FICHE QUESTION
12ème législature
Question N° : 787  de  M.   Asensi François ( Député-e-s Communistes et Républicains - Seine-Saint-Denis ) QOSD
Ministère interrogé :  logement
Ministère attributaire :  logement
Question publiée au JO le :  01/06/2004  page :  3878
Réponse publiée au JO le :  02/06/2004  page :  4261
Rubrique :  logement
Tête d'analyse :  politique du logement
Analyse :  perspectives
Texte de la QUESTION : M. François Asensi interroge M. le secrétaire d'État au logement sur la ségrégation spatiale dans notre paysage urbain, qui est une réalité. Il est plus facile de démolir que de construire. C'est ainsi que, pour chasser les populations en difficulté ou jugées indésirables, de nombreux quartiers, sous couvert de renouvellement urbain, deviennent la cible des promesses de destruction. Un exemple concrets lui permet ici d'illustrer ses propos : dans le quartier de la Fontaine-Mallet, à Villepinte, Mme le maire a annoncé la destruction de certaines des tours sans aucune concertation préalable avec les habitants. Il lui demande quelles mesures il envisage de prendre pour que la finalité sociale des nouveaux logements construits soit bien assurée et pour lutter efficacement contre le refus de mixité sociale de certaines municipalités et la ségrégation spatiale.
Texte de la REPONSE :

DESTRUCTION DE TOURS À VILLEPINTE

M. le président. La parole est à M. François Asensi, pour exposer sa question, n° 787, relative à la destruction de tours à Villepinte.
M. François Asensi. Madame la secrétaire d'Etat à l'intégration et à l'égalité des chances, la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948 stipule, dans son article 25-1, que " toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille " et précise " notamment pour l'alimentaire, le logement, les soins médicaux ".
Pourtant ce droit est aujourd'hui régulièrement bafoué. Le septième rapport de la fondation Abbé Pierre, publié en mars 2002, recense ainsi trois millions de personnes mal logées en France. En Ile-de-France, les besoins en logements sociaux sont immenses et rien que dans mon département, en Seine-Saint-Denis, plus de 50 000 demandes sont en attente.
Alors que le chômage et le travail précaire ne cessent de progresser en France, une profonde ségrégation spatiale s'installe peu à peu dans notre paysage urbain. Dans les quartiers à forte implantation d'HLM, pour les ménages en difficulté ou à faibles ressources, la part du budget consacrée à un loyer, même modeste, devient insupportable. Ces difficultés se traduisent par une augmentation des expulsions.
En Seine-Saint-Denis, nous avons ainsi enregistré une explosion des recours à la force publique : 2 259 en 2003, contre 1 397 l'année précédente.
La décision prise par M. le ministre Borloo d'instituer un moratoire sur les expulsions de logements HLM, comme l'avaient demandé des maires communistes de Seine-Saint-Denis, et notamment MM. Birsinger et Braouezec, va dans le bon sens. Mais elle est nécessairement transitoire car elle s'attaque aux conséquences et non aux causes.
Souvent, en plus, les résidences sont mal entretenues, ces quartiers sont désertés par les services publics, en voie de privatisation, et montrés du doigt par les médias, voire par certains élus. Cela est vécu par les habitants, stigmatisés dans leur ensemble, comme un véritable préalable à la démolition de leur habitat.
Le plan mis en place par le Gouvernement prévoit la démolition de 200 000 logements sociaux vétustes en cinq ans et la construction de 200 000 logements neufs.
Nous ne pouvons que souscrire à ce programme immobilier qui, cependant, n'est pas sans poser de nombreuses questions tant les financements sont notoirement insuffisants. A cet égard, les arbitrages opérés à Bercy ne vous donneront pas, et vous le savez, les moyens de vos ambitions. En outre, ce plan, avec ces 200 000 logements, est loin de régler le problème des 3 millions de mal-logés.
Aujourd'hui, sous couvert de renouvellement urbain, voire de mixité sociale, de nombreux quartiers deviennent la cible de promesses de destruction, et ce aux seuls fins de chasser les populations en difficulté ou jugées indésirables.
Dans de tels cas, la notion de mixité sociale est fortement pervertie et véhicule des relents réactionnaires. La mixité sociale, c'est non pas exclure les populations en difficulté, mais au contraire favoriser leur promotion économique, sociale et culturelle. Promotion à laquelle doivent être associées les classes moyennes qui croient aujourd'hui en la solidarité.
Un exemple concret me permet ici d'illustrer mes propos : dans ma circonscription, dans le quartier de la Fontaine-Mallet, à Villepinte, la municipalité et le bailleur ont annoncé la destruction de certaines tours sans aucune concertation préalable avec les habitants, qui l'ont appris par hasard.
Devant le mouvement d'inquiétude et d'indignation légitimes qui ont fait suite à ces déclarations, le bailleur a tenu à préciser que les destructions donneraient lieu - je reprends les termes employés -, " le cas échéant ", à un nombre équivalent de constructions.
C'est faire peu de cas de ces populations dites en difficulté, de leurs quartiers, de leurs lieux de vie, mais aussi de la démocratie locale. Est-il tolérable en effet que ces familles, particulièrement soumises à l'insécurité du marché de l'emploi, soient également confrontées à l'inconnu et à l'insécurité s'agissant de leur logement ?
M. le ministre Borloo a récemment signé une convention avec le président de la Caisse des dépôts pour un apport de 550 millions d'euros sur cinq ans. L'appui à la création d'entreprises dans les zones franches urbaines paraît y tenir une place importante.
L'accès à l'emploi est, il est vrai, un réel souci dans ces quartiers. Mais est-il utile de persévérer dans la stigmatisation, qu'une politique axée sur la seule exemption de charges pour les entreprises tend à renforcer ? Pour attirer les entreprises dans ces quartiers, ne faut-il pas d'abord y rétablir le lien social ? L'entreprise en est-elle le seul vecteur ? Ne faut-il pas aussi fortement promouvoir la reconquête de ces quartiers par les services publics, les transports et toutes ces infrastructures qui font le lien social ?
Madame la secrétaire d'Etat, dans le cadre du projet de rénovation urbaine de la Fontaine-Mallet, avez-vous pris des engagements fermes et précis pour que la finalité sociale des nouveaux logements construits soit préservée ? Bailleur et municipalité sont-ils soumis à des contraintes en la matière ?
Bref, va-t-on détruire ces tours sans concertation avec leurs habitants, souvent en grandes difficultés, ou va-t-on mettre en oeuvre un véritable plan de reconstruction urbaine associant ces habitants au devenir de leur vie personnelle ? J'aimerais connaître la position du Gouvernement en la matière.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'Etat à l'intégration et à l'égalité des chances.
Mme Catherine Vautrin, secrétaire d'Etat à l'intégration et à l'égalité des chances. Monsieur le député, plusieurs axes de la politique volontariste conduite par le Gouvernement, et plus particulièrement par Jean-Louis Borloo, ont pour objectif de lutter contre les phénomènes de ségrégation sociale et spatiale que vous venez d'évoquer.
Le programme de rénovation urbaine décidé par le Gouvernement à travers la loi de programmation pluriannuelle du 1er août 2003 a pour objectif d'agir de façon massive contre les phénomènes de ségrégation sociale et spatiale dont souffrent les quartiers d'habitat social. Les opérations de démolition de logements sociaux entreprises dans le cadre des projets de rénovation urbaine obéissent à un principe de reconstitution globale de l'offre démolie.
Cette reconstitution de l'offre en logements sociaux - selon le principe " un logement reconstruit pour un logement démoli " - doit par ailleurs être envisagée au niveau de la commune ou de l'agglomération dans l'optique d'une plus grande diversité tant dans sa composition sociale que dans sa répartition spatiale afin d'éviter de recréer des phénomènes de ségrégation.
Dans la reconstitution de l'offre en logements sociaux, l'utilisation du prêt locatif à usage social - PLUS - est en soi un gage de mixité sociale et d'accueil de ménages à revenus modestes puisqu'il impose qu'au moins 30 % des locataires aient des revenus inférieurs à 60 % des plafonds de ressources définis pour l'accès au logement social.
Par ailleurs, la poursuite de la mise en oeuvre de l'article 55 de la loi SRU oeuvre également à la cohésion sociale et spatiale. Comme vous le savez, les dispositions de cet article obligent les communes de plus de 3 500 habitants situées dans une agglomération de plus de 50 000 habitants, ou celles de plus de 1 500 habitants en Ile-de-France, à réaliser des logements sociaux si ceux-ci représentent moins de 20 % de leur parc de résidences principales.
M. le président. La parole est à M. François Asensi.
M. François Asensi. Madame la secrétaire d'Etat, n'ayant pas obtenu de réponse précise sur le cas précis de la cité Fontaine-Mallet à Villepinte, ce que je regrette, je me bornerai à faire un commentaire.
La Seine-Saint-Denis compte 50 000 demandeurs de logements et de nombreux quartiers en grande difficulté sociale. Le problème de l'avenir du logement social ne peut donc se résoudre dans le seul périmètre de ce département. La solidarité de l'Ile-de-France, la solidarité nationale doivent jouer : nous en avons besoin. Alors qu'on invite les maires, dont je suis, à pratiquer la mixité sociale, on ne peut aujourd'hui leur demander d'exclure les familles en difficulté de Seine-Saint-Denis. Par solidarité et par justice sociale, nous devons au contraire faire en sorte que ces habitants puissent vivre dans des logements décents. Pour ma part, en tout cas, je me refuse, en tant que maire, à demander à des familles, sous prétexte de mixité sociale, de quitter ma ville et - passez-moi l'expression - d'aller se faire voir ailleurs. Cette question fondamentale implique une politique du logement bien plus audacieuse que celle actuellement menée par le Gouvernement.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.
Mme la secrétaire d'Etat à l'intégration et à l'égalité des chances. Monsieur Asensi, le Gouvernement mesure toutes ces difficultés. C'est d'ailleurs ce qui a prévalu dans le contexte d'août 2003 puisque l'ANRU est un outil puissant, en termes tant méthodologiques que financiers, qui permet de réaliser des opérations d'une ampleur certaine avec pour objectif de travailler pour les communes confrontées à de grandes difficultés. Soyez-en assuré, la mixité sociale est vraiment une des priorités du Gouvernement.
M. le président. En attendant l'arrivée de M. d'Aubert, actuellement au Sénat, je suspends la séance quelques minutes.

CR 12 REP_PUB Ile-de-France O