FICHE QUESTION
12ème législature
Question N° : 83310  de  M.   Cochet Yves ( Députés n'appartenant à aucun groupe - Paris ) QE
Ministère interrogé :  intérieur et aménagement du territoire
Ministère attributaire :  intérieur et aménagement du territoire
Question publiée au JO le :  17/01/2006  page :  440
Réponse publiée au JO le :  06/02/2007  page :  1360
Rubrique :  étrangers
Tête d'analyse :  conditions d'entrée et de séjour
Analyse :  réglementation
Texte de la QUESTION : M. Yves Cochet souhaite appeler l'attention de M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, sur l'application de la réglementation concernant les Gabonais habitant en France. Le Gabon, ancienne colonie française, a appartenu à l'Afrique équatoriale française. Le 17 août 1960, jour de l'indépendance, les deux pays signèrent une multitude de conventions bilatérales dont une liée à l'établissement des personnes, loi de ratification n° 60-1226 du 22 novembre 1960. Les stipulations de celle-ci assimilaient les nationaux des parties contractantes aux ressortissants de l'État d'accueil. Et le 8 janvier 2003, le ministre des affaires étrangères précisait à l'Assemblée nationale qu'elle était « seule présentement applicable en droit ». Puis les deux pays signèrent encore une convention relative à la circulation des personnes, décret n° 74-695 du 29 juillet 1974. Les dispositions de ce décret publié au Journal officiel le 7 août 1974 indiquaient que, pour se rendre en France, les nationaux gabonais et français devaient présenter une carte nationale d'identité, un carnet international de vaccination (CIV) ou un passeport même périmé depuis moins de cinq ans. Le 17 juin 2003, Mme Brisepierre, rapporteur du ministère des affaires étrangères auprès du Sénat, indiquait que les conventions signées avec les anciennes colonies françaises, y compris le Gabon, ne prévoyaient pas l'obligation de détenir un visa pour venir en France. Cependant, le ministre des affaires étrangères précisait le 8 janvier 2003 que les dispositions des nouvelles conventions s'appliquaient déjà aux ressortissants gabonais à titre provisoire, alors qu'elles étaient encore en discussion au Parlement et n'avaient jamais fait l'objet d'une publication. Ces deux conventions n'étaient toujours pas appliquées. Ainsi, sans attendre l'accomplissement des procédures internes requises, notamment la publication des nouvelles dispositions conventionnelles, les Gabonais étaient soumis au droit commun des étrangers de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée, malgré la convention du 22 novembre 1960. Sous prétexte de lutte contre l'immigration clandestine, plusieurs Gabonais ont été expulsés du territoire français pour défaut de titre de séjour. Alors que aux termes des dispositions législatives contenues dans les conventions bilatérales de 1960, la détention d'un titre de séjour n'était pas nécessaire et cette réalité avait été confirmée par Mme Brisepierre au Sénat le 17 juin 2003. Depuis l'abrogation de la convention de 1960 publiée le 11 juillet 2004 au Journal officiel, plusieurs Gabonais demeurent dans le non-droit puisque enfermés dans le droit commun des étrangers. Les préfectures obéissent à des circulaires ministérielles, au mépris des traités ratifiés par la République, notamment la circulaire du ministre de l'intérieur n° NOR : INTD0400006C DLPAJ-SDECT du 20 janvier 2004, qui anticipa « l'abrogation » de la loi n° 60-1226 du 22 novembre 1960, alors qu'à cette date, la convention de 1960 était toujours en vigueur. Certains Gabonais ont déjà quitté le territoire de la République, mais l'association Liberté équatoriale détient à ce jour une liste de plus de cent personnes (enfants et parents), soumis de façon arbitraire au regroupement familial, astreints à la production d'un visa long séjour pour obtenir un titre de séjour. Pourtant ils sont en France et protégés, en théorie, par la loi qui les assimile aux ressortissants français, sans distinction de situation personnelle (étudiants ou salariés). Les faits relèvent d'une extrême gravité dans la mesure où les préfectures expulsent des personnes à tort, soumettant les Gabonais au paiement de visa, d'une taxe pour obtenir un titre de séjour et le paiement de timbres liés au regroupement familial, alors que l'article 9 de la loi n° 60-1226 du 22 novembre 1960 prohibe l'assujettissement à des « droits, taxes ou contributions plus élevés que ceux perçus sur les nationaux de cette partie ». En effet, les préfectures appliquent les textes à tous Gabonais sans chercher à savoir depuis quelle date certains sont en France. Compte tenu de l'ampleur et de la gravité de cette situation, il souhaite donc savoir comment les services de l'État entendent sortir de cette impasse administrative dans laquelle plusieurs Gabonais sont enfermés. Plus précisément il lui demande si les Gabonais arrivés en France avant l'abrogation le 11 juillet 2004 de la loi n° 60-1226 du 22 novembre 1960 doivent être soumis aux nouvelles conventions bilatérales, étant donné que la loi n'est pas rétroactive. Enfin, il souhaite savoir si les reconduites aux frontières pour défaut de titre de séjour sont justifiables, malgré le fait que les Gabonais étaient assimilés aux Français mais soumis de façon illicite au droit commun des étrangers.
Texte de la REPONSE : Au lendemain de son indépendance, le Gabon, comme la plupart des anciennes colonies françaises, a signé avec la France un certain nombre d'accords bilatéraux dont une convention d'établissement, le 17 août 1960. Celle-ci fixait le principe de l'assimilation aux nationaux des ressortissants gabonais résidant en France dans un certain nombre de domaines, tels que l'exercice d'une activité professionnelle commerciale, industrielle, agricole, artisanale ou salariée sous réserve des dérogations imposées par la situation économique et sociale, l'accès et l'exercice des professions libérales, l'application de la législation du travail, des lois sociales et de la sécurité sociale, l'exercice des droits civils, l'assujettissement aux droits, taxes ou contributions. Cependant, les stipulations de cette convention d'établissement n'avaient pas vocation à s'appliquer aux ressortissants gabonais qui ne séjournaient pas régulièrement en France. En effet, comme l'a souligné le Conseil d'État (CE, n° 98339 98699 du 24 novembre 1978), aucune convention d'établissement, ni aucune convention sur la circulation des personnes n'a eu pour objet ni pour effet de déroger au principe selon lequel tout étranger résidant en France doit être titulaire d'une carte de séjour. La circonstance que les ressortissants gabonais étaient dispensés de visa pour entrer en France en application de la convention sur la circulation des personnes du 12 février 1974 ne signifie pas pour autant qu'ils n'étaient pas tenus de détenir un titre de séjour pour résider régulièrement en France plus de trois mois. Par ailleurs, à l'instar d'autres accords internationaux portant dispense de l'obligation du visa pour l'entrée en France, la convention franco-gabonaise du 12 février 1974 précitée a été suspendue le 16 septembre 1986 par un avis du ministre des affaires étrangères paru au Journal Officiel du 18 octobre 1986 et dont la légalité a été confirmée par le Conseil d'État (CE, n° 120461 du 18 décembre 1992). Compte tenu de ce qui précède, les ressortissants gabonais, quelles que soient les conventions applicables à la date de leur entrée en France, ont toujours été tenus de posséder un titre de séjour pour résider sur le territoire national et bénéficier de l'égalité de traitement avec les nationaux consacré par la convention d'établissement de 1960. La convention d'établissement du 17 août 1960 est restée applicable jusqu'au 1er février 2004, date d'entrée en vigueur de la nouvelle convention d'établissement signée le 11 mars 2002 qui réaffirme le principe de l'égalité de traitement et subordonne cette égalité de traitement à la condition que les intéressés sont entrés et séjournent régulièrement sur le territoire national dans les conditions définies par la convention franco-gabonaise relative à la circulation et au séjour du 2 décembre 1992. En effet, la nouvelle convention franco-gabonaise relative à la circulation et au séjour des personnes du 2 décembre 1992 et la convention d'établissement du 11 mars 2002 sont deux instruments indissociables qui constituent la base juridique des dispositions applicables aux ressortissants gabonais. Enfin, selon une formule type, ces accords précisent soit que leurs dispositions « ne font pas obstacle à l'application de la législation nationale sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités », soit que « les points non traités par la convention des étrangers sont régis par les législations respectives des deux États ». La notion de « points non traités par l'accord (ou la convention) » vise, en particulier, toutes les dispositions législatives ou réglementaires précisant les différents cas de délivrance de titres de séjour non expressément abordés dans l'accord. Ce principe de renvoi à la législation nationale pour tous les points non traités par l'accord s'applique sans restriction. Ainsi, dès lors que ces accords sont muets et que les dispositions de la législation nationale ne sont pas en contradiction avec les stipulations de ces accords, il convient d'appliquer la législation nationale.
NI 12 REP_PUB Ile-de-France O