Texte de la REPONSE :
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La question porte sur de nombreux aspects du régime de retraite applicable aux fonctionnaires tel qu'il a été modifié par la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites : une réponse est apportée ci-après sur chacun des aspects évoqués. 1. Le droit à la bonification pour enfants : la loi du 21 août 2003 a modifié divers aspects du code des pensions civiles et militaires de retraite en cherchant à le rapprocher du régime général et à l'adapter au droit communautaire. En particulier, l'aménagement des conditions d'attribution de la bonification pour enfants prévue par l'article L. 12 du code des pensions résulte directement de la jurisprudence européenne (arrêté Griesmar). La Cour de justice des Communautés européennes a constaté que le droit communautaire impose non seulement d'attribuer cet avantage dans les mêmes conditions aux hommes et aux femmes, mais encore de le lier, s'agissant d'un avantage à caractère professionnel, à la compensation du désavantage de carrière qui résulte, pour tout fonctionnaire parent d'un enfant, d'un éloignement prolongé du travail lié à l'arrivée de l'enfant au foyer ou à son éducation. C'est pourquoi le nouveau dispositif accorde, pour les enfants déjà nés ou arrivés au foyer au moment de l'entrée en vigueur de la loi, c'est-à-dire avant le 1er janvier 2004, cette bonification dans les mêmes conditions à l'ensemble des fonctionnaires, hommes et femmes, et la lie à une interruption d'activité de deux mois, dans le cadre d'un congé maternité, parental, d'adoption, de présence parentale ou d'une disponibilité pour élever un enfant de moins de huit ans. Cette condition d'interruption d'activité n'est toutefois pas applicable aux mères ayant accouché durant leurs études si elles ont obtenu leur diplôme au plus deux ans avant leur recrutement. Par ailleurs, est considérée comme interruption d'activité une interruption survenue alors que le fonctionnaire était agent non titulaire de la fonction publique et s'il a fait valider cette période au titre du régime de retraite des fonctionnaires. Si une mère ne se trouve dans aucune des situations décrites ci-dessus pour bénéficier de la bonification, elle relève alors du droit commun du régime général de la sécurité sociale, suivant lequel elle bénéficie d'une majoration de durée d'assurance de deux ans par enfant (art. L. 351-4 du code de la sécurité sociale). Cette majoration a un effet aussi bien sur sa retraite du régime général que sur sa pension de fonctionnaire (réduction de la décote ou accès à la surcote). Ainsi, suivant les cas, elle peut se révéler plus avantageuse que la bonification. Elle est toutefois soumise à la condition d'avoir cotisé, à un moment quelconque de sa vie, au régime général ou à un régime aligné au titre d'une activité rémunérée ou au titre de l'allocation vieillesse pour parent au foyer. Afin de mesurer l'impact de cette dernière condition, une première étude conjointe du service des pensions de l'État et de la caisse nationale d'assurance vieillesse révèle que, sur les pensions liquidées au cours des trois premiers trimestres de l'année 2004, moins de 150 femmes n'ont pu bénéficier ni de la bonification du code des pensions civiles et militaires de retraite, ni de la majoration de durée d'assurance du régime général, au titre d'un de leurs enfants. Ce chiffre doit encore être affiné afin de déterminer, par exemple, au cas par cas, si la déclaration de l'existence d'un enfant a bien été faite par les intéressées auprès de la CNAV. En effet, il n'existe pas d'autre obstacle à l'accès à cette majoration de durée d'assurance, la loi du 21 août 2003 ayant supprimé la condition de durée d'éducation de l'enfant qui existait jusqu'alors (art. 32). Pour les autres enfants, nés ou adoptés après le 1er janvier 2004, la bonification est supprimée. Elle est remplacée par un dispositif nouveau, plus directement lié à l'éducation des enfants et qui peut conférer un avantage bien plus important que la bonification. Il s'agit en effet d'une prise en compte entièrement gratuite pour le fonctionnaire des périodes d'interruption ou de réduction d'activité liées à l'éducation de l'enfant (temps partiel de droit, congé parental, congé de présence parentale, disponibilité pour élever un enfant de moins de huit ans). Cette prise en compte n'est pas limitée à un an comme la bonification, mais peut aller jusqu'à trois ans. 2. Le départ anticipé des parents de trois enfants. De la même manière que pour les avantages familiaux évoqués ci-dessus, la jurisprudence européenne imposait de revoir les dispositions qui permettaient aux fonctionnaires mères de trois enfants de partir à la retraite de manière anticipée (art. L. 24-1-3° du code des pensions). Ce dispositif a été réformé par l'article 136 de la loi de finances rectificative pour 2004 : l'accès à ce départ anticipé est désormais ouvert à l'ensemble des fonctionnaires, hommes et femmes, parents de trois enfants, à condition qu'une période d'inactivité de deux mois soit intervenue en raison de l'arrivée ou de l'éducation des enfants. Il faut rappeler que ce dispositif, sans équivalent au régime général, constitue un avantage professionnel pour les fonctionnaires extrêmement avantageux puisque son bénéficiaire peut liquider sa pension sans qu'aucune condition d'âge ne soit exigée (seule une condition de quinze années de services est nécessaire) et reprendre immédiatement un autre emploi en cumulant sa rémunération avec sa pension de fonctionnaire. 3. La prise en compte du temps partiel. Le recours des fonctionnaires au temps partiel, beaucoup plus fréquent chez les femmes (14,7 % d'entre elles contre 1,7 % des hommes) est sans aucune incidence sur la constitution de leur droit à pension (condition de quinze ans de services), ni sur la décote qui pourrait être applicable à leur future retraite. Il a en revanche un effet sur la durée prise en compte pour la liquidation de la pension, calculée au prorata du temps travaillé. C'est la raison pour laquelle la réforme de 2003 introduit plusieurs dispositions permettant d'annuler ou de réduire l'effet du temps partiel sur la pension des fonctionnaires s'agissant du temps partiel de droit pour élever un enfant, rappelons que la réforme des avantages familiaux présentée plus haut permet désormais sa prise en compte comme du temps plein de manière entièrement gratuite ; s'agissant de tous les autres cas de temps partiel, il est possible au fonctionnaire d'obtenir son décompte comme du temps plein moyennant une cotisation supplémentaire, dans des conditions plus favorables que le droit commun si le fonctionnaire est entré en cessation progressive d'activité depuis 2004 ou s'il est lourdement handicapé. 4. La progressivité de la décote. Il convient tout d'abord de rappeler que la notion d' « annuité » utilisée dans la question a disparu du code des pensions depuis 2003. Elle est désormais remplacée par la notion de durée nécessaire pour obtenir le pourcentage maximum de la pension, cette durée étant exprimée en trimestres (article L. 13). Cette durée ainsi que le coefficient de décote éventuellement applicable et le plafonnement de l'effet de cette décote (âge pivot) évoluent en fonction de l'année de l'ouverture du droit à pension du fonctionnaire (qui est dans la plupart des cas l'année de ses soixante ans). Cette évolution est progressive jusqu'en 2020, aucune décote n'étant applicable si le droit à pension est ouvert au titre de l'année 2004 ou de l'année 2005, même si le fonctionnaire part effectivement à la retraite ultérieurement. Si cette année d'ouverture du droit est 2006, le coefficient de décote est de 0,125 % par trimestre manquant dans la limite de quatre trimestres (âge pivot : soixante et un ans), même si le départ a lieu ultérieurement. Si cette année d'ouverture du droit est 2008 ou une année ultérieure, les paramètres sont alignés sur ceux du régime général, conformément à l'objectif de rapprochement entre les régimes poursuivi par la réforme. Cette évolution très progressive crée une incitation à retarder le moment de son départ afin de compléter la durée d'activité prise en compte dans le calcul de la retraite. Cet allongement de la durée d'activité est sans aucune incidence sur les paramètres de calcul applicables, puisque ces paramètres sont déterminés non par l'année du départ mais par l'année d'ouverture du droit. Rappelons que l'allongement de la durée d'activité est l'un des principaux objectifs de la réforme, afin de résorber le besoin de financement des, régimes de retraite par répartition à l'horizon 2020 dans le contexte de l'arrivée à l'âge de la retraite des générations issues du baby-boom d'après-guerre. Les travaux du Conseil d'orientation des retraites depuis son premier rapport en 2001 ont en effet montré qu'un tel allongement est le moyen le plus sûr et le plus efficace pour obtenir la résorption du besoin de financement des régimes par répartition et, de ce fait, leur préservation. Il faut également rappeler que la décote est calculée sur une durée d'assurance tous régimes de retraite confondus, ce qui avantage les nombreuses femmes qui, au début de leur vie professionnelle, ont relevé du régime général avant de devenir fonctionnaires. Enfin, tandis que la décote suit une progression sur dix-sept années jusqu'en 2020, la surcote a, au contraire, été pleinement applicable dès, 2004. Cette majoration est de 0,75 % par trimestre supplémentaire (soit 3 % pour 4 trimestres). Elle a donc une incidence significative sur le niveau de la pension et bénéficie à de nombreux fonctionnaires puisque 20 % des nouveaux pensionnés y ont eu accès en 2005 (ce qui a représenté un coût de 10,7 MEUR pour l'État et 2,3 MEUR pour la CNRACL). 5. Le prix des validations de services auxiliaires. Les agents non titulaires de la fonction publique peuvent, lorsqu'ils deviennent fonctionnaires, obtenir la validation au titre du régime de retraite des fonctionnaires de leurs services effectués comme non titulaires, moyennant le paiement de la différence entre les cotisations qu'ils ont alors versées au régime général et à l'IRCANTEC (lesquelles sont reversées au régime des fonctionnaires) et les cotisations qu'ils auraient versées s'ils avaient toujours été fonctionnaires. Cette validation des services auxiliaires s'opère à la demande du fonctionnaire. Elle a pour effet d'annuler ses droits au régime général et à l'IRCANTEC. Son impact sur le futur montant de sa pension de fonctionnaire n'est pas toujours plus avantageux que s'il avait conservé le bénéfice de ses différentes retraites, compte tenu du mode de calcul « tous régimes confondus » de la durée d'assurance prise en compte pour la décote, comme indiqué ci-dessus. Les outils de simulation accessibles sur internet (http ://www.pensions.minefi.gouv.fr/calculs/cadrecivil.htm pour la fonction publique de l'État, et, pour les deux autres fonctions publiques, http ://www.cnracl.fr/sim2004/retraite/saisie.asp) permettent au fonctionnaire d'apprécier la pertinence d'une démarche de validation. S'agissant du prix moyen des validations de services auxiliaires payé par les agents, l'exemple du ministère de l'éducation nationale indique un montant de 280 euros par trimestre validé en 2004 et 2005. À titre de comparaison, le salaire annuel moyen net de prélèvements des agents de l'État était de 24 866 euros courants en 2003 (26 184 euros pour les enseignants). 6. La prise en compte des services effectués par des enseignants avant dix-huit ans. Depuis 2002, cette question est devenue sans objet. En effet, l'article L. 5-8° du code des pensions prévoit qu'est pris en compte, pour les instituteurs, le temps passé à l'école normale à partir de l'âge de dix-huit ans, ce qui signifiait que le temps passé à l'école normale avant cet âge n'était pas pris en compte, alors qu'il avait donné lieu au versement d'une retenue pour pension. Cette disposition a été implicitement abrogée par l'article 135 de la loi n° 2001-1275 du 28 décembre 2001 portant loi de finances pour 2002, lequel énonce en effet que « les périodes de scolarité passées par les fonctionnaires civils, avant le 1er janvier 2001, en qualité d'élève fonctionnaire d'un établissement de formation avant leur nomination en qualité de fonctionnaire stagiaire sont prises en compte dans la constitution du droit et la liquidation de la pension attribuée au titre du code des pensions civiles et militaires de retraite, si elles ont donné lieu lors de leur accomplissement au prélèvement de retenues pour pension. » 7. La seconde carrière des enseignants. L'article 76 de la loi du 21 août 2003 permet aux enseignants d'accéder à une « seconde carrière », sous une condition d'ancienneté qui a été précisée à l'article 2 du décret n° 2005-960 du 9 août 2005 : « quinze ans de services d'enseignement » comme titulaire ou non titulaire. L'objectif de ce dispositif est à la fois de tenir compte des contraintes inhérentes à leur profession et d'offrir aux intéressés une possibilité supplémentaire d'enrichissement de leur vie professionnelle par l'acquisition d'un nouveau métier. Bien entendu, ce dispositif innovant nécessite un important effort de gestion et ne peut être mis en place que progressivement. C'est pourquoi, le rapport entre le nombre d'enseignants potentiellement concernés et le nombre de postes offerts ne pourra s'équilibrer qu'au rythme de l'évolution du plan de gestion. 8. La pension de réversion des veufs. Là encore, la question est devenue sans objet, depuis 2003. En outre, la situation visée ne défavorisait pas les femmes, veuves de fonctionnaires décédés, mais les hommes, veufs de fonctionnaires décédées. Jusqu'en 2003 en effet, les pensions de réversion des veufs de fonctionnaires décédées ne leur étaient versées qu'à soixante ans (ou à l'expiration des droits des orphelins si elle intervenait après) et étaient plafonnées, alors que celles des veuves de fonctionnaires décédés étaient versées sans délai, par priorité sur les orphelins, et sans plafonnement. Le droit communautaire, constaté par le juge national (CE, 5 juin 2002, Choukroun), a conduit le législateur à supprimer, contrairement à ce qui est indiqué dans la question, les conditions spécifiques de la pension de réversion des veufs de fonctionnaires décédées et à leur étendre les conditions applicables aux veuves de fonctionnaires décédés (articles 56 à 60 de la loi du 21 août 2003). S'agissant des veufs de fonctionnaires décédées avant 2004, c'est, en droit, la réglementation en vigueur au moment du décès qui s'applique, sauf si la concession de la pension de réversion a eu lieu dans l'année qui précédait le vote de la loi, en vertu de l'article L. 55 du code des pensions qui permet la révision de la pension en cas d'erreur de droit dans un délai d'un an après sa concession. Les pensions de réversion de veufs concédées à compter d'août 2002 ont ainsi pu être révisées sur demande des intéressés dans ce délai. 9. Appréciation générale de l'impact de la loi du 21 août 2003 sur l'égalité des pensions entre les femmes et les hommes fonctionnaires. L'appréciation générale de l'impact de la loi du 21 août 2003 sur l'égalité des pensions entre les femmes et les hommes fonctionnaires peut désormais s'appuyer sur des éléments statistiques. S'agissant de la fonction publique d'État, si l'on met de côté les départs anticipés de parents de trois enfants (sur demande de l'intéressé) et l'invalidité, la durée moyenne de carrière prise en compte pour la liquidation de la pension a été, en 2004, de 141,5 trimestres pour les hommes et de 140,3 trimestres pour les femmes. La durée totale d'activité tous régimes confondus a été de 149,3 trimestres tant pour les hommes que pour les femmes. En 2005, la durée moyenne de liquidation a été de 141 trimestres pour les hommes et de 139,7 trimestres pour les femmes, tandis que la durée d'activité tous régimes confondus a été de 154,6 trimestres pour les hommes et de 153,4 trimestres pour les femmes. S'agissant du régime de la CNRACL, en 2004, la durée moyenne de services a été de 124,1 trimestres pour les hommes comme pour les femmes, la durée d'activité tous régimes confondus a été de 145,1 trimestres pour les hommes et de 139,3 trimestres pour les femmes. En 2005, la durée moyenne de services a été de 124,1 trimestres pour les hommes et de 125,5 trimestres pour les femmes, la durée d'activité tous régimes confondus a été de 157 trimestres pour les hommes et de 148,5 trimestres pour les femmes. La mise en oeuvre de la loi du 21 août 2003 ne paraît donc pas avoir eu un effet systématiquement défavorable aux femmes fonctionnaires qui ont pris leur retraite depuis lors. Ainsi, l'allongement de la durée d'activité visée par cette réforme ne devrait pas s'avérer plus préjudiciable aux femmes fonctionnaires qu'aux hommes.
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