FICHE QUESTION
12ème législature
Question N° : 777  de  M.   Tian Dominique ( Union pour un Mouvement Populaire - Bouches-du-Rhône ) QOSD
Ministère interrogé :  affaires étrangères
Ministère attributaire :  affaires étrangères
Question publiée au JO le :  25/05/2004  page :  3737
Réponse publiée au JO le :  26/05/2004  page :  4021
Rubrique :  corps diplomatique et consulaire
Tête d'analyse :  réglementation
Analyse :  régime d'immunité diplomatique
Texte de la QUESTION : M. Dominique Tian appelle l'attention de M. le ministre des affaires étrangères sur les infractions commises par certaines personnes jouissant de l'immunité diplomatique. L'immunité diplomatique ne couvre, en principe, que les délits ou les erreurs commises par un diplomate dans l'exercice de ses fonctions. On peut cependant noter que certaines personnes qui ont des comportements répréhensibles bénéficient de cette immunité pour échapper à toute sanction. A titre d'exemple, on peut citer le délit de grande vitesse commis, le 16 avril dernier, par un secrétaire d'ambassade du Qatar dans le tunnel du Mont Blanc et dont la voiture a été contrôlée à 214 km/h alors que la vitesse maximale autorisée est de 70 km/h. Beaucoup plus grave, il y a quelques années deux jeunes enfants ont été renversés à Nice sur un passage pour piétons et sont décédés parce qu'une fois de plus un diplomate roulait à une vitesse excessive. Ces faits divers ont suscité une certaine émotion et incompréhension au sein de la population française qui a du mal à comprendre que des comportements aussi dangereux pour autrui ne puissent être sanctionnés. Il lui est donc demandé quels sont les moyens juridiques mis à la disposition de l'État français lui permettant l'application de la réglementation internationale lorsque des fonctionnaires relevant de l'immunité diplomatique commettent des infractions.
Texte de la REPONSE :

CHAMP D'APPLICATION DE L'IMMUNITÉ
DIPLOMATIQUE

M. le président. La parole est à M. Dominique Tian, pour exposer sa question, n° 777, relative au champ d'application de l'immunité diplomatique.
M. Dominique Tian. L'immunité diplomatique ne couvre, en principe, que les délits ou les erreurs commises par un diplomate dans l'exercice de ses fonctions. On peut cependant noter que certaines personnes qui adoptent des comportements répréhensibles profitent de cette immunité pour échapper à toute sanction. À titre d'exemple, on peut citer le délit de grande vitesse commis le 16 avril dernier par un secrétaire d'ambassade du Qatar dans le tunnel du Mont-Blanc, dont la voiture a été contrôlée à 214 km/h alors que la vitesse maximale autorisée est de 70 km/h. Beaucoup plus grave, il y a quelques années, deux jeunes enfants ont été renversés à Nice sur un passage pour piétons et sont décédés, parce qu'une fois de plus un diplomate roulait à grande vitesse en plein centre ville. Ces faits divers ont suscité une grande émotion au sein de la population française, qui a du mal à comprendre que des comportements aussi dangereux pour autrui ne puissent être sanctionnés. Il est donc demandé à M. le ministre des affaires étrangères quels sont les moyens juridiques mis à la disposition de l'État français lui permettant l'application de la réglementation internationale lorsque des fonctionnaires relevant de l'immunité diplomatique commettent des infractions graves.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État aux affaires étrangères.
M. Renaud Muselier, secrétaire d'État aux affaires étrangères. Monsieur le député, la Convention de Vienne du 18 avril 1961 sur les relations diplomatiques prévoit des immunités de juridiction et d'exécution pour le diplomate dans le pays où il est dûment accrédité. Ces immunités sont absolues, même pour les actes accomplis en dehors de l'exercice des fonctions, en vertu des articles 29 à 36.
La Convention indique également qu'un diplomate ne doit pas contrevenir aux lois et règlements de l'État où il est accrédité, en vertu de l'article 41.1.
En cas d'infraction, deux procédures sont prévues. L'État d'origine du diplomate, qui seul en a le pouvoir, peut décider de lever son immunité en vertu de l'article 32. D'autre part, l'État où le diplomate est accrédité peut le déclarer persona non grata, en vertu de l'article 9. Le contrevenant doit alors quitter le pays d'accréditation. Une telle procédure est naturellement une décision grave. Elle peut avoir pour conséquence une mesure équivalente, au titre de la réciprocité, à l'égard de diplomates français en poste dans l'État concerné.
L'opinion admet de moins en moins, et on peut le comprendre, l'impunité résultant de la Convention de Vienne, notamment en matière d'accidents de la circulation ou de droit du travail. C'est pourquoi, dans les affaires graves, comme celle de ce diplomate qatarien, des solutions évitant une telle impunité doivent être recherchées, sans remettre en cause la Convention de Vienne.
Chaque fois que nécessaire, le ministère des affaires étrangères rappelle la règle selon laquelle tout diplomate doit respecter les lois du pays où il réside, qu'il s'agisse du code de la route ou d'autres domaines comme les conditions d'emploi des personnels de maison.
Ayons toutefois à l'esprit que les immunités, totales ou partielles, prévues par les conventions sont motivées avant tout par le souci de protéger les agents diplomatiques ou consulaires contre toute pression ou abus de droit dans le pays où ils exercent leurs fonctions. C'est une garantie importante pour que nos représentants à l'étranger puissent accomplir leur tâche sereinement, notamment lorsqu'ils agissent au bénéfice de nos compatriotes dans le cadre des fonctions consulaires.
Dans le cas du diplomate qatarien interpellé à une vitesse très élevée dans le tunnel du Mont-Blanc, le 16 avril dernier, l'ambassadeur du Qatar, dès qu'il a eu connaissance des faits, a de lui-même informé le ministère des affaires étrangères que les autorités de son pays avaient pris la décision de rappeler l'intéressé, qui a effectivement quitté la France peu après.
Les autorités qatariennes ont par la suite indiqué à notre ambassade à Doha qu'à la suite d'une décision de justice, des sanctions avaient été prises à l'encontre de cette personne, aboutissant en particulier à un retrait temporaire du permis de conduire et à une forte amende.
Nous avons vivement apprécié la réaction très responsable et coopérative de l'ambassade et des autorités du Qatar, qui ont ainsi manifesté leur compréhension à l'égard de l'émotion soulevée dans l'opinion française par cette affaire.
Je sais, monsieur le député, à quel point vous êtes sensible à cette démarche s'inscrivant dans le respect des règles et des lois en vigueur dans notre pays, mais aussi aux exigences de la diplomatie internationale.
M. Dominique Tian. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'Etat.

UMP 12 REP_PUB Provence-Alpes-Côte-d'Azur O