FICHE QUESTION
12ème législature
Question N° : 775  de  M.   Reymann Marc ( Union pour un Mouvement Populaire - Bas-Rhin ) QOSD
Ministère interrogé :  budget
Ministère attributaire :  budget
Question publiée au JO le :  25/05/2004  page :  3736
Réponse publiée au JO le :  26/05/2004  page :  4001
Rubrique :  commerce extérieur
Tête d'analyse :  exportations
Analyse :  frais de courtage. contrôle fiscal
Texte de la QUESTION : M. Marc Reymann attire l'attention de M. le secrétaire d'Etat au budget et à la réforme budgétaire sur la doctrine administrative n° 4C6424 du 30 octobre 1997 qui édicte les conditions dans lesquelles le service des impôts opère un contrôle a posteriori sur la déductibilité des commissions, courtages, honoraires et autres rémunérations versées à des intermédiaires pour la signature de marchés à l'exportation. En règle générale, les opérations d'intermédiation rémunérées par des commissions revêtent le caractère de prestations de services immatérielles. L'identité des bénéficiaires et les montants des versements ont souvent un caractère confidentiel. En pratique, les versements des commissions interviennent en amont de la conclusion des marchés, avant que tout bénéfice puisse être ressenti dans les comptes de l'entreprise française versante. Souvent, le résultat aléatoire des opérations reflète mal la réalité de la prestation qui a été effectivement rendue et rétribuée. Tous ces éléments concourent à compliquer considérablement les conditions de déductibilité des commissions à l'exportation posées par l'administration, à savoir la justification du versement des sommes, la réalité de la prestation et l'adéquation de la somme au service rendu. Le service et la jurisprudence donnent des « pistes » qui, rassemblées, peuvent constituer un faisceau d'indices permettant à l'entreprise d'établir ces éléments. Or, en vertu de son pouvoir de contrôle a posteriori, l'administration refuse la déduction des commissions à l'exportation de plus en plus souvent et redresse à la hausse les résultats de l'entreprise versante. Arrivé au stade contentieux, le juge de l'impôt fait preuve de pragmatisme et accepte avec plus de souplesse les éléments de preuve qui peuvent être avancés. Mais la longueur, le coût et l'incertitude d'un procès se révèlent néfastes pour l'entreprise et la défavorisent notamment vis-à-vis des concurrentes étrangères. Aujourd'hui, dans la perspective d'un contrôle fiscal futur, aucun élément du droit positif ne permet à l'entreprise de se constituer un dossier qui établira avec certitude et de manière exhaustive que la charge ainsi engagée est fiscalement justifiée. Par conséquent, il souhaiterait savoir s'il entend donner des instructions à l'administration fiscale pour mettre fin à cette situation d'insécurité juridique qui a transformé de simples éléments d'appréciation en une condition de déductibilité non prévue par le législateur, et connaître quels éléments objectifs et exhaustifs peuvent être pris en compte par le service pour : apprécier l'adéquation entre le service rendu et le montant versé ; appprécier l'existence d'une contrepartie au service rendu (types de documents ou autres éléments) en l'absence (totale ou temporaire) d'accroissement du chiffre d'affaires de la partie versante ; et notamment lorsque le versement intervient dans la phase de négociation du contrat et apprécier l'existence d'une contrepartie au service rendu en présence d'une prestation immatérielle rendue par l'intermédiaire.
Texte de la REPONSE :

RÉGIME FISCAL DES SOMMES VERSÉES AUX INTERMÉDIAIRES DES MARCHÉS À L'EXPORTATION

M. le président. La parole est à M. Marc Reymann, pour exposer sa question, n° 775, relative au régime fiscal des sommes versées aux intermédiaires des marchés à l'exportation.
M. Marc Reymann. Monsieur le président, j'appelle l'attention de M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire sur la doctrine administrative n° 4C6424 du 30 octobre 1997 qui édicte les conditions dans lesquelles le service des impôts opère un contrôle a posteriori sur la déductibilité des commissions, courtages, honoraires et autres rémunérations versées à des intermédiaires pour la signature de marchés à l'exportation.
En règle générale, les opérations d'intermédiation rémunérées par des commissions revêtent le caractère de prestations de services immatérielles. L'identité des bénéficiaires et les montants des versements ont souvent un caractère confidentiel. En pratique, les versements des commissions interviennent en amont de la conclusion des marchés, avant que tout bénéfice ne puisse être ressenti dans les comptes de l'entreprise française versante. Souvent, le résultat aléatoire des opérations reflète mal la réalité de la prestation qui a été effectivement rendue et rétribuée.
Tous ces éléments concourent à compliquer considérablement les conditions de déductibilité des commissions à l'exportation posées par l'administration, à savoir la justification du versement des sommes, la réalité de la prestation et l'adéquation de la somme au service rendu.
Le service et la jurisprudence proposent des pistes qui, rassemblées, peuvent constituer un faisceau d'indices permettant à l'entreprise d'établir ces éléments. Or, en vertu de son pouvoir de contrôle a posteriori, l'administration refuse de plus en plus souvent la déduction des commissions à l'exportation et redresse à la hausse les résultats de l'entreprise versante. Arrivé au stade contentieux, le juge de l'impôt fait preuve de pragmatisme et accepte avec plus de souplesse les éléments de preuve susceptibles d'être avancés. Mais la longueur, le coût et l'incertitude d'un procès se révèlent néfastes pour l'entreprise et la défavorisent vis-à-vis des concurrentes étrangères.
Aujourd'hui, dans la perspective d'un futur contrôle fiscal, aucun élément du droit positif ne permet à l'entreprise de se constituer un dossier établissant, avec certitude et de manière exhaustive, que la charge ainsi engagée est fiscalement justifiée.
Je souhaiterais donc savoir si M. le secrétaire d'État au budget entend donner des instructions à l'administration fiscale pour mettre fin à cette situation d'insécurité juridique.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation.
M. Christian Jacob, ministre délégué aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. Monsieur le député, je voudrais tout d'abord vous présenter les excuses de mon collègue Dominique Bussereau, retenu à Matignon.
Vous soulevez une question bien délicate, celle des conditions de la déduction fiscale des commissions versées par les entreprises françaises à des intermédiaires pour la signature de marchés à l'exportation. Le secrétaire d'Etat au budget me charge de vous transmettre les éléments de réponse suivants.
Sont ici en cause des objectifs qui peuvent s'avérer contradictoires et créer des situations d'insécurité juridique : d'une part, l'intérêt de nos entreprises, notamment en matière d'emploi, à maintenir et à gagner des parts de marchés à l'exportation ; d'autre part, le nécessaire respect des règles fiscales. Il s'agit donc d'un problème complexe que je ne pourrais épuiser ici.
En premier lieu, conformément aux engagements pris par la France dans le cadre de l'OCDE pour lutter contre la corruption, les entreprises ne peuvent pas déduire de leurs résultats imposables les sommes versées ou avantages octroyés directement ou indirectement à un agent public en vue d'obtenir ou de conserver un marché.
En second lieu, s'agissant des commissions payées ou dues à des personnes physiques ou morales domiciliées ou établies dans un pays dans lequel elles bénéficient d'un régime fiscal privilégié, ainsi que des versements effectués sur un compte tenu par un organisme financier établi dans ces mêmes pays, les dépenses ne sont déductibles que si l'entreprise apporte la preuve qu'elles correspondent à des opérations réelles et ne présentent pas un caractère anormal ou exagéré.
Ce régime fiscal obéit à la nécessité de lutter contre la corruption et le transfert de fonds à l'étranger. En revanche, lorsqu'elles ne relèvent pas de ces deux catégories, les commissions versées par les entreprises françaises à des tiers en vue de l'obtention de marchés à l'exportation sont déductibles du résultat imposable dans les mêmes conditions que les autres charges exposées par ces entreprises.
Je rappelle brièvement ces conditions : les charges doivent être engagées dans l'intérêt de l'entreprise, correspondre à un service effectivement rendu et normalement rémunéré et être appuyées de pièces justificatives ou d'écritures comptables.
Par ailleurs, les nom, prénom, emploi et adresse des bénéficiaires réels des versements ainsi que le montant de ceux-ci doivent être déclarés à l'administration.
En ce qui concerne les commissions à l'exportation, le Conseil d'État, dans l'arrêt Scadi du 19 février 2003, est venu en préciser les conditions de déduction. Ainsi, l'entreprise doit apporter la preuve de la réalité du versement et justifier d'un accroissement de son chiffre d'affaires ou de ses marges, et aussi établir que les commissions versées conditionnent la signature des commandes étrangères et sont calculées en pourcentage des affaires traitées. Aucune confusion d'intérêts entre la société exportatrice, ou ses dirigeants, et le bénéficiaire des versements ne doit être en outre observée. Dans l'affaire déjà citée, le Conseil d'État a admis la déduction d'une commission qui n'excédait pas 10 % du chiffre d'affaires procuré par le contrat.
Plus généralement, le montant d'une commission ne peut être considéré comme normal ou non exagéré que s'il est conforme aux pratiques habituelles constatées pour des marchés similaires et s'il laisse une marge bénéficiaire suffisante à l'entreprise versante.
Comme vous le voyez, monsieur le député, le rejet des commissions à l'exportation par l'administration fiscale n'est pas inéluctable.
Cela étant, je reconnais avec vous que la difficulté pour les entreprises consiste à apporter des preuves dans un contexte opaque qu'elles ne maîtrisent pas : comme vous le soulignez, en effet, l'identité des bénéficiaires et les montants des versements ont souvent un caractère confidentiel et, en pratique, les versements des commissions interviennent en amont de la conclusion des marchés.
Dans de telles situations, je ne peux qu'inviter les entreprises à essayer d'associer leurs partenaires commerciaux à la résolution des contraintes qui pèsent sur elles et, en tout état de cause, à réunir l'ensemble des éléments permettant, d'une part, de justifier les commissions versées et, d'autre part, d'identifier les bénéficiaires.
Il n'existe pas, sur ce sujet, de solution miracle, mais je souhaite vous avoir persuadé que la volonté des pouvoirs publics est de ne pas pénaliser les exportateurs français par rapport à leurs concurrents étrangers. Il en va de la croissance et donc de l'emploi. Mais il faut aussi veiller au respect des règles applicables à toutes les entreprises.
Je voudrais également vous rappeler que l'administration fiscale est au service du public et se tient à la disposition des entreprises pour leur fournir, en amont, toute information utile.
Je souhaite, monsieur le député, que ces précisions soient de nature à orienter raisonnablement les entreprises et l'administration dans leur approche de ce sujet, de sorte à concilier intérêt général et respect des règles fiscales.
M. Marc Reymann. Je vous remercie, monsieur le ministre.

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