Texte de la QUESTION :
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L'éclatement du salariat dans de petites structures de services favorise l'émergence d'arrangements extrêmement divers sur les horaires et les conditions de travail entre employeurs et salariés. Cette évolution rend très difficiles l'identification de problèmes communs entre salariés d'entreprises différentes et l'émergence d'identités collectives, et complique le travail de représentation des syndicats, lesquels sont très peu implantés dans les nouveaux secteurs de services. Pour les salariés, la multiplicité et l'hétérogénéité des arrangements locaux sont la source d'un sentiment diffus d'injustice, d'arbitraire et d'illisibilité du monde du travail. La nouvelle entreprise capitaliste a peu à peu cessé d'être pourvoyeuse d'identité et de statut social. De ce point de vue, le fossé s'est creusé entre le salariat des grandes entreprises et celui des PME, le salariat du privé et le salariat du public. Le statut de la fonction publique apparaît de plus en plus comme un privilège aux yeux des salariés du privé, dont l'horizon d'emploi s'est rétréci et les conditions de travail durcies. Mais les salariés du public connaissent d'autres difficultés : durant ces années de chômage de masse, la fonction publique a été le refuge d'un nombre croissant de surdiplômés. Ces nouvelles générations de fonctionnaires ont le sentiment d'avoir déjà payé leur statut par une forme de déclassement. Elles ressentent donc comme d'autant plus injuste toute tentative de remise en question des termes du contrat qu'elles ont signé avec l'État. Le malentendu et les clivages entre public et privé sont de fait de plus en plus saillants. Tout ceci contribue largement au profond malaise qu'éprouve le monde du travail français dans toutes ses composantes en cette fin 2005, et n'augure rien de bon pour l'avenir si rien n'est fait de façon urgente en la matière. En conséquence, Mme Chantal Robin-Rodrigo demande à M. le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement de lui indiquer les mesures urgentes que le Gouvernement entend prendre afin de remédier à cette situation. - Question transmise à M. le ministre de la fonction publique.
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Texte de la REPONSE :
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La plus forte qualification des agents publics par rapport aux salariés du secteur privé s'explique par les spécificités des missions confiées à l'État et aux collectivités locales, ainsi que par le contexte économique dans lequel ils ont été recrutés au cours de la dernière décennie. En premier lieu, le phénomène de surqualification des agents de la fonction publique par rapport au secteur privé est lié à un effet de structure : compte tenu de ses missions, la fonction publique rassemble davantage de cadres et moins d'ouvriers que le secteur privé. On relève toutefois en tendance que la part des cadres a augmenté dans les mêmes proportions depuis vingt ans dans les secteurs public et privé, passant entre 1982 et 2002 de 8 à 13 % dans le secteur privé et de 10 à 12 % dans le secteur public. Le second facteur explicatif est la baisse importante de la proportion des personnes les moins diplômées (aucun diplôme ou titulaires d'un brevet des collèges) parmi les jeunes ouvriers et employés de la fonction publique. Leur part a été divisée par presque 2,5 en vingt ans, puisqu'elle est passée de 49 % à 21 %. Ce mouvement a été particulièrement accentué au cours des années 1990 : entre 1990 et 2002, la part des diplômés du supérieur parmi les jeunes salariés ouvriers ou employés de la fonction publique est ainsi passée de 1 à 5 %. Ainsi il est exact d'affirmer que les emplois les moins qualifiés de la fonction publique ont davantage été occupés par des personnes diplômées que par le passé sans qu'il soit pour autant justifié de parler en général de « surqualification » des agents publics. Cette hausse de la qualification des agents de la fonction publique résulte en partie du contexte économique dans lequel ils ont été embauchés, notamment au cours de la décennie passée. La récession du début des années 1990 a pu en effet conduire des personnes diplômées à se porter candidates à des emplois peu qualifiés de la fonction publique faute de débouchés dans le secteur concurrentiel. On observe toutefois dans le secteur privé une semblable augmentation de la qualification moyenne des employés et des ouvriers de trente-cinq ans. En vingt ans, la part des personnes titulaires d'un brevet ou d'aucun diplôme est ainsi passée de 51 % à 27 %, principalement au bénéfice des titulaires d'un diplôme de niveau bac + 2 ou de niveau baccalauréat. L'ensemble de ces données est retracé dans le rapport annuel de l'Observatoire de l'emploi public. Mais le constat d'une surqualification de certains agents par rapport aux postes qu'ils occupent doit tenir compte d'un certain nombre d'éléments qui viennent le tempérer sur la durée d'une carrière professionnelle. En premier lieu, le phénomène de surqualification des agents publics au moment de leur recrutement est une réalité atténuée par l'existence de multiples voies de promotion interne prévues par les statuts de la fonction publique. Ensuite, l'engagement des administrations en faveur d'une gestion des ressources humaines plus qualitative est un gage d'une meilleure adéquation des profils des agents aux postes qui leur sont offerts. Les administrations publiques de l'État, des collectivités territoriales et de la fonction publique hospitalière se sont ainsi lancées, depuis plusieurs années, dans une démarche de gestion prévisionnelle des effectifs, des emplois et des compétences (GPEEC) qui permet de mieux planifier dans le temps les procédures de recrutement et ainsi d'assurer une meilleure conformité des qualifications des agents aux emplois qui leur sont proposés. Enfin, le Gouvernement s'est engagé résolument, à la faveur de plusieurs mesures récentes ou en cours d'adoption, à faire de l'accès à la fonction publique un levier d'intégration et de promotion sociale : institué par l'ordonnance n° 2005-901 du 2 août 2005, le parcours d'accès aux carrières de la fonction publique territoriale, de la fonction publique hospitalière et de la fonction de l'État (PACTE) est une procédure de recrutement sans concours qui permet à des jeunes sans qualification professionnelle d'intégrer la fonction publique en bénéficiant d'une formation qualifiante. Les titulaires d'un PACTE intègrent la fonction publique en qualité de fonctionnaire à l'issue d'une vérification d'aptitude au terme d'un engagement de professionnalisation d'une durée de un à deux ans alternant formation et stage. Ce recrutement de droit public est ouvert pour des corps et cadres d'emplois de catégorie C. En application de l'accord signé le 25 janvier 2006 entre le Gouvernement et trois organisations représentatives (CFDT, UNSA, CFTC), le projet de loi de modernisation de la fonction publique, qui a été adopté en première lecture à l'Assemblée nationale le 28 juin dernier, permet une meilleure reconnaissance de l'expérience professionnelle, tant pour l'accès à la fonction publique que pour la promotion interne. Ainsi le projet de loi tire toutes les conséquences du dispositif de validation des acquis de l'expérience (VAE) déjà à l'oeuvre dans le secteur privé : 1° il assure une meilleure reconnaissance des qualifications acquises au cours de la vie professionnelle dans les promotions de grades ou de corps ; 2° il étend aux fonctionnaires le bénéfice du congé pour validation des acquis de l'expérience et du congé pour bilan professionnel qui a été instauré au profit des salariés du secteur privé par la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 de modernisation sociale ; 3° il permet une meilleure reconnaissance des acquis de l'expérience dans le cadre des procédures de sélection propres à la fonction publique, d'une part, en précisant que les acquis de l'expérience professionnelle peuvent faire partie des critères de sélection utilisés dans le cadre de concours, d'autre part, en intégrant la reconnaissance de ces acquis dans les modalités de changement de corps et de changement de grade par promotion interne. Cet ensemble de mesures permettra une meilleure prise en compte du projet professionnel des agents publics et de leurs aspirations à évoluer dans leurs emplois et à gravir la hiérarchie de leurs administrations, au-delà des garanties de carrière auxquelles leur formation initiale leur donne droit. Ces différents éléments apportent de sérieuses nuances au présupposé d'une « remise en question des termes du contrat que les nouvelles générations de fonctionnaires ont signé avec l'État ». Le droit de la fonction publique s'est adapté aux cours de ces dernières années aux évolutions de la société et a largement fait siennes les nouvelles composantes du droit du travail qui comportent des garanties supplémentaires pour les salariés. Le Gouvernement s'engage pour que les règles fondamentales qui régissent les relations entre l'État, les collectivités et organismes publics employeurs et les agents publics répondent à leurs demandes légitimes et qu'elles s'adaptent à l'environnement social et économique, tout en restant conformes aux grands principes qui protègent les fonctionnaires et leurs carrières.
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