaité renforcer les exigences vis-à-vis des maîtres d'ouvrage (donneurs d'ordre) et des chefs d'entreprises utilisatrices lorsqu'ils font intervenir des entreprises extérieures dans leur établissement. En effet, depuis 1996, il repose sur les propriétaires des immeubles bâtis, au titre du code de la santé publique, une obligation de repérage des matériaux amiantés. C'est pour parvenir à une meilleure prise en compte du risque amiante par les acteurs intermédiaires que sont les maîtres d'ouvrage et les chefs d'entreprises utilisatrices que le décret prévoit une transmission, par ces acteurs aux entreprises intervenant ultérieurement sur les immeubles bâtis, des résultats du repérage des matériaux amiantés. Le ministère chargé du travail a, par ailleurs, mis en place une politique de contrôle de la réglementation relative à la protection des travailleurs exposés qui n'a cessé d'être une priorité de l'action de l'inspection du travail, depuis 1996. En 2004, a ainsi été organisée une campagne ciblée, commune à l'inspection du travail, aux caisses régionales d'assurance maladie (CRAM) et à l'Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (INRS). En 2005, cette campagne a été réitérée et étendue à l'amiante non friable. Plus de 750 chantiers ont été contrôlés à cette occasion. Cette opération sera reconduite en 2006, dans le cadre d'une campagne européenne. Les circulaires ministérielles préconisent une extrême sévérité lors des contrôles. S'agissant des fibres céramiques réfractaires, le ministère chargé du travail, soucieux d'anticiper, a lancé un appel pour une étude. L'INRS, qui s'est seul porté candidat, a dû ensuite, renoncer face à des difficultés de terrain évoquées lors de l'une des auditions de la mission d'information de l'Assemblée nationale. Il a donc été demandé à l'Institut de veille sanitaire de déterminer les conditions de la reprise de cette étude épidémiologique. Par ailleurs la valeur limite d'exposition professionnelle aux fibres céramiques réfractaires va être rendue réglementairement contraignante et abaissée. D'un point de vue global, après 10 mois de travaux interministériels et concertés avec les partenaires sociaux, un plan gouvernemental « Santé au travail 2005-2009 » (PST) a été adopté par le gouvernement le 23 février 2005. Ce plan, qui implique plusieurs ministères, s'est appuyé sur l'état des lieux scientifique très complet élaboré dans le cadre du Plan national santé environnement (PNSE), présenté en juin 2004. Avec le plan santé au travail 2005-2009, le Gouvernement veut tirer les conséquences du drame de l'amiante et imprimer profondément une stratégie et une dynamique de prévention pour la politique du travail. Le but est de mieux prévenir et donc de réduire les risques professionnels, sources de drames humains et de handicaps économiques. Ce plan fait de la santé au travail une priorité d'action des pouvoirs publics, définit des mesures concrètes pour développer la connaissance des dangers, des risques et des expositions en milieu professionnel, renforcer les contrôles et l'application de la réglementation et mobiliser les entreprises et les acteurs de la santé au travail pour diffuser la culture de prévention des risques. Première mesure prévue par ce plan, l'État a intégré, au sein du dispositif public des agences de sécurité sanitaire, un outil d'expertise et d'évaluation des risques qui lui faisait jusqu'à présent défaut pour le milieu professionnel. Les compétences de l'Agence française de sécurité sanitaire environnementale (AFSSE) ont été étendues à la santé au travail, avec la création, par l'ordonnance n° 2005-1087 du 1er septembre 2005, de l'Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail (AFSSET). La nouvelle agence apporte maintenant au ministère chargé du travail une expertise indépendante sur les dangers et les risques liés à l'exposition aux substances chimiques. Pour 2006, c'est un budget nouveau de 8,6 MEUR qui a été dégagé malgré de fortes contraintes budgétaires. Ces crédits permettent de recruter 10 scientifiques de haut niveau en sus des 10 recrutements effectués dès 2005 et de financer les études en cours et à venir dont l'État a besoin. Ainsi, avant même la publication du rapport de la mission d'information de l'Assemblée nationale - qui sera examiné avec toute l'attention nécessaire -, le Gouvernement a confirmé sa politique visant à respecter le principe de la séparation entre l'expertise et l'évaluation des risques professionnels - confiées aux agences publiques de sécurité sanitaire (AFSSET et InVS) - et la gestion de ces risques relevant du ministère chargé du travail (en liaison avec les ministères chargés de l'écologie et de la santé, notamment en matière de substances chimiques). Il importe aussi d'assurer l'indépendance de l'évaluation des risques et de dissocier cette étape de la phase de concertation sociale. Le plan Santé au travail prévoit en outre de renforcer et de revaloriser la place de la recherche sur les liens entre santé et travail. Cette action est conduite en étroite liaison avec le ministère chargé de la recherche. Il s'agit d'attirer de jeunes chercheurs dans ces domaines et de créer des pôles pluridisciplinaires. La communauté scientifique a été mobilisée afin d'étendre le corpus de connaissances fondamentales qui permettront, demain, de mieux prévenir les risques pour la santé en milieu professionnel et faciliteront les échanges de savoir, notamment aux niveaux européen et international. Enfin, en application de ce plan, les actions de contrôle conduites sur le terrain ont été intensifiées, pour faire respecter les droits des salariés sur leur lieu de travail, et renforcer la protection de leur santé et de leur sécurité. L'inspection du travail, de compétence généraliste, est à présent soutenue pour l'accomplissement de ses missions, de plus en plus techniques, par des cellules régionales d'appui et de soutien scientifique et technique. Dès 2005, 30 postes d'ingénieurs et de médecins ont été ainsi créés au sein de 7 directions régionales du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle. Cet effort sera poursuivi en 2006 et l'ensemble du territoire sera couvert dès 2007. Les inspecteurs et contrôleurs du travail bénéficieront d'une formation renforcée dès la rentrée 2006.
SOC 12 REP_PUB Midi-Pyrénées O