Texte de la REPONSE :
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STATUT DE LA MAISON DE LA CULTURE D'AMIENS
M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz, pour exposer sa question, n° 861, relative au statut de la maison de la culture d'Amiens.
M. Maxime Gremetz. Monsieur le ministre de la culture et de la communication, c'est avec stupeur et indignation que les Amiénoises et les Amiénois ont appris le licenciement brutal, pour faute grave, de M. Jacques Pornon, directeur de la première maison de la culture inaugurée par André Malraux. Je m'en suis d'ailleurs, à deux reprises, entretenu avec vous.
Comme vous le savez, un directeur d'une scène nationale est nommé sur la base d'un projet culturel qu'il propose et qu'il défend. Depuis deux ans, c'est ce que M. Jacques Pornon s'est attaché à faire en plaçant au coeur de son projet la mise en relation des artistes avec les publics, notamment grâce au développement des résidences de création.
Pourtant, sans qu'aucune évaluation de son bilan ne soit réalisée, et alors même que les statuts l'imposent, il est licencié précipitamment pour " faute grave ", cinq jours avant la présentation de la saison qu'il a préparée. Je vous ai remis l'ensemble du dossier, monsieur le ministre. Les motifs invoqués pour ce licenciement reposent principalement sur son refus d'appliquer des décisions contraires aux statuts de la maison de la culture, sur le plan tant de la gestion que du projet artistique.
La surprise des Amiénois est d'autant plus vive qu'ils ont appris qu'il était également envisagé, à l'initiative d'Amiens Métropole et du conseil général de la Somme, de mettre un terme, le 1er janvier 2005, au statut associatif de la maison de la culture.
En dehors du problème humain, c'est la préservation de l'indépendance historique de la maison de la culture d'Amiens qui nous préoccupe, comme elle préoccupe des milliers d'intellectuels français. Amiens et Metz ont même organisé des actions de soutien à M. Jacques Pornon. Si je vous ai saisi de ce problème, monsieur le ministre, c'est parce que l'État est, seul, garant de l'égalité d'accès des citoyens à un service public.
Voilà donc une affaire dont on ne peut dire aujourd'hui si l'origine se trouve dans une incompétence, dans une volonté de faire mal, dans le désir de placer quelque affidé désoeuvré, peut-être déjà prêt en coulisses pour mettre en place une politique culturelle libérale dans une parfaite ignorance des choses de l'art, de la démocratie et de l'histoire de notre pays.
En tout état de cause, l'indépendance culturelle de cet établissement est véritablement posée.
Monsieur le ministre, je le répète, nous nous sommes rencontrés deux fois pour faire le point sur ce dossier, mais je souhaite que vous vous exprimiez à nouveau sur ce sujet devant la représentation nationale. En effet, au-delà du problème humain qu'il nous faut régler, c'est la conception même de la liberté d'expression, de la création, bref de la culture si bien définie par André Malraux, qui est en jeu.
M. le président. La parole est à M. le ministre de la culture et de la communication.
M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le député, je suis très attaché, vous le savez, à la liberté d'expression ainsi qu'à tous ces lieux de culture dont le rayonnement est très important. Je sais cependant que des conflits peuvent se produire. Tel est le cas actuellement à Montpellier, dans le domaine des lettres et du livre, où nous essayons d'apaiser un lourd contentieux.
Vous avez souhaité appeler mon attention sur la situation actuelle de la maison de la culture d'Amiens et la récente décision de sa présidente de lancer une procédure de licenciement à l'encontre de son directeur, M. Jacques Pornon. Il est évidemment regrettable que cette décision soit apparue comme la seule issue à la détérioration des relations entre M. Pornon et le conseil d'administration, en particulier à propos de la place et du financement du label discographique Label bleu, spécialisé dans le jazz.
Que les choses soient claires : il s'agit non pas d'un règlement de comptes fondé sur des questions politiques, mais d'un débat de fond sur le contenu d'un certain nombre d'activités de la maison de la culture, qui fait partie des grands lieux de rayonnement culturel dans notre pays.
Mes services centraux et déconcentrés assurent le suivi régulier et la tutelle de la maison de la culture, qui reçoit de l'État une subvention annuelle de 1,6 million d'euros sur un budget total de 4,5 millions d'euros. C'est dire combien l'État se préoccupe du bon fonctionnement de ce lieu. Cette forte implication financière témoigne à elle seule de l'attachement de mon ministère à cet établissement qui a joué un rôle éminent dans l'histoire de la décentralisation culturelle et qui continue d'être un acteur majeur de la création artistique, pour le bénéfice de larges publics.
Je tiens ici à réaffirmer cet attachement et à vous assurer que je veille d'ores et déjà personnellement à ce que les conditions d'un climat apaisé soient rapidement réunies à nouveau. À cette fin, M. Jacques Pornon a été reçu par un de mes collaborateurs et j'ai demandé à mon directeur de cabinet de rencontrer Mme Abert, présidente du conseil d'administration de la maison de la culture, afin d'explorer avec elle toutes les voies possibles de la reprise du dialogue.
Par ailleurs, la création d'un établissement public de coopération culturelle, actuellement en préparation, pour remplacer l'association gestionnaire de la maison de la culture, sera l'occasion de préciser la place et les modalités de fonctionnement du label au sein de l'établissement.
En d'autres termes, je souhaite, pour l'avenir, que soient réunies toutes les conditions techniques, financières et politiques d'un plus grand rayonnement de la maison de la culture d'Amiens. Parce qu'il est très difficile de sortir de conflits qui ont dégénéré, j'ai demandé aux directions régionales des affaires culturelles, depuis que j'assume la responsabilité de la culture et de la communication, de me tenir informé en temps réel dès que surgit un problème afin d'être en mesure de le régler avant que la situation ne s'enlise. C'est ainsi que je conçois mes fonctions : je ne me contente pas de fournir les moyens de l'action culturelle, je tiens aussi à être un médiateur, mais, pour cela, il faut que je sois saisi en temps opportun.
M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.
M. Maxime Gremetz. J'apprécie, monsieur le ministre, votre volonté d'essayer de sortir de ce conflit par le haut.
Quand nous parlons du conseil d'administration, il faut savoir comment celui-ci est nommé. Par ailleurs, je vous informe que des milliers d'utilisateurs de la maison de la culture apportent leur soutien à M. Pornon, qui a contribué à en faire un lieu de culture vivant, car, au-delà de l'homme, il s'agit du rayonnement culturel de l'établissement.
Je me pose la question de savoir comment on en est arrivé à décider le licenciement d'un directeur d'une scène nationale, sans avoir procédé au préalable à l'évaluation, prévue par les statuts, de son action. Cette question me préoccupe. M. Pornon a appliqué le cahier des charges. Quand on lui impose de financer d'autres choix que les siens sur le budget destiné à la création, je comprends qu'il puisse ne pas être d'accord. En l'occurrence, je ne prends pas parti ; je m'en tiens aux faits.
Néanmoins, je m'étonne de la décision brutale du conseil d'administration de licencier, sur le champ, et pour faute grave, le directeur de la maison de la culture, sans que nous en connaissions la motivation. Je vous ai remis, monsieur le ministre, cette lettre de licenciement. Vous jugerez vous-même.
Je souhaite que vous me teniez informé, comme vous l'avez fait depuis le début - je le reconnais volontiers, car je ne suis pas de ceux qui critiquent systématiquement sans raison - car la préoccupation de la population et des milieux culturels, à Amiens comme dans toute la France, demeure vive.
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