FICHE QUESTION
12ème législature
Question N° : 810  de  M.   Biessy Gilbert ( Député-e-s Communistes et Républicains - Isère ) QOSD
Ministère interrogé :  industrie
Ministère attributaire :  industrie
Question publiée au JO le :  08/06/2004  page :  4138
Réponse publiée au JO le :  09/06/2004  page :  4553
Rubrique :  industrie
Tête d'analyse :  chimie
Analyse :  Atofina. emploi et activité. Jarrie. Isère
Texte de la QUESTION : M. Gilbert Biessy attire l'attention de M. le ministre délégué à l'industrie sur l'annonce du groupe Total d'une réorganisation de sa branche chimique Atofina par la création d'une nouvelle entité dénommée Gip. L'entreprise Atofina de Jarrie constate au fil des ans la fermeture d'ateliers, le transfert de son centre de recherche, l'absence d'investissement et le peu d'empressement de la part de la direction à se mettre aux normes européennes sur certains procédés. Ces dernières années, onze sites ou ateliers « non compétitifs » ont déjà été fermés en France et treize à l'étranger. Les salariés et les élus craignent une fermeture programmée d'Atofina Jarrie. Aussi, il lui demande si le site Atofina de Jarrie va poursuivre ses activités et quelles dispositions le gouvernement entend prendre afin que le groupe adapte l'entreprise aux normes européennes.
Texte de la REPONSE :

SITUATION DE L'ENTREPRISE
ATOFINA DE JARRIE EN ISÈRE

le président. La parole est à M. Gilbert Biessy, pour exposer sa question, n° 810, relative à la situation de l'entreprise Atofina de Jarrie en Isère.
M. Gilbert Biessy. Ma question s'adresse à M. le ministre délégué à l'industrie.
Lors de sa dernière assemblée, le groupe Total a annoncé une réorganisation de sa branche chimique Atofina par la création d'une " entité décentralisée regroupant les actifs de la chlorochimie, des intermédiaires et des produits de performance ", dénommée CIP, et qui aura vocation à devenir un acteur " compétitif et indépendant ". Toujours selon Total, la CIP aura pour priorité " le redressement de ses résultats ".
Spécialisée depuis le début du siècle dans la fabrication du chlore et de ses dérivés, l'usine Atofina de Jarrie dans l'Isère, située dans le Sud grenoblois, emploie 740 salariés et induit près de 3 000 emplois.
De grandes inquiétudes pèsent sur les ateliers de production concernés : ceux de chlore - 160 000 tonnes par an et une centaine de salariés sur les 740 de l'entreprise -, de dichloréthane et de chlorure de méthyle.
Après le transfert du centre de recherche sur le site de Lyon, deux ateliers consommateurs de chlore ont été arrêtés. Par ailleurs, aucun nouvel investissement n'est effectué en faveur des produits issus du chlore.
En outre, la fabrication par électrolyse mercure, procédé jugé dangereux, sera prochainement interdite dans toute l'Europe. Son remplacement rendu possible par un procédé à membranes moins polluant est jugé trop onéreux par Atofina alors que ce nouveau procédé a été mis en place dans d'autres pays européens, notamment l'Angleterre, grâce à des aides de l'État.
Les cinq redresseurs à pyralène - produits à base de dioxyne - situés en bordure de la route nationale 85, doivent être, quant à eux, déplacés à l'intérieur du site et remplacés par des appareils contenant des huiles minérales avant 2010, dans le cadre d'une directive européenne. À ce jour, aucun projet de déplacement n'est envisagé.
Ces trois dernières années, onze sites ou ateliers non compétitifs ont déjà été fermés en France et treize à l'étranger.
Aujourd'hui, les menaces de tous ordres qu'engendre le désengagement programmé du groupe Total de sa branche chimique ne laissent pas d'inquiéter les employés, les élus et les populations qui craignent une fermeture programmée du site de Jarrie.
Alors que ce site possède de nombreux atouts, notamment un savoir-faire reconnu et un établissement particulièrement bien accepté dans son environnement, le ministre délégué à l'industrie peut-il nous donner l'assurance que le site Atofina de Jarrie poursuivra ses activités ? Quelles dispositions compte-t-il prendre afin que le groupe respecte ses obligations dans le cadre des directives européennes ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire.
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Monsieur Biessy, je vous prie d'excuser l'absence de mon collègue en charge de l'industrie, M. Devedjian, qui m'a demandé de vous faire connaître la réponse qu'il aurait souhaité vous apporter lui-même.
Comme vous l'avez mentionné, Total a annoncé en février dernier la réorganisation de sa branche chimie et la création d'une entité autonome, au sein de laquelle la chlorochimie, les intermédiaires, et les produits de performance seront regroupés. L'établissement de Jarrie, qui vous est cher, monsieur Biessy, sera donc rattaché à cette nouvelle société.
Ainsi que Patrick Devedjian a eu l'occasion de l'indiquer la semaine dernière ici même, le Gouvernement considère que cette création représente plus une opportunité qu'une menace pour la chimie de Total. Total constate depuis plusieurs années que la façon dont sa branche chimie est structurée représente un frein au développement tant des activités pétrolières que des activités chimiques elles-mêmes, parce que les marchés financiers ont du mal à appréhender une chimie non seulement inhabituellement lourde pour un groupe pétrolier, mais surtout très hétéroclite, car - vous le savez - elle est issue d'opérations industrielles et de fusions successives.
La direction de l'entreprise Total a donc toujours tenu un discours très clair sur sa volonté de conserver une chimie forte comme sur son intention de recentrer l'ensemble dont elle était l'héritière.
Ce constat, généralement partagé, permet d'envisager deux méthodes : ou la vente progressive " par appartements " - si vous me permettez l'expression -, comme cela avait commencé d'être fait dans les années passées, ou la création en une seule opération d'un ensemble industriel cohérent et capable de vivre sa vie économique. C'est la seconde option - vous le savez - qui a été choisie. Le Gouvernement est convaincu que c'est celle qui donne à la chimie de Total le meilleur potentiel de croissance.
Le portefeuille confié à la nouvelle entité sera constitué d'actifs de premier ordre, dans lesquels Atofina occupe des positions enviables au plan mondial. La nouvelle société totalisera 5 milliards d'euros de chiffre d'affaires, ce qui la placera très près, notamment, de Rhodia, l'autre grand chimiste français. Elle emploiera 20 000 personnes dans le monde dont 12 000 en France. Surtout, elle bénéficiera d'un endettement très faible, sans doute bien inférieur à celui de ses concurrents, ce qui constituera pour elle, monsieur Biessy, un atout exceptionnel.
L'unité de Jarrie, quant à elle, qui emploie 740 personnes et est spécialisée dans la production du chlore et de ses dérivés, devra faire un choix stratégique important, puisque les conventions environnementales internationales recommandent l'abandon, à partir de 2010, de la technologie qu'elle utilise actuellement, fondée sur l'utilisation de mercure.
La décision d'investir dans une autre technologie appartient à la direction de l'entreprise. À notre connaissance, aucune orientation, ni dans un sens ni dans l'autre, n'a été prise à ce stade. Le Gouvernement reste très attentif à ce sujet, qui, certes, concerne Jarrie, mais plus généralement toute l'industrie du chlore, qui emploie 6 000 personnes en France.
De manière générale, la chimie française doit actuellement faire face à de multiples enjeux, notamment la mondialisation, la recomposition capitalistique et l'environnement, dont l'exemple que vous citez montre l'importance pour certaines branches.
C'est la raison pour laquelle le ministre chargé de l'industrie a annoncé la semaine dernière la mise en place d'un groupe stratégique, qui rassemblera chefs d'entreprise et syndicats. Ce groupe devra rendre des propositions concrètes pour la fin de l'année 2004, en vue de préserver et d'améliorer, si possible, la compétitivité de notre industrie chimique dans les dix ans à venir.
Monsieur Biessy, le Gouvernement restera donc très attentif au sort du site industriel de Jarrie dans le cadre de cette réflexion.
M. le président. La parole est à M. Gilbert Biessy.
M. Gilbert Biessy. Monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie de m'avoir transmis la réponse de M. le ministre délégué à l'industrie.
À l'entendre, CIP constitue un ensemble industriel cohérent qui devrait représenter un atout exceptionnel. Mais sur les questions précises liées aux directives européennes sur la sécurité, le Gouvernement se contente de rester attentif. Ne pourrait-il par se montrer incitatif à l'égard du groupe Atofina ?

CR 12 REP_PUB Rhône-Alpes O