SITUATION FISCALE DE LA COMMUNAUTÉ
D'AGGLOMÉRATION DE LA PORTE DU HAINAUT
DANS LE NORD
M. le président. La
parole est à M. Alain Bocquet pour exposer sa question, n° 83, relative à
la situation fiscale de la communauté d'agglomération de la Porte du Hainaut
dans le Nord.
M. Alain Bocquet.
Monsieur le président, je vous remercie et je souhaite bonne année à
tous.
Monsieur le ministre
délégué aux libertés locales, la communauté d'agglomération de la Porte du
Hainaut, qui regroupe 38 communes et quelques 145 000 habitants, est
située dans l'arrondissement de Valenciennes, lequel bénéficie des fonds
structurels au titre de l'objectif 1. C'est dire son faible niveau de
ressources et de moyens.
Cette
reconnaissance au niveau européen de la profondeur de la crise qu'à subie le
Valenciennois : certaines villes de notre territoire, telle Denain, comptent 78
% de contribuables non imposés dont les trois quarts déclarent moins de 50
000 francs par an de revenus. Or cette situation peu enviable a été
brutalement aggravée par les conséquences de la loi de 1999. Alors même que
les communes regroupées en communautés d'agglomération ne perçoivent plus la
taxe professionnelle, le potentiel fiscal continue à être calculé sur les quatre
taxes locales. De surcroît, toute augmentation de la base de la taxe
professionnelle se voit intégrée dans les potentiels fiscaux des communes
membres proportionnellement au nombre de leurs habitants. Le résultat de ce
calcul artificiel ne reflète en rien la richesse des communes et vient de
surcroît pénaliser les plus pauvres et les plus peuplées d'entre elles. C'est
ainsi que la commune de Raismes perd cette année 167 700 euros et celle
d'Escaudain 100 000 euros, soit davantage que la capacité d'autofinancement
de ces villes ! De telles pertes conduisent inévitablement à un lourd
déséquilibre budgétaire.
Si
l'ensemble des communes du territoire national regroupées en communautés
d'agglomération sont ainsi frappées, celles qui constituent la communauté
d'agglomération de la Porte du Hainaut le sont doublement. Cette région de
tradition minière et sidérurgique, terriblement touchée par la crise, a
bénéficié depuis de l'installation d'unités de production automobile. Mais ces
créations se sont surtout localisées dans des zones rurales, générant par le
fait un écrêtement considérable des bases de taxe professionnelle :
13,7 millions d'euros de pertes de produit fiscal, soit 60 % des
écrêtements du département du Nord ! Ces bases ne profitent ni aux communes ni à
la communauté d'agglomération de la Porte du Hainaut, et le produit qui leur
correspond est redistribué par l'intermédiaire du fonds départemental de
péréquation. Ce qui ne les a pas empêchées d'être elles aussi réintégrées dans
le calcul du potentiel fiscal des villes, entraînant l'effondrement de la
dotation de solidarité urbaine du fonds national de péréquation.
Le maintien du dispositif en l'état
condamne les communes les plus pauvres à l'asphyxie. Ce cas de figure concerne
quelques communautés en France, celles notamment où se sont établies de très
grosses unités de production après la disparition des industries primaires.
Ainsi la communauté d'agglomération de la vallée de la Fensch, en Lorraine, est
victime du même phénomène.
Aussi, monsieur le ministre, compte
tenu de l'ensemble de ces éléments et de ces difficultés, je vous demande
d'abord de modifier, dès l'exercice 2002, le mode de calcul du potentiel
fiscal des communes appartenant à une communauté d'agglomération en excluant les
bases correspondant aux anciens écrêtements pratiqués au moment de la création
de la communauté d'agglomération, ensuite de ne comptabiliser pour l'avenir,
dans le calcul du potentiel fiscal des communes regroupées en communautés
d'agglomération, que la base de taxe professionnelle figée au niveau de l'année
précédant la création de la communauté d'agglomération.
M. le président. La
parole est à M. le ministre délégué aux libertés locales.
M. Patrick Devedjian, ministre délégué aux libertés locales.
Monsieur le président Bocquet, le potentiel fiscal est, vous le savez, un
indicateur utilisé pour comparer la richesse potentielle des différentes
collectivités. Obtenu en appliquant aux bases d'imposition aux quatre taxes
directes locales les taux moyens nationaux d'imposition à chacune de ces taxes,
il correspond en fait au montant que percevrait la collectivité si elle
appliquait une politique fiscale moyenne.
S'agissant des communes membres des
communautés d'agglomération, comme de l'ensemble des communes membres
d'établissements publics de coopération intercommunale à taxe professionnelle
unique, le calcul du potentiel fiscal est toutefois affecté par plusieurs
spécificités qui concernent les bases de la taxe professionnelle prises en
compte.
C'est ainsi que la loi
du 28 décembre 1999 a prévu un calcul particulier consistant à ajouter
aux bases de taxe professionnelle de la commune l'année précédant le passage en
taxe professionnelle unique une quote-part de la variation des bases totales de
l'EPCI constatée d'une année sur l'autre. Cette quote-part correspond à la part
de la population de chacune des communes membres de l'EPCI au sein de la
population totale de cet EPCI.
Ce calcul particulier est fondé sur
les principes suivants : la prise en compte des bases de taxe professionnelle de
l'année précédant le passage en TPU correspond à ce que les communes perçoivent
en termes d'attribution de compensation, et économisent en termes de charges
transférées. La ventilation de la variation annuelle des bases de l'EPCI permet
de prendre en compte dans le potentiel fiscal des communes le surcroît de
richesses retiré par chaque commune de l'existence de l'EPCI, qui se traduit
notamment par l'accroissement des services rendus aux habitants, voire par un
accroissement des politiques de solidarité communautaire.
A défaut de cette répartition entre
toutes les communes membres de l'EPCI des augmentations de bases de taxe
professionnelle, seule la ou les communes sur lesquelles ces bases sont
géographiquement implantées verraient leur potentiel fiscal augmenter, alors
même que ces communes ne mobilisent plus la taxe professionnelle, qui est
dorénavant levée au niveau communautaire.
Il convient de préciser que le
calcul des bases de taxe professionnelle prises ainsi en compte pour la
détermination du potentiel fiscal tient naturellement compte, lorsqu'ils
existent, des écrêtements ou des prélèvements de taxe professionnelle opérés au
profit des fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle.
En l'occurrence, s'agissant de la
communauté d'agglomération de la Porte du Hainaut, je peux vous assurer que les
trois communes de Hordain, Lieu-Saint-Amand et Trith-Saint-Léger, sur lesquelles
est opéré un prélèvement de taxe professionnelle au profit du fonds
départemental de péréquation, bénéficient bien d'une réduction parallèle des
bases de taxe professionnelle prises en compte dans le calcul du potentiel
fiscal.
Le fait que l'ancien
écrêtement, qui était pratiqué sur ces communes, ait été remplacé, en raison de
la constitution de la communauté d'agglomération, par un mécanisme de
prélèvement, n'a en l'espèce pas modifié le mode de calcul du potentiel fiscal
des communes. Ce sont bien des bases diminuées des montants versés au fonds
départemental de péréquation qui sont prises en compte dans le calcul du
potentiel fiscal. Il me semble donc qu'il n'y a pas lieu de modifier la loi sur
ce point.
En revanche, votre
seconde demande, qui vise à ne plus tenir compte à l'avenir dans le calcul du
potentiel fiscal que des bases de taxe professionnelle figées à l'année
précédant la création de la communauté d'agglomération, rejoint des
interrogations émises par de nombreux acteurs. Il apparaît en effet que le mode
de calcul actuel du potentiel fiscal n'est parfois plus très clairement compris
ou accepté par les élus locaux.
Il appartiendra à la concertation
qui va se nouer cette année autour de la réforme des dotations de l'Etat aux
collectivités locales d'apprécier l'opportunité d'une évolution sur ce point. Le
Gouvernement est favorable à une évolution. Un certain nombre de travaux ont
déjà été réalisés et des propositions avancées. Il convient toutefois de relier
ce sujet à la réflexion plus large qui entoure la réforme des dotations de
l'Etat aux collectivités locales, et notamment aux dotations de péréquation, qui
doit être traitée de manière globale, et non segment par segment.
Vous le savez, le projet de réforme
constitutionnelle fait de la péréquation un principe constitutionnel et nous
devrons, si elle est adoptée, réviser totalement nos mécanismes de péréquation.
Cela ne peut se faire que dans une vaste réforme des dotations à laquelle le
Parlement, mais aussi le comité des finances locales et les élus seront
évidemment associés.
M. le président. La
parole est à M. Alain Bocquet.
M. Alain Bocquet. Je
vous remercie, monsieur le ministre, de ces informations. Vous avez évoqué les
trois communes de Lieu-Saint-Amand, Hordain et Trith-Saint-Léger. Moi, je vous
parle des communes les plus pauvres qui, dans l'agglomération, subissent les
conséquences négatives de l'écrêtement, et je vais vous donner des éléments
complémentaires qui montrent qu'elles sont victimes de leur participation à une
communauté d'agglomération, compte tenu du fait qu'existent sur leur territoire
des communes plus « riches ».
D'abord, les anciens écrêtements
ont été remplacés par un prélèvement. Ce prélèvement devrait normalement
intervenir sur le compte du Trésor de la communauté d'agglomération. Or l'Etat
procède par une compensation sur les recettes fiscales de TPU. Cette modalité
est totalement contradictoire avec les règles de base de la comptabilité
publique. Il ne peut normalement y avoir compensation entre recettes et
dépenses. Cela entraîne une violation de la règle de l'universalité budgétaire.
Des conséquences importantes risquent de découler de cette pratique. En
diminuant les recettes fiscales des collectivités, l'Etat intervient sur le
coefficient d'intégration fiscale et fait diminuer en conséquence la dotation
globale de fonctionnement.
Par
ailleurs, le fonds départemental de péréquation de la taxe professionnelle est
redistribué de façon très discutable. Il est alimenté par les prélèvements
effectués par l'Etat sur les recettes fiscales des communautés d'agglomération.
La communauté d'agglomération de la Porte du Hainaut possède sur son territoire
deux unités automobiles qui fournissent à elles seules 60 % du fonds
départemental. La fiscalité produite sur le Valenciennois, reconnu Objectif I,
est en conséquence largement redistribuée sur l'ensemble du territoire
départemental, où existent pourtant d'autres unités importantes : automobiles,
par exemple, dans le Maubeugeois ou le Douaisis, nucléaire dans le Dunkerquois,
vente par correspondance dans la région de Lille-Roubaix-Tourcoing, grandes
surfaces dans l'arrondissement de Lille. C'est donc curieusement le
Valenciennois, l'arrondissement le plus pauvre, le plus touché par le chômage,
qui redistribue le plus aux autres arrondissements. Il y a là une incohérence
totale.
M. Gilbert Meyer.
Cela relève du département.
M. Alain Bocquet.
Enfin, il y a les délais de règlement de l'attribution du fonds départemental.
Alors que les prélèvements sont effectués par l'Etat de janvier à mars,
l'attribution à la communauté d'agglomération de sa part du fonds départemental
de péréquation n'intervient que deux ans après le prélèvement. L'administration
indique qu'elle ne peut redistribuer ces sommes tant que le conseil général n'a
pas pris sa décision, ce qui est vrai. En ce qui concerne les communautés
d'agglomération, cette part, fixée à 20 % de la contribution, constitue un
minimum. Il n'y a donc aucune raison pour que cette part ne soit pas rétrocédée
immédiatement. Toute autre méthode entraîne, vous le savez, des frais financiers
pour les EPCI et des produits financiers pour l'Etat.
Voilà des problèmes concrets. C'est
compliqué mais on voit qu'il y a une injustice. Une agglomération qui se
constitue avec une zone particulièrement en difficulté à la suite de la crise de
la sidérurgie se voit taxée dans les endroits les plus en difficulté.
Il y a un problème de péréquation,
vous l'avez évoqué. Je souhaite savoir au plus tôt, et éventuellement dans
l'immédiat, quelle mesure pourrait être prise pour compenser un peu. Je pense
notamment à des villes comme Denain, Condé et Raismes, dont le budget est
sérieusement handicapé. Il faudra ensuite une réflexion plus globale dans le
cadre de la discussion qui va s'engager avec les élus locaux, pour essayer de
trouver un système de péréquation qui ne pénalise pas les zones les plus en
difficulté et les plus pauvres.
En définitive, si on se solidarise
et si on s'installe en comité d'agglomération, comme c'est le cas pour les
trente-huit communes que j'ai l'honneur de présider, et que cela se traduit par
l'obligation d'instaurer une prime de solidarité pour les communes, on ne peut
pas trouver de solutions pour investir et aider au développement économique.
C'est un handicap supplémentaire qui s'impose à nous.
Voilà pourquoi je voulais soulever
cette question, un peu complexe mais qui pose un problème de fond en matière
fiscale, notamment dans les agglomérations les plus en difficulté. Ce n'est sans
doute pas le cas de l'ensemble des agglomérations.
M. le président. La
parole est à M. le ministre.
M. le ministre délégué aux
libertés locales. Votre question est tout à fait pertinente, monsieur
Bocquet. En fait, elle soulève le problème de la concurrence en termes de
solidarité entre l'EPCI et le département. La péréquation se fait au profit du
département, et non de la communauté d'agglomération.
M. Gilbert Meyer.
C'est le département qui répartit.
M. le ministre délégué aux
libertés locales. C'est évidemment au département de faire la
compensation. Quand il y a dans une communauté d'agglomérations de grandes
disparités avec des communes en grande difficulté par rapport à d'autres qui ont
une forte ressource, laquelle est écrêtée au profit d'une solidarité qui
s'exerce au niveau départemental alors que la communauté d'agglomération a
vocation à exercer une solidarité entre elles, il y a évidemment une
difficulté.
Cette difficulté n'a
pas été prise en compte par la loi de 1999. C'est pour cela qu'une réforme est
nécessaire. J'espère que vous nous aiderez à la conduire.