FICHE QUESTION
12ème législature
Question N° : 80436  de  Mme   Robin-Rodrigo Chantal ( Socialiste - Hautes-Pyrénées ) QE
Ministère interrogé :  Premier ministre
Ministère attributaire :  cohésion sociale et parité
Question publiée au JO le :  13/12/2005  page :  11397
Réponse publiée au JO le :  15/05/2007  page :  4448
Date de changement d'attribution :  28/03/2006
Rubrique :  État
Tête d'analyse :  réforme
Analyse :  inégalités sociales. lutte et prévention
Texte de la QUESTION : La presse nationale a dernièrement dressé un bilan rétrospectif sans concession sur l'état de la France. Selon elle, et au premier regard, la société française reste la société de classes qu'elle était dans les années 1950, avec un haut et un bas bien identifiés, se reproduisant implacablement de génération en génération. Non seulement les classes populaires (ouvriers et employés) n'ont pas disparu, mais elles représentent toujours la majorité de la population active (environ 60 %). En apparence, leur situation salariale reste également très stable : un ouvrier (ou un employé) gagne 2,5 à 3 fois moins qu'un cadre, aujourd'hui comme il y a vingt ans. De même, le chômage touche toujours 3 ou 4 fois plus souvent les ouvriers ou les employés que les cadres. Enfin, la démocratisation de l'accès à l'enseignement secondaire n'a pas vraiment atténué les inégalités considérables de perspectives scolaires et sociales pour les enfants des différentes catégories. L'échec scolaire au primaire et au collège reste 4 à 5 fois plus fréquent chez les ouvriers que chez les cadres : une majorité des enfants de cadres finiront cadres et une toute petite minorité (moins de 10 %) finiront ouvriers ou employés. Inversement, une majorité des enfants d'ouvriers finiront ouvriers ou employés... Les inégalités de salaires sont restées très stables en France, mais les inégalités d'exposition à des conditions d'emploi fragiles ont augmenté considérablement. La proportion d'ouvriers sous contrats précaires est aujourd'hui 7 fois plus forte que celle des cadres, alors que ce rapport n'était que de 1 à 4 vingt ans plus tôt. Enfin, il est à noter que ces nouvelles formes d'inégalité sont aujourd'hui bien plus profondes que dans la plupart des autres pays occidentaux, et sont donc bien la preuve que la société française va mal en cette fin 2005. Compte tenu de ces constats, Mme Chantal Robin-Rodrigo demande désormais à M. le Premier ministre de lui indiquer les mesures urgentes et globales que le Gouvernement entend prendre afin de redresser cette situation qui demande une réaction politique forte suivis d'actes qui doivent l'être tout autant. - Question transmise à Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité.
Texte de la REPONSE : Notre société reste en effet marquée par de multiples inégalités selon la catégorie professionnelle, la situation sur le marché du travail, le niveau de formation, l'âge, le genre... Pour autant il serait erroné d'en conclure qu'aucun progrès n'a été observé au cours des dernières décennies. Ce sont ainsi les catégories sociales qui disposent des niveaux de qualification, de rémunération et de vie les plus élevés qui ont vu leur proportion s'accroître parmi les actifs occupés. Si le groupe des employés et des ouvriers reste majoritaire, la part des cadres et professions intermédiaires est passée de 30 % à près de 40 % entre 1990 et 2004. L'échelle des salaires nets individuels demeure de l'ordre de 1 à 3 entre ouvriers et cadres, mais le rapport n'est plus que de 1 à 2 en termes de revenu disponible par ménage, mesure plus pertinente du niveau de vie. À travers prélèvements et transferts sociaux, notre système de redistribution corrige substantiellement les inégalités de revenu primaire. Il parvient de même à contenir le taux de pauvreté : selon la norme européenne celui-ci était en 2003 de 12 % (personnes percevant un revenu inférieur à 60 % du revenu médian), soit près de deux points de moins qu'en 1990. Il est vrai qu'en dépit d'une très large démocratisation de l'enseignement secondaire et supérieur, la réussite scolaire et universitaire, et, en particulier, l'accès aux filières de formation les plus prestigieuses, demeurent marqués par d'importants écarts selon l'origine socioprofessionnelle. Or le diplôme et la qualification influent à leur tour très directement sur le risque de chômage et les chances d'accès à l'emploi durable de chaque individu. Mais il ne s'agit pas loin s'en faut de phénomènes nouveaux. Au contraire, et comme le souligne elle-même la question posée, ces écarts dans la répartition des risques, des difficultés et des chances résultent de tendances longues : le ralentissement de la croissance et la montée du chômage sont depuis le milieu des années soixante-dix un facteur majeur et constant de creusement des inégalités. Le gouvernement est déterminé à les combattre en menant de multiples actions correctrices, mais aussi en créant les conditions d'une croissance équitable et durable, seule capable d'agir à la source des inégalités. Le plan de cohésion sociale adopté en 2005 donne la priorité absolue à l'emploi, en s'appuyant sur des leviers multiples et complémentaires : l'amélioration du fonctionnement du marché du travail (création des maisons de l'emploi, intermédiation accrue de l'ANPE, ouverture du marché du placement, « activation » des dépenses d'assurance chômage) ; le développement des services à la personne (chèque emploi service universel, simplification des procédures, professionnalisation du secteur) ; refonte et développement des contrats aidés en faveur des jeunes, des chômeurs de longue durée et des allocataires de minima sociaux ; développement de l'apprentissage, en lien avec les conseils régionaux, avec pour objectif 500 000 apprentis en 2009 ; soutien particulier aux parcours des jeunes en difficulté avec le développement du contrat d'insertion dans la vie sociale (Civis, 125 000 contrats signés en 2005) ; meilleure gestion publique des mutations économiques : réforme du licenciement économique, réactivation des bassins d'emploi par les grandes entreprises, création de la convention de reclassement personnalisée, expérimentation des contrats de transition professionnelle. En juin 2005, le plan d'urgence pour l'emploi est venu renforcer cette action d'envergure par une série de mesures nouvelles en faveur de l'embauche : création du contrat nouvelles embauches pour les entreprises d'au plus 20 salariés - chèque emploi très petites entreprises ; prime à l'embauche de 1 000 EUR pour les jeunes embauchés sur des métiers en tension et les allocataires de minima sociaux retrouvant un emploi ; atténuation des effets des seuils sociaux pour les petites entreprises. Mais la lutte contre les inégalités ne s'arrête pas à l'accès à l'emploi. Aux salariés en activité, la mise en oeuvre de la réforme de la formation professionnelle continue décidée en 2003 par les partenaires sociaux offre de nouvelles chances de développer leurs compétences et de connaître des parcours professionnels ascendants (droit individuel à la formation, contrats et périodes de professionnalisation, validations des acquis de l'expérience). Engagée en 2003, la convergence des salaires minimaux a conduit à une progression du pouvoir d'achat du smic de plus de 11 % en trois ans, soit sa plus forte augmentation depuis vingt ans. Le ministre du travail a en outre passé en revue la situation des salaires minimaux conventionnels dans les principales branches, afin d'inciter les partenaires sociaux à les remettre à niveau par la négociation. Le logement est un autre pilier du Plan de cohésion sociale, qui lui consacre un effort sans précédent depuis trente ans : mise en chantier de 400 000 logements nouveaux en 2005, chiffre jamais atteint depuis 1980, relance du logement social (500 000 logements financés d'ici à 2009), mobilisation du parc privé grâce à l'Agence nationale de l'habitat, près de 17 milliards d'euros programmés pour la rénovation urbaine sur cinq ans. L'effort de cohésion sociale s'applique aussi aux populations immigrées, avec la généralisation du Contrat d'accueil et d'intégration destiné aux primo arrivants, et la mise en place de deux entités appelées à jouer un rôle central dans la politique d'intégration ; l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations (Anaem), responsable des procédures d'introduction et d'accueil en France ; la Haute autorité de la lutte contre les discriminations et pour l'égalité (Halde), instance de recours ouverte à toutes les personnes victimes de discrimination directe ou indirecte, et désormais dotée de pouvoirs de sanction administrative (1 000 saisines ont déjà été enregistrées en six mois de fonctionnement, dont la moitié relatives à l'emploi et le tiers liées à l'origine). L'égalité entre hommes et femmes est un autre terrain majeur de lutte contre les inégalités, avec le projet de loi en cours sur l'égalité salariale, le développement auprès des entreprises du « label égalité entre les femmes et les hommes » et la réflexion engagée avec les partenaires sociaux sur l'amélioration des conditions du travail à temps partiel. Enfin, 2005 a vu l'adoption de la loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, qui réforme profondément le dispositif antérieur création des maisons départementales des personnes handicapées et de leurs commissions des droits et de l'autonomie ; reconnaissance du droit à la compensation, appuyée sur une nouvelle prestation personnalisée ; intégration scolaire des enfants handicapés ; extension du dispositif d'obligation d'emploi et de contribution financière des employeurs aux trois fonctions publiques... La liste est longue des actions engagées depuis trois ans pour faire reculer dans tous les domaines les inégalités, et préserver ainsi la cohésion sociale. Elles s'appuient sur des moyens considérables, qu'il s'agisse de l'emploi ou du logement. Mais le meilleur garant d'un recul à long terme de l'inégalité reste la progression générale des capacités productives et des richesses dans notre pays. C'est pourquoi le Gouvernement, en même temps qu'il met en oeuvre les plans de cohésion sociale et d'urgence pour l'emploi, s'attache à créer les conditions d'une croissance durable et soutenue : effort massif en faveur de la recherche (loi de programmation, Agence nationale de la recherche), nouvelle politique industrielle axée sur une logique de projets au service des secteurs et territoires les plus performants (pôles de compétitivité, Agence de l'innovation industrielle), relance des investissements publics (10 milliards d'euros dégagés en 2006 en faveur de l'énergie et des infrastructures). C'est tout le sens de son engagement en faveur d'une croissance sociale, maître mot du programme national de réforme qui matérialise la contribution de la France à la réalisation des objectifs européens de Lisbonne.
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