TRAFIC DE STUPÉFIANTS SUR INTERNET
M. le président. La
parole est à M. Guy Teissier, pour exposer sa question, n° 76, relative au
trafic de stupéfiants sur Internet.
M. Guy Teissier.
Monsieur le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat, ma question, adressée à
M. le ministre de l'intérieur, porte sur un sujet particulièrement grave et
préoccupant.
L'usage illicite et
le trafic de champignons de la classe des psychodysleptiques hallucinogènes sont
sévèrement réprimés par le code pénal et par celui de la santé publique. Un
arrêté ministériel du 22 février 1990 précise que ces produits font partie
des substances classées comme stupéfiants.
Malgré l'existence de cette
législation, on note, depuis quelques années, une commercialisation accrue de ce
type de produits par le biais notamment d'Internet, à l'initiative d'entreprises
implantées à l'étranger, plus précisément aux Pays-Bas. De fait, nous assistons
à un développement du trafic plus ou moins structuré sur notre territoire
national de ces produits dont la consommation régulière ou ponctuelle peut
entraîner des comportements dangereux, voire mortels.
Ainsi, très récemment, dans ma
circonscription, un jeune homme de dix-sept ans a trouvé la mort en sautant du
dix-septième étage de l'immeuble où il habitait après avoir mangé un champignon
hallucinogène qu'une tierce personne lui avait donné après l'avoir commandé par
Internet et se l'être fait livrer par la poste.
La facilité d'accès à Internet,
notamment par les adolescents, doublée de l'effet mode, peut nous laisser
imaginer l'ampleur du phénomène auprès d'une population qui ne mesure pas
toujours les risques encourus par la consommation de ces stupéfiants, dans sa
recherche de sensations fortes, voire d'une quête de l'affirmation du moi.
J'aimerais donc que le Gouvernement précise les réflexions en ce domaine.
Je souhaiterais également connaître
la position du ministre de l'intérieur quant à l'idée de qualifier pénalement en
circonstances aggravantes l'achat, la détention, l'usage et le trafic de
produits stupéfiants achetés par le biais d'Internet.
M. le
président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat à la réforme de
l'Etat.
M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. Je
dois d'abord excuser le ministre de l'intérieur, NicolasSarkozy, qui ne pouvait
pas être présent parmi nous ce matin.
Vous avez soulevé, monsieur le
député, une question très grave et très difficile, celle du trafic de
stupéfiants sur Internet, et vous avez fait référence à un accident tragique
auquel nul ne peut rester insensible.
Le classement des produits
stupéfiants applicable en France découle de normes internationales établies par
les conventions de 1961, 1971 et 1988, ratifiées par notre pays. Seules les
substances de quelques champignons hallucinogènes ont été classées comme
stupéfiants par les conventions internationales citées. Toutefois, les Etats
peuvent adopter des mesures de contrôle plus strictes et plus sévères que celles
prévues dans le cadre de ces conventions internationales.
Tel est le cas de la France qui,
par le décret du 22 février 1990, modifié à plusieurs reprises, en
application de l'article L. 5132-1 du code de la santé publique, a fixé la
liste des produits stupéfiants, au nombre desquels figurent tous les champignons
hallucinogènes. D'une façon générale, les nouvelles drogues, notamment les
produits de synthèse, particulièrement redoutables, détectées en fonction des
saisies réalisées ou des alertes sanitaires, et dont le classement international
requiert d'assez longs délais, sont classées le plus rapidement possible par le
ministère de la santé.
Dès lors
qu'un produit est classé comme stupéfiant - c'est le cas de tous les champignons
hallucinogènes - son usage ainsi que tous les actes se rapportant à la
fabrication, l'importation, l'exportation, l'offre, la cession ou l'acquisition
de ce produit sont également prohibés. Cette interdiction englobe, bien entendu,
la vente de ces produits sur Internet. Le réseau n'étant juridiquement qu'un
moyen de commettre une infraction réprimée par notre législation, son
utilisation ne change rien à la qualification pénale. Nous disposons ainsi des
moyens légaux permettant de poursuivre ce type de délit, et il n'apparaît pas
opportun au ministère de l'intérieur de créer une circonstance aggravante en
raison du seul moyen de communication employé.
Cependant, conscient de
l'accroissement de la commercialisation par ce réseau à laquelle vous avez
justement fait référence, le ministère de l'intérieur a décidé de mettre
l'accent sur l'amélioration de la répression des infractions commises par le
biais d'Internet.
Il a été créé
au sein de la direction centrale de la politique judiciaire un office central de
lutte contre la criminalité liée aux technologies de l'information et de la
communication, disposant de fonctionnaires spécialement formés - c'est une
conditon cruciale - aux investigations sur Internet afin de lutter contre
ce type de trafic. Dans le même temps, il convient bien évidemment de s'attacher
à résoudre la difficulté générale à laquelle se heurte la lutte contre la
cybercriminalité : l'impossibilité de poursuivre les faits lorsque le serveur
est situé à l'étranger. La réponse, pour être efficace, ne peut être
qu'internationale, vous le savez mieux que personne. C'est la raison pour
laquelle le développement d'intrumements juridiques permettant de combler ce
vide et de mieux lutter contre la cybercriminalité sur le plan international a
été reconnu parmi les priorités d'action de l'ensemble du Gouvernement. Car
c'est seulement en agissant dans un cadre international que nous parviendrons à
endiguer ce fléau qui, hélas ! se propage dans l'ensemble des
démocraties.