Texte de la QUESTION :
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M. Éric Raoult attire l'attention de M. le ministre délégué aux collectivités territoriales sur le caractère illégal et scandaleux de l'annonce discriminatoire de diminution des subventions départementales par le président du conseil général de Seine-Maritime. En effet, celui-ci a annoncé, lundi 10 octobre, au sein de son assemblée départementale, qu'il allait appliquer une minoration substantielle de ses subventions d'investissement aux communes de plus de 3 500 habitants ne respectant pas le quota des 20 % imposé par la loi SRU (solidarité et renouvellement urbain). Il s'agit de l'annonce d'une mesure discriminatoire sans précédent dans l'histoire des collectivités locales. Cette intention de double sanction financière verrait une collectivité départementale définir sa propre loi départementale, pour pénaliser une collectivité locale sur son propre territoire. Cette proposition de discrimination est scandaleuse, sans précédent, dans l'histoire de la République, et vise à mettre en pratique des idées que l'on pourrait penser non conformes à la tradition républicaine de l'inspirateur de ces mesures, un haut responsable politique socialiste, élu du département. Il y aurait ainsi de bonnes et de mauvaises collectivités locales, qui se verraient refuser, pour tout ou partie, on accès au financement de leurs investissements locaux. Cette intention est anti-républicaine et illégale, elle ne peut être tolérée par les pouvoirs publics d'un pays démocratique, comme la France. Dès lors, il conviendrait que le Gouvernement puisse, par l'intermédiaire du préfet de Seine-Maritime, signifier au président du conseil général de ce département qu'une telle délibération discriminatoire serait déférée immédiatement au tribunal administratif, si elle venait à se concrétiser. Il lui demande donc de lui préciser sa position sur cette question.
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Texte de la REPONSE :
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Le conseil général de Seine-Maritime a, par délibération du 11 octobre dernier, modifié les critères d'attribution des subventions d'investissement aux communes de plus de 3 500 habitants qui ne respectent pas le quota de 20 % de logements sociaux imposé par la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbain, (dite loi SRU). Le conseil général de la Seine-Maritime prévoit ainsi une modulation négative des subventions versées aux communes (5 % à 50 %) selon que le taux de logements sociaux se situe entre 20 % et 5 % du nombre de résidences principales. Une telle décision soulève plusieurs objections quant à sa légalité. Il convient tout d'abord d'indiquer que le conseil général ne peut revenir sur les subventions déjà votées (CE, 26 octobre 2001, Ternon). En effet, les décisions des collectivités territoriales portant attribution de subventions sont, par nature, des décisions individuelles à caractère pécuniaire créatrices de droits au profit de leurs bénéficiaires. Dès lors, si les délibérations initiales portant octroi de subventions ne sont assorties d'aucune condition attributive, elles ne peuvent être retirées que pour un motif d'illégalité et à la condition que le retrait intervienne dans un délai de quatre mois à compter de la décision d'octroi. En dehors de ce cas, la décision d'attribution des subventions ne peut être remise en cause. Ainsi, c'est en se fondant sur ces considérations de droit que le tribunal administratif de Montpellier a jugé, le 3 novembre 2004, illégales plusieurs délibérations du conseil régional du Languedoc-Roussillon en tant que celles-ci annulaient des subventions précédemment octroyées. S'agissant des délibérations du conseil général conditionnant et/ou modulant pour l'avenir le montant des aides octroyées, en fonction du respect par les communes de la loi SRU, la légalité de ces décisions soulèverait des objections de nature différente. En effet, bien que le conseil général dispose d'une compétence générale pour régler les affaires du département (article L. 3211-1 du code général des collectivités territoriales), il reste tenu de respecter le principe consacré par la Constitution dans son article 72, selon lequel « aucune collectivité territoriale ne peut exercer une tutelle sur une autre ». L'article L. 1111-4 du CGCT, qui reprend ce principe, précise notamment que les décisions des collectivités locales d'accorder ou de refuser une aide financière à une autre collectivité locale ne peuvent avoir pour effet l'établissement ou l'exercice d'une tutelle, sous quelque forme que ce soit. En outre, le conseil général, dans ses délibérations, se doit de respecter le principe d'égalité, consacré par la jurisprudence tant administrative que constitutionnelle. L'assemblée du Conseil d'État a été amenée à examiner ces deux principes dans son arrêt département des Landes du 12 décembre 2003. Dans cette affaire le conseil général avait institué une modulation du taux des subventions versées par le budget du département pour les travaux d'adduction d'eau potable et d'assainissement, afin d'inciter financièrement les communes ou leurs syndicats à gérer en régie leurs réseaux plutôt que de les affermer. La délibération n'ayant pas subordonné l'attribution de ces aides à une procédure d'autorisation ou de contrôle, le juge administratif a considéré que la délibération n'avait eu ni pour objet ni pour effet d'instituer une tutelle, et qu'elle n'était pas de nature à entraver la liberté du choix du mode de gestion par les collectivités territoriales et ne portait donc pas atteinte au principe de libre administration. Ces éléments ont été portés à la connaissance du conseil général de Seine-Maritime. Le préfet a notamment mis en avant les risques juridiques encourus par le conseil général et plus particulièrement sur le fait que le taux le plus élevé de modulation négative pourrait être regardé par le juge administratif comme excessif et constitutif d'une tutelle à l'égard des communes concernées par la modulation maximale. La délibération du 11 octobre 2005 prévoyant l'application de ce dispositif de modulation à compter de l'exercice 2006, il conviendra d'examiner cette question lorsque les décisions d'attribution des subventions d'investissement interviendront.
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