DEBAT :
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POLITIQUE SOCIALE
M. le président. La
parole est à M. Jean-Marc Ayrault, pour le groupe socialiste.
M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur le Premier ministre, le chômage poursuit sa progression inexorable. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. Pierre
Lellouche. Depuis Jospin !
M. Jean-Marc Ayrault. A plusieurs reprises, et à l'instant encore, vous avez dit vouloir réhabiliter la valeur travail. (« Oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Mais, mes chers collègues, qu'est-ce que la valeur travail quand, à la fin de l'année, 10 % de la population active sera sans emploi ? Qu'est-ce que la valeur travail pour les salariés d'Alstom, de Comilog, de Levi's, de GIAT, de Pechiney, de Metaleurop, ou pour leurs collègues des petites, moyennes ou grandes entreprises, victimes de plans de licenciements en cascade ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - « C'est la faute aux 35 heures ! » sur plusieurs bancs de ce groupe.)
Qu'est-ce que la valeur travail pour votre gouvernement qui, après avoir supprimé tous les dispositifs de soutien public à l'emploi (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), a réalisé le plus grand plan social de soutien à l'emploi des jeunes avec la suppression des emplois-jeunes, diminué les crédits du ministère de l'emploi et ne trouve rien de mieux à faire que d'annoncer la déréglementation du code du travail ?
M. Michel Delebarre. Eh oui !
M. Jean-Marc Ayrault. A vous suivre, monsieur le Premier ministre, les salariés n'auraient comme choix que la précarité ou le chômage. La seule initiative prise en faveur de l'emploi depuis dix-huit mois - elle vient d'être évoquée par M. Barrot et vous-même - a émané des partenaires sociaux, avec l'accord, que je salue ainsi que les membres de mon groupe, qui institue le droit individuel à la formation.
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Grâce au Gouvernement !
M. Jean-Marc Ayrault. Votre initiative à vous, c'est tout simplement d'attendre la reprise venant des Etats-Unis.
Que valent vos promesses d'une loi sur le reclassement des licenciés alors que vous avez remis en cause le dispositif similaire de la loi de modernisation sociale ?
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. C'est faux !
M. Jean-Marc Ayrault. De quel poids est votre compassion à l'égard de ceux que vous appelez les blessés de la vie quand vous diminuez les allocations chômage, quand vous supprimez le dernier filet de sécurité pour les chômeurs en fin de droits, l'allocation spécifique de solidarité (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains) et que vous les condamnez au RMI, que vous appelez, pour la bonne cause, le RMA ? Ce sont 800 000 personnes qui sont ainsi marginalisées dans notre pays. Cela, c'est inacceptable ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Vous dites, monsieur le Premier ministre, vouloir favoriser les revenus du travail plutôt que ceux de l'assistance. Mais où est le travail ? Croyez-vous vraiment que les chômeurs de longue durée le sont par choix, qu'ils sont contents d'être assistés, qu'ils préfèrent toucher les 406,80 euros par mois de l'ASS plutôt qu'un salaire ?
Monsieur le Premier ministre, ma question est simple, et grave : annulez votre décision inique de suppression de l'ASS et, surtout, mettez-vous enfin au travail pour mettre en oeuvre la vraie politique de l'emploi que les Français attendent. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Vives exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. S'il vous plaît, mesdames, messieurs les députés ! J'aimerais que nos débats débutent dans le calme. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je ne veux pas parler des chômeurs comme d'une statistique.
M. Claude Bartolone. Il ne s'agit pas de statistiques mais de votre bilan !
M. le Premier ministre. Je sais qu'aujourd'hui un grand nombre de Françaises et de Français sont victimes d'une situation économique difficile.
Mme Chantal Robin-Rodrigo. De plus en plus !
M. le Premier ministre. Je comprends, monsieur le président Ayrault, que vous vous exonériez de toute responsabilité et je ne chercherai pas à faire le procès du passé. Mais sachez que, dans mon emploi du temps, tous les jours, il faut que je m'occupe de France Télécom, d'Alstom et d'un certain nombre de grands groupes qui ont été extraordinairement fragilisés par les politiques du passé. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
Notre logique est simple : je souhaite que nous puissions, comme en Allemagne, parler ensemble de ces questions de manière raisonnable.
Mme Martine David. Commencez par être raisonnable vous-même !
M. le Premier ministre. Je suis très ouvert à un débat sur l'emploi entre la majorité et l'opposition, parce qu'il s'agit là d'un sujet qui touche toutes les Françaises et tous les Français. Je n'ai aucun esprit partisan. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Je crois simplement que c'est en libérant les charges qui pèsent sur le travail, comme en Allemagne et en Angleterre, que l'on crée du travail et qu'on lutte contre le chômage. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
M. Henri Emmanuelli. Démagogie !
M. Jacques Floch. C'est du pipeau !
M. le Premier ministre. C'est pour favoriser l'emploi que nous avons cherché à alléger les charges qui pèsent sur le travail dans les entreprises, de plus de 3 milliards d'euros depuis seize mois. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
Mme Martine David. On voit les résultats !
M. le Premier ministre. Vous oubliez que 1,5 million d'emplois ont été créés ces derniers mois, dans l'industrie notamment. Il y a certes des destructions, mais il ne faut pas oublier tous ceux qui, par la qualité de leur travail, le courage de leurs décisions, créent aujourd'hui des emplois. Nous avons besoin de leur énergie et de leur talent.
M. Henri Emmanuelli. Augmentez leurs salaires, alors !
M. le Premier ministre. Ce n'est pas en les assommant ou en les critiquant que l'on pourra les mobiliser. Or toutes les forces vives de ce pays doivent être mobilisées pour créer du travail et de l'emploi.
Enfin, je voudrais vous dire, monsieur le président Ayrault, que je suis comme vous très ouvert au dialogue social.
M. Henri Emmanuelli. La question porte sur l'ASS !
M. le Premier ministre. Comme vous, je crois que l'on peut, par le dialogue social, trouver des solutions pour essayer de dégager, entreprise par entreprise, des forces d'avenir capables de développer l'économie.
Mme Martine David. Baratin !
M. le Premier ministre. Mais notre démarche est à l'opposé de la démarche autoritaire qui a été adoptée pour les 35 heures (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française), cette démarche autoritaire, sans discussion, sans dialogue social, qui, hier, a fragilisé notre industrie et aujourd'hui nous coûte en emplois. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
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