FICHE QUESTION
12ème législature
Question N° : 83  de  M.   Bocquet Alain ( Député-e-s Communistes et Républicains - Nord ) QOSD
Ministère interrogé :  budget
Ministère attributaire :  libertés locales
Question publiée au JO le :  13/01/2003  page :  128
Réponse publiée au JO le :  15/01/2003  page :  23
Date de changement d'attribution :  13/01/2003
Rubrique :  impôts locaux
Tête d'analyse :  taxe professionnelle
Analyse :  communautés d'agglomération. réglementation
Texte de la QUESTION : M. Alain Bocquet attire l'attention de M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire sur la situation suivante. Regroupant trente-huit communes et quelque 145 000 habitants, la communauté d'agglomération de la Porte du Hainaut est située dans l'arrondissement de Valenciennes, seul arrondissement à bénéficier, au niveau européen, des fonds de l'Objectif I. Cette reconnaissance au niveau européen de la profondeur de la crise qu'a subie le Valenciennois - certaines villes de notre territoire comme Denain comportent 78 % de contribuables non imposés, dont les trois quarts déclarent moins de 50 000 francs par an de revenus - est battue en brèche par les conséquences de la loi de 1999 sur nos communes. Le potentiel fiscal communal continue à être calculé sur les quatre taxes locales, alors même que les communes regroupées en communauté d'agglomération ne perçoivent plus la taxe professionnelle. De plus, toute augmentation de la base de taxe professionnelle est répartie sur les potentiels fiscaux des communes proportionnellement au nombre de leurs habitants. On aboutit ainsi à un calcul totalement artificiel qui ne reflète en rien la richesse des communes et vient de surcroît pénaliser les plus pauvres et les plus peuplées d'entre elles. C'est ainsi que la commune de Raismes perd cette année 167 700 euros ; celle d'Escaudain, 100 000 euros. Sommes supérieures à la capacité d'autofinancement de ces villes et ces pertes conduisent à un déséquilibre budgétaire lourd. Or cette situation qui concerne l'ensemble des communes du territoire national regroupées en communautés d'agglomérations, frappe doublement celles constituant aujourd'hui la communauté d'agglomération de la Porte du Hainaut. De tradition minière et sidérurgique mais durement frappée par la crise, cette région a bénéficié de l'installation d'unités de production automobile. Cette création s'est notamment effectuée dans des zones rurales, générant donc un écrêtement des bases de taxe professionnelle considérable (13,7 millions d'euros de perte de produit fiscal soit 60 % des écrêtements du département du Nord). Ces bases ne profitent pas aux communes ni à la communauté d'agglomération de la Porte du Hainaut et le produit qui leur correspond est redistribué par l'intermédiaire du fonds départemental de péréquation. Cependant, elles ont été réintégrées elles aussi dans le calcul du potentiel fiscal des villes et entraînent l'effondrement de la dotation de solidarité urbaine, du Fonds national de péréquation... Aujourd'hui, le maintien du dispositif en l'état condamne les communes les plus pauvres à l'asphyxie. Et ce cas de figure concerne quelques communautés en France, là où se sont établies de très grosses unités de production après la disparition des industries primaires. La communauté d'agglomération de la vallée de la Fensch est, par exemple, frappée par le même phénomène. Tenant compte de l'ensemble de ces éléments et difficultés, il lui demande en conséquence de modifier dans l'immédiat et ce, dès l'exercice 2002, le mode de calcul du potentiel fiscal des communes appartenant à une communauté d'agglomération, en excluant du calcul les bases correspondant aux anciens écrêtements pratiqués au moment de la création de la communauté d'agglomération et de ne comptabiliser pour l'avenir, dans le calcul du potentiel fiscal des communes regroupées en communauté d'agglomération, que la base de taxe professionnelle figée au niveau de l'année précédant la création de la communauté d'agglomération.
Texte de la REPONSE :

SITUATION FISCALE DE LA COMMUNAUTÉ
D'AGGLOMÉRATION DE LA PORTE DU HAINAUT
DANS LE NORD

    M. le président. La parole est à M. Alain Bocquet pour exposer sa question, n° 83, relative à la situation fiscale de la communauté d'agglomération de la Porte du Hainaut dans le Nord.
    M. Alain Bocquet. Monsieur le président, je vous remercie et je souhaite bonne année à tous.
    Monsieur le ministre délégué aux libertés locales, la communauté d'agglomération de la Porte du Hainaut, qui regroupe 38 communes et quelques 145 000 habitants, est située dans l'arrondissement de Valenciennes, lequel bénéficie des fonds structurels au titre de l'objectif 1. C'est dire son faible niveau de ressources et de moyens.
    Cette reconnaissance au niveau européen de la profondeur de la crise qu'à subie le Valenciennois : certaines villes de notre territoire, telle Denain, comptent 78 % de contribuables non imposés dont les trois quarts déclarent moins de 50 000 francs par an de revenus. Or cette situation peu enviable a été brutalement aggravée par les conséquences de la loi de 1999. Alors même que les communes regroupées en communautés d'agglomération ne perçoivent plus la taxe professionnelle, le potentiel fiscal continue à être calculé sur les quatre taxes locales. De surcroît, toute augmentation de la base de la taxe professionnelle se voit intégrée dans les potentiels fiscaux des communes membres proportionnellement au nombre de leurs habitants. Le résultat de ce calcul artificiel ne reflète en rien la richesse des communes et vient de surcroît pénaliser les plus pauvres et les plus peuplées d'entre elles. C'est ainsi que la commune de Raismes perd cette année 167 700 euros et celle d'Escaudain 100 000 euros, soit davantage que la capacité d'autofinancement de ces villes ! De telles pertes conduisent inévitablement à un lourd déséquilibre budgétaire.
    Si l'ensemble des communes du territoire national regroupées en communautés d'agglomération sont ainsi frappées, celles qui constituent la communauté d'agglomération de la Porte du Hainaut le sont doublement. Cette région de tradition minière et sidérurgique, terriblement touchée par la crise, a bénéficié depuis de l'installation d'unités de production automobile. Mais ces créations se sont surtout localisées dans des zones rurales, générant par le fait un écrêtement considérable des bases de taxe professionnelle : 13,7 millions d'euros de pertes de produit fiscal, soit 60 % des écrêtements du département du Nord ! Ces bases ne profitent ni aux communes ni à la communauté d'agglomération de la Porte du Hainaut, et le produit qui leur correspond est redistribué par l'intermédiaire du fonds départemental de péréquation. Ce qui ne les a pas empêchées d'être elles aussi réintégrées dans le calcul du potentiel fiscal des villes, entraînant l'effondrement de la dotation de solidarité urbaine du fonds national de péréquation.
    Le maintien du dispositif en l'état condamne les communes les plus pauvres à l'asphyxie. Ce cas de figure concerne quelques communautés en France, celles notamment où se sont établies de très grosses unités de production après la disparition des industries primaires. Ainsi la communauté d'agglomération de la vallée de la Fensch, en Lorraine, est victime du même phénomène.
    Aussi, monsieur le ministre, compte tenu de l'ensemble de ces éléments et de ces difficultés, je vous demande d'abord de modifier, dès l'exercice 2002, le mode de calcul du potentiel fiscal des communes appartenant à une communauté d'agglomération en excluant les bases correspondant aux anciens écrêtements pratiqués au moment de la création de la communauté d'agglomération, ensuite de ne comptabiliser pour l'avenir, dans le calcul du potentiel fiscal des communes regroupées en communautés d'agglomération, que la base de taxe professionnelle figée au niveau de l'année précédant la création de la communauté d'agglomération.
    M. le président. La parole est à M. le ministre délégué aux libertés locales.
    M. Patrick Devedjian, ministre délégué aux libertés locales. Monsieur le président Bocquet, le potentiel fiscal est, vous le savez, un indicateur utilisé pour comparer la richesse potentielle des différentes collectivités. Obtenu en appliquant aux bases d'imposition aux quatre taxes directes locales les taux moyens nationaux d'imposition à chacune de ces taxes, il correspond en fait au montant que percevrait la collectivité si elle appliquait une politique fiscale moyenne.
    S'agissant des communes membres des communautés d'agglomération, comme de l'ensemble des communes membres d'établissements publics de coopération intercommunale à taxe professionnelle unique, le calcul du potentiel fiscal est toutefois affecté par plusieurs spécificités qui concernent les bases de la taxe professionnelle prises en compte.
    C'est ainsi que la loi du 28 décembre 1999 a prévu un calcul particulier consistant à ajouter aux bases de taxe professionnelle de la commune l'année précédant le passage en taxe professionnelle unique une quote-part de la variation des bases totales de l'EPCI constatée d'une année sur l'autre. Cette quote-part correspond à la part de la population de chacune des communes membres de l'EPCI au sein de la population totale de cet EPCI.
    Ce calcul particulier est fondé sur les principes suivants : la prise en compte des bases de taxe professionnelle de l'année précédant le passage en TPU correspond à ce que les communes perçoivent en termes d'attribution de compensation, et économisent en termes de charges transférées. La ventilation de la variation annuelle des bases de l'EPCI permet de prendre en compte dans le potentiel fiscal des communes le surcroît de richesses retiré par chaque commune de l'existence de l'EPCI, qui se traduit notamment par l'accroissement des services rendus aux habitants, voire par un accroissement des politiques de solidarité communautaire.
    A défaut de cette répartition entre toutes les communes membres de l'EPCI des augmentations de bases de taxe professionnelle, seule la ou les communes sur lesquelles ces bases sont géographiquement implantées verraient leur potentiel fiscal augmenter, alors même que ces communes ne mobilisent plus la taxe professionnelle, qui est dorénavant levée au niveau communautaire.
    Il convient de préciser que le calcul des bases de taxe professionnelle prises ainsi en compte pour la détermination du potentiel fiscal tient naturellement compte, lorsqu'ils existent, des écrêtements ou des prélèvements de taxe professionnelle opérés au profit des fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle.
    En l'occurrence, s'agissant de la communauté d'agglomération de la Porte du Hainaut, je peux vous assurer que les trois communes de Hordain, Lieu-Saint-Amand et Trith-Saint-Léger, sur lesquelles est opéré un prélèvement de taxe professionnelle au profit du fonds départemental de péréquation, bénéficient bien d'une réduction parallèle des bases de taxe professionnelle prises en compte dans le calcul du potentiel fiscal.
    Le fait que l'ancien écrêtement, qui était pratiqué sur ces communes, ait été remplacé, en raison de la constitution de la communauté d'agglomération, par un mécanisme de prélèvement, n'a en l'espèce pas modifié le mode de calcul du potentiel fiscal des communes. Ce sont bien des bases diminuées des montants versés au fonds départemental de péréquation qui sont prises en compte dans le calcul du potentiel fiscal. Il me semble donc qu'il n'y a pas lieu de modifier la loi sur ce point.
    En revanche, votre seconde demande, qui vise à ne plus tenir compte à l'avenir dans le calcul du potentiel fiscal que des bases de taxe professionnelle figées à l'année précédant la création de la communauté d'agglomération, rejoint des interrogations émises par de nombreux acteurs. Il apparaît en effet que le mode de calcul actuel du potentiel fiscal n'est parfois plus très clairement compris ou accepté par les élus locaux.
    Il appartiendra à la concertation qui va se nouer cette année autour de la réforme des dotations de l'Etat aux collectivités locales d'apprécier l'opportunité d'une évolution sur ce point. Le Gouvernement est favorable à une évolution. Un certain nombre de travaux ont déjà été réalisés et des propositions avancées. Il convient toutefois de relier ce sujet à la réflexion plus large qui entoure la réforme des dotations de l'Etat aux collectivités locales, et notamment aux dotations de péréquation, qui doit être traitée de manière globale, et non segment par segment.
    Vous le savez, le projet de réforme constitutionnelle fait de la péréquation un principe constitutionnel et nous devrons, si elle est adoptée, réviser totalement nos mécanismes de péréquation. Cela ne peut se faire que dans une vaste réforme des dotations à laquelle le Parlement, mais aussi le comité des finances locales et les élus seront évidemment associés.
    M. le président. La parole est à M. Alain Bocquet.
    M. Alain Bocquet. Je vous remercie, monsieur le ministre, de ces informations. Vous avez évoqué les trois communes de Lieu-Saint-Amand, Hordain et Trith-Saint-Léger. Moi, je vous parle des communes les plus pauvres qui, dans l'agglomération, subissent les conséquences négatives de l'écrêtement, et je vais vous donner des éléments complémentaires qui montrent qu'elles sont victimes de leur participation à une communauté d'agglomération, compte tenu du fait qu'existent sur leur territoire des communes plus « riches ».
    D'abord, les anciens écrêtements ont été remplacés par un prélèvement. Ce prélèvement devrait normalement intervenir sur le compte du Trésor de la communauté d'agglomération. Or l'Etat procède par une compensation sur les recettes fiscales de TPU. Cette modalité est totalement contradictoire avec les règles de base de la comptabilité publique. Il ne peut normalement y avoir compensation entre recettes et dépenses. Cela entraîne une violation de la règle de l'universalité budgétaire. Des conséquences importantes risquent de découler de cette pratique. En diminuant les recettes fiscales des collectivités, l'Etat intervient sur le coefficient d'intégration fiscale et fait diminuer en conséquence la dotation globale de fonctionnement.
    Par ailleurs, le fonds départemental de péréquation de la taxe professionnelle est redistribué de façon très discutable. Il est alimenté par les prélèvements effectués par l'Etat sur les recettes fiscales des communautés d'agglomération. La communauté d'agglomération de la Porte du Hainaut possède sur son territoire deux unités automobiles qui fournissent à elles seules 60 % du fonds départemental. La fiscalité produite sur le Valenciennois, reconnu Objectif I, est en conséquence largement redistribuée sur l'ensemble du territoire départemental, où existent pourtant d'autres unités importantes : automobiles, par exemple, dans le Maubeugeois ou le Douaisis, nucléaire dans le Dunkerquois, vente par correspondance dans la région de Lille-Roubaix-Tourcoing, grandes surfaces dans l'arrondissement de Lille. C'est donc curieusement le Valenciennois, l'arrondissement le plus pauvre, le plus touché par le chômage, qui redistribue le plus aux autres arrondissements. Il y a là une incohérence totale.
    M. Gilbert Meyer. Cela relève du département.
    M. Alain Bocquet. Enfin, il y a les délais de règlement de l'attribution du fonds départemental. Alors que les prélèvements sont effectués par l'Etat de janvier à mars, l'attribution à la communauté d'agglomération de sa part du fonds départemental de péréquation n'intervient que deux ans après le prélèvement. L'administration indique qu'elle ne peut redistribuer ces sommes tant que le conseil général n'a pas pris sa décision, ce qui est vrai. En ce qui concerne les communautés d'agglomération, cette part, fixée à 20 % de la contribution, constitue un minimum. Il n'y a donc aucune raison pour que cette part ne soit pas rétrocédée immédiatement. Toute autre méthode entraîne, vous le savez, des frais financiers pour les EPCI et des produits financiers pour l'Etat.
    Voilà des problèmes concrets. C'est compliqué mais on voit qu'il y a une injustice. Une agglomération qui se constitue avec une zone particulièrement en difficulté à la suite de la crise de la sidérurgie se voit taxée dans les endroits les plus en difficulté.
    Il y a un problème de péréquation, vous l'avez évoqué. Je souhaite savoir au plus tôt, et éventuellement dans l'immédiat, quelle mesure pourrait être prise pour compenser un peu. Je pense notamment à des villes comme Denain, Condé et Raismes, dont le budget est sérieusement handicapé. Il faudra ensuite une réflexion plus globale dans le cadre de la discussion qui va s'engager avec les élus locaux, pour essayer de trouver un système de péréquation qui ne pénalise pas les zones les plus en difficulté et les plus pauvres.
    En définitive, si on se solidarise et si on s'installe en comité d'agglomération, comme c'est le cas pour les trente-huit communes que j'ai l'honneur de présider, et que cela se traduit par l'obligation d'instaurer une prime de solidarité pour les communes, on ne peut pas trouver de solutions pour investir et aider au développement économique. C'est un handicap supplémentaire qui s'impose à nous.
    Voilà pourquoi je voulais soulever cette question, un peu complexe mais qui pose un problème de fond en matière fiscale, notamment dans les agglomérations les plus en difficulté. Ce n'est sans doute pas le cas de l'ensemble des agglomérations.
    M. le président. La parole est à  M. le ministre.
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Votre question est tout à fait pertinente, monsieur Bocquet. En fait, elle soulève le problème de la concurrence en termes de solidarité entre l'EPCI et le département. La péréquation se fait au profit du département, et non de la communauté d'agglomération.
    M. Gilbert Meyer. C'est le département qui répartit.
    M. le ministre délégué aux libertés locales. C'est évidemment au département de faire la compensation. Quand il y a dans une communauté d'agglomérations de grandes disparités avec des communes en grande difficulté par rapport à d'autres qui ont une forte ressource, laquelle est écrêtée au profit d'une solidarité qui s'exerce au niveau départemental alors que la communauté d'agglomération a vocation à exercer une solidarité entre elles, il y a évidemment une difficulté.
    Cette difficulté n'a pas été prise en compte par la loi de 1999. C'est pour cela qu'une réforme est nécessaire. J'espère que vous nous aiderez à la conduire.

CR 12 REP_PUB Nord-Pas-de-Calais O