FICHE QUESTION
12ème législature
Question N° : 76247  de  Mme   Zimmermann Marie-Jo ( Union pour un Mouvement Populaire - Moselle ) QE
Ministère interrogé :  justice
Ministère attributaire :  intérieur et aménagement du territoire
Question publiée au JO le :  25/10/2005  page :  9886
Réponse publiée au JO le :  28/03/2006  page :  3429
Date de changement d'attribution :  20/12/2005
Rubrique :  collectivités territoriales
Tête d'analyse :  élus locaux
Analyse :  gestion de fait. associations. conséquences
Texte de la QUESTION : Mme Marie-Jo Zimmermann attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur le caractère parfois imprécis de la notion de gestion de fait au sein d'une association. En principe, la gestion de fait résulte de la violation de la règle de séparation entre ordonnateur et comptable. Toutefois, les liens entre certaines associations et les communes peuvent engendrer une dépendance des associations quant à leur gestion. Or très souvent, lorsque les associations sont subventionnées par une commune, des élus municipaux sont membres de droit du conseil d'administration. Elle souhaiterait donc qu'il lui précise les éléments qui constituent une gestion de fait dans le cas d'espèce, les conséquences juridiques éventuelles et les mesures de précaution à prendre éventuellement par les communes pour éviter toute difficulté. - Question transmise à M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.
Texte de la REPONSE : La gestion de fait est définie à l'article 60-XI de la loi n° 63-156 du 23 février 1963. En vertu de ces dispositions, est qualifiée de gestionnaire de fait « toute personne qui, sans avoir la qualité de comptable public ou sans agir sous contrôle et pour le compte d'un comptable public, s'ingère dans le recouvrement de recettes affectées ou destinées à un organisme public doté d'un poste comptable ou dépendant d'un tel poste », ainsi que « toute personne qui reçoit ou manie directement ou indirectement des fonds ou valeurs extraits irrégulièrement de la caisse d'un organisme public » ou qui, « sans avoir la qualité de comptable public, procède à des opérations portant sur des fonds ou valeurs n'appartenant pas aux organismes publics, mais que les comptables publics sont exclusivement chargés d'exécuter en vertu de la réglementation en vigueur ». La gestion de fait se caractérise donc par l'immixtion d'une personne morale ou physique dans le maniement ou la détention de deniers publics sans avoir la qualité de comptable patent. La qualification de comptable de fait est prononcée par le juge financier. La jurisprudence distingue « le maniement de brève main », effectué par la personne qui a encaissé, détenu et décaissé les fonds, et le « maniement de longue main », imputable à la personne qui a pris l'initiative de ces opérations et a décidé de l'emploi des fonds. La forme associative offre indéniablement une souplesse de gestion budgétaire et facilite la coopération entre les acteurs publics et privés. S'il n'existe pas d'incompatibilité de principe entre la qualité d'élu d'une collectivité locale et celle de membre du conseil d'administration d'une association subventionnée par cette collectivité, l'objet de la structure ne doit pas viser à contourner certaines obligations liées à la gestion publique (notamment les règles en matière de comptabilité publique, de marchés publics, ou encore le statut de la fonction publique territoriale) ni constituer un simple démembrement du service public. Les fonds publics attribués à une association à travers le vote d'une subvention ne perdent le caractère de deniers publics que si la subvention est conforme à l'objet associatif et si l'association dispose d'une existence juridique et bénéficie d'une autonomie vis-à-vis de la collectivité qui la subventionne. Ainsi, le juge qualifie de fictives certaines subventions versées à des associations lorsqu'elles sont octroyées par une personne publique qui conserve la maîtrise de leur utilisation pour mener, par l'intermédiaire nominal de l'association, des missions de service public relevant de sa compétence. Le juge considère que les fonds ainsi versés conservent leur caractère de deniers publics et leur maniement irrégulier peut être constitutif d'une gestion de fait. Les subventions utilisées à des fins étrangères à l'objet associatif sont également qualifiées de subventions fictives. Par ailleurs, le juge peut déceler l'existence d'une gestion de fait en examinant l'organisation et le fonctionnement de l'association vis-à-vis de la collectivité qui octroie la subvention. Le juge s'appuie alors sur un faisceau d'indices pour déterminer le degré d'autonomie de l'association. Il est amené à vérifier la composition effective des organes dirigeants de l'association, qui ne doit pas laisser apparaître une représentation prépondérante des élus ou des fonctionnaires de la collectivité. Dans une telle hypothèse, il pourrait être clairement établi que ce sont eux qui détiennent le pouvoir interne de décision au sein de l'association. Le juge examine également l'origine des ressources propres de l'association, qui ne doivent en principe pas provenir quasi exclusivement des subventions que lui verse la collectivité locale. Enfin, le juge vérifie que l'association n'exerce pas de fonctions qui auraient pu être assumées directement par la collectivité elle-même. La conjonction de ces critères constitue un élément de preuve de la « transparence » de l'association, pouvant amener le juge à considérer que la subvention qui lui est versée conserve le caractère de fonds public. Aussi, en confiant des moyens et des missions à des associations, les élus doivent veiller à ce que ces associations ne puissent être considérées comme de simples prolongements de la collectivité locale ou qu'elles disposent d'une autonomie suffisante pour l'utilisation des subventions octroyées. À défaut, les élus membres de ces associations s'exposent à être déclarés comptables de fait. En effet, les personnes morales ou physiques concernées par la gestion de fait peuvent être celles qui ont manié ou détenu de façon directe ou indirecte les deniers publics sans habilitation régulière, ainsi que celles qui, du fait de leur fonction, ont soit couvert de leur autorité, soit connu et toléré ces opérations irrégulières. Selon la jurisprudence du Conseil d'État (8 juin 1994, Delerez) et de la Cour des comptes (24 septembre 1987, Association Madine Accueil), un encadrement des rapports entre la collectivité et l'association peut contribuer à prévenir le risque de gestion de fait, les droits et obligations des deux parties devant être strictement définis dans une convention afin de garantir, d'une part, l'autonomie de l'association et, d'autre part, la surveillance que la collectivité doit exercer sur les conditions d'exécution d'une mission d'intérêt général financée par des fonds publics. Cette exigence a été rappelée par la circulaire du Premier ministre n° 3-300 S/G du 15 janvier 1988 relative aux rapports entre l'Etat et les associations bénéficiaires de fonds publics. Néanmoins, l'existence d'une convention entre la collectivité et l'association bénéficiaire de fonds publics, si elle constitue une précaution, ne suffit pas pour écarter le risque de qualification de gestion de fait, les autres critères jurisprudentiels devant être, dans tous les cas, respectés.
UMP 12 REP_PUB Lorraine O