Texte de la QUESTION :
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M. Jean Proriol souhaite faire part à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales des conclusions concomitantes auxquelles conduisent de récentes études sur la situation des exploitations de production laitière en Haute-Loire. Avec 376 millions de litres produits, le département est en volume le deuxième du Sud-Est et le premier de la région Auvergne. II se place au dix-huitième rang national. Pourtant, un regard historique n'est guère encourageant : en vingt ans, plus de 5 300 producteurs de lait ont disparu, le nombre de livreurs aux laiteries passant au-dessous de 3 000 l'année passée. Le constat selon lequel, durant les vingt dernières années, la production n'a pas baissé et a même, ne fusse que légèrement, progressé, démontrerait la vitalité et la dynamique d'exploitation. La rationalisation de la production et la logique d'entreprise ont de fait succédé aux méthodes de la paysannerie d'antan. Selon une simulation réalisée par la commission lait de la chambre d'agriculture de la Haute-Loire, le département devrait encore perdre 40 % de ses exploitations laitières d'ici 2010. Les « années lait » sont bien derrière nous ; d'autant que la génération du baby boom partira très prochainement en retraite et contribuera au phénomène. Le récent rapport « Quelle France rurale pour 2020 » remis par la DATAR en septembre 2003 a pointé une évolution disparate de nos territoires ruraux autour de trois idéaux-types de campagnes. Le Massif central y intègre les campagnes les plus fragiles, marquées par un double recul économique et démographique. Le gouvernement français doit pouvoir accompagner ces changements par des politiques volontaristes. Deux volets méritent d'être relevés, le premier qui appelle des précisions, le second sans doute des mesures. En premier lieu, l'application de la réforme de la politique agricole commune, même si pour l'heure les quotas laitiers sont maintenus, aura nécessairement des conséquences sur le prix du lait et donc sur le devenir des exploitations. Même si le récent débat parlementaire sur l'application de la politique agricole commune a permis de rappeler les grands axes de son action, il lui demande d'apporter des éléments sur l'accompagnement envisagé de ses effets sur les petites exploitations laitières. En second lieu, il est indispensable de mettre en oeuvre des mesures de valorisation de la production laitière pour soutenir nos exploitations. Le renforcement de la visibilité de la spécificité de la production de moyenne montagne est une piste. Il lui demande quelles mesures concrètes il compte prendre pour éviter que la diminution du nombre des exploitations ne soit un facteur pénalisant pour la dynamique de nos territoires ruraux. Enfin, nous comptons aussi, plus globalement, sur des quotas suffisants de préretraite susceptibles de permettre un transfert rapide des exploitations et l'installation de jeunes agriculteurs. Des candidats sont préparés ; diplômes en poche. Or, seulement six quotas sont annoncés pour notre département. L'année passée, sur 108 installations aidées, quarante le furent grâce aux préretraites. Il lui demande ce qu'il compte faire pour aider nos jeunes à parvenir à s'installer.
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Texte de la REPONSE :
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AVENIR DES EXPLOITATIONS LAITIÈRES
EN HAUTE-LOIRE
M. le président. La parole est à M. Jean Proriol, pour exposer sa question, n° 870, relative à l'avenir des exploitations laitières en Haute-Loire.
M. Jean Proriol. Monsieur le secrétaire d'État à l'agriculture, je souhaite appeler votre attention sur les conclusions concomitantes auxquelles conduisent de récentes études sur la situation des exploitations de production laitière dans le Massif Central en général et en Haute-Loire en particulier. La Haute-Loire, qui produit 376 millions de litres de lait est, en volume, le deuxième département du Sud-Est et le premier de la région Auvergne. Il se place au dix-huitième rang national.
Pourtant, un regard historique ne laisse pas d'inquiéter : en vingt ans, plus de 5 300 producteurs de lait ont disparu, le nombre de livreurs aux laiteries étant passé au-dessous de 3 000 l'an passé. Le constat selon lequel, durant les vingt dernières années, la production n'a pas baissé et a même, ne fût-ce que légèrement, progressé, démontrerait la vitalité et la dynamique du secteur.
Un autre constat peut être établi. Selon une simulation réalisée par la commission " lait " de la chambre d'agriculture de la Haute-Loire, le département devrait encore perdre 40 % de ses exploitations laitières d'ici 2010. Les " années lait " sont bien derrière nous ; d'autant plus que la génération d'agriculteurs issue du baby boom partira très prochainement à la retraite, ce qui contribuera à accentuer le phénomène.
Par ailleurs, un récent rapport de la DATAR, intitulé " Quelle France rurale pour 2020 ? " a pointé une évolution disparate de nos territoires ruraux.
Monsieur le secrétaire d'État, j'appelle votre attention sur cette tendance, parce que le Gouvernement français doit pouvoir prévenir, et même accompagner de tels changements par des politiques volontaristes.
En premier lieu, l'application de la réforme de la PAC - pour l'heure, certes, les quotas laitiers sont maintenus - aura nécessairement des conséquences sur le prix du lait et donc sur le devenir des exploitations. Même si le récent débat parlementaire sur l'application de la PAC a permis de rappeler les grands axes de votre action, pourriez-vous apporter des éléments sur l'accompagnement envisagé de ses effets sur les petites exploitations laitières ?
En deuxième lieu, il est indispensable de mettre en oeuvre des mesures de valorisation de la production laitière en vue de soutenir nos exploitations. Le renforcement de la visibilité de la spécificité de la production de moyenne montagne est une piste. Quelles mesures concrètes envisagez-vous de prendre afin d'éviter que la diminution du nombre des exploitations ne soit un facteur pénalisant pour la dynamique de nos territoires ruraux ?
Enfin - c'est un point tout aussi capital -, nous comptons, plus globalement, sur des quotas suffisants de préretraite, susceptibles de permettre un transfert rapide des exploitations et l'installation de jeunes agriculteurs. Des candidats se sont préparés, qui ont les diplômes en poche. Or, seulement six quotas de préretraite sont annoncés pour notre département en 2004. L'an passé, sur 108 installations aidées, quarante le furent grâce aux préretraites. Depuis l'automne 2003, près de 120 candidats à l'installation se sont fait connaître mais près de cinquante de ces projets dépendent des dossiers de préretraite.
Comment se sortir de cette impasse autrement qu'en obtenant une rallonge très importante du nombre de dossiers finançables ? Voilà un département où les installations sont nombreuses - plus de cent durant deux années consécutives - mais elles dépendent d'un financement préalable des préretraites. Les jeunes attendent. Quelle réponse allez-vous leur donner, monsieur le secrétaire d'État ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État à l'agriculture, à l'alimentation, à la pêche et aux affaires rurales.
M. Nicolas Forissier, secrétaire d'État à l'agriculture, à l'alimentation, à la pêche et aux affaires rurales. Je reconnais votre compétence, monsieur Proriol, sur ces questions agricoles, tout particulièrement laitières. Vous êtes l'élu d'un département, la Haute-Loire où, vous le savez, j'ai des souvenirs d'enfance.
Vous évoquez l'ensemble de la problématique de la filière laitière, ainsi que la question des préretraites et l'installation des jeunes dans votre département et en Auvergne, plus généralement.
J'ai encore eu récemment l'occasion de rencontrer le bureau de la chambre régionale d'agriculture d'Auvergne. Nous avons pu évoquer très concrètement ces questions. Je souhaite vous donner des réponses précises.
Vous avez évoqué la diminution du nombre de producteurs, mais vous reconnaissez néanmoins le maintien, voire la dynamisation de la filière laitière, dans son ensemble, notamment dans ses résultats économiques.
Il n'est donc pas certain, comme vous le prétendez, que les " années lait " soient derrière nous. En effet, la filière laitière joue un rôle essentiel dans notre économie, notamment pour nos territoires ruraux. Elle emploie 400 000 salariés en France, dont 300 000 environ au stade de la production. La France est le deuxième producteur européen - elle produit 23,5 millions de tonnes de lait de vache. Notre pays est un exportateur de produits laitiers compétitif : il a dégagé l'an dernier un excédent commercial de 2 milliards d'euros, ce qui est considérable - le quart du solde de la balance commerciale agroalimentaire.
Je tiens également à vous le rappeler, dans le cadre d'un débat préparatoire au plan de partenariat sur l'industrie agroalimentaire que le Premier ministre m'a demandé de préparer, nous avons récemment insisté sur l'enjeu important que représente l'évolution des mix-produits, en vue d'atteindre le niveau de nos voisins et concurrents, et sur l'équilibre de la répartition entre les produits industriels - lait, poudre de lait et beurre - et les produits transformés de grande consommation, à plus grande valeur ajoutée. J'ai évoqué la question à Niort devant les responsables des coopératives.
Vous
avez évoqué la politique agricole commune : nous devons tenir bon. L'entrée en
vigueur en 2004 des décisions prises à Berlin en 1999 et complétées en 2003 à
Luxembourg modifiera profondément l'organisation commune de marché du lait en
Europe. L'accord de Luxembourg préserve - la France
s'est battue à cette fin, je tiens à vous le rappeler - les principes essentiels
de la PAC, notamment les outils de régulation économique des marchés et, je le
souligne, nous avons obtenu la préservation des quotas laitiers jusqu'en 2015,
ce qui procure aux producteurs une visibilité essentielle. La France a également obtenu que la baisse des prix
d'intervention, demandée par la Commission européenne, soit réduite et ne
concerne que le beurre, qui ne représente chez nous que 11 % de la
transformation du lait. Elle a, en outre, obtenu que cette baisse soit compensée
à 82 %, soit un taux supérieur aux compensations prévues dans l'accord de
Berlin. Comme vous le savez, la baisse des prix
d'intervention sur la poudre de lait et le beurre, qui débutera au 1er juillet
2004, fera l'objet d'une compensation par une aide directe calculée sur la base
du quota laitier détenu par chaque producteur. Cette aide sera totalement
découplée de la production laitière à partir de 2006. Mais le Gouvernement a
tenu bon dans le cadre des négociations européennes - je tiens à vous le
rappeler avec une grande force Il est vrai que la
filière laitière a désormais des défis importants à relever, notamment dans le
cadre des mesures qui peuvent être prises sur le plan national, en vue
d'accompagner l'évolution de la filière. Le défi le plus important et le plus
urgent demeure la renégociation de l'accord-cadre interprofessionnel sur les
modalités d'évolution du prix du lait. Les transformateurs ont dénoncé l'accord
de 1997 qui, jusque-là, avait permis une grande stabilité. Nous sommes entrés
dans une période d'incertitude. Hervé Gaymard et moi-même sommes convaincus que
l'interprofession laitière saura trouver les solutions, notamment en s'attachant
à améliorer les mix-produits à l'exportation des produits laitiers français. La
compétitivité de la filière est au coeur de la réflexion sur la compétitivité,
je n'hésite pas à le répéter. Les négociations
interprofessionnelles ont permis d'aboutir, le 2 mars dernier, à un accord
provisoire - la " clause de paix " - qui prend fin le 30 juin. L'interprofession
laitière, qui y travaille, doit oeuvrer à un nouvel accord que nous pensons
obtenir courant juillet. Dans le même temps, Hervé
Gaymard a demandé à Yves Trédé une étude approfondie sur l'évolution de la
filière laitière. Ce rapport permet de disposer d'une base de travail partagée
par la profession, sur laquelle nous avons immédiatement engagé l'élaboration
d'un programme stratégique destiné à adapter la filière laitière. Un travail
important a été fourni dans les groupes de réflexion constitués. L'élaboration
de ce programme stratégique a bien avancé. Hervé Gaymard doit le présenter à fin
du mois de juillet. La question, que vous avez évoquée, de la préretraite et de
l'installation des jeunes sera traitée dans ce cadre, notamment par
l'attribution de quotas suffisants ou par l'accès préférentiel d'aides au
financement des bâtiments de leur exploitation. Ce programme devra être aussi
ambitieux que le permettront les moyens. D'ores et déjà,
nous avons annoncé une aide immédiate de 20 millions d'euros en vue d'engager
les premières réformes structurelles urgentes, tant pour les exploitations que
pour les transformateurs. Le Gouvernement - vous pouvez
le constater - s'active sur le dossier laitier en accord avec les
professionnels. Je reste à votre disposition, monsieur le député, pour évoquer
de nouveau avec vous la question. M. le président. La parole est à M. Jean
Proriol. M. Jean
Proriol. Monsieur le secrétaire d'État, la volonté du Gouvernement de
faire face aux évolutions européennes en matière de politique agricole commune
ne peut que me satisfaire. Votre réponse me satisfait un peu moins sur le
problème des préretraites, qui exigent des solutions concrètes. La Haute-Loire est un département laitier. Elle entend le
rester. À cette fin, elle doit assurer la relève de la génération sortante. Or
cette relève est à pied d'oeuvre. Les préretraites sont aidées dans l'industrie,
le commerce, la fonction publique, parfois généreusement dans certains
établissements publics industriels et commerciaux relevant de l'État. Il y a
urgence pour faire face à la situation actuelle. Il nous appartient de répondre
aux jeunes agriculteurs qui se sont préparés. Il ne faudrait pas que des
cédants, qui ont préparé le terrain aux futurs installés, ne voient comme seule
solution que de conserver quelques hectares et demandent le RMI. Le coût de ces
départs ne serait plus à la charge de l'État et de l'Europe, mais à celle du
département. Les jeunes, quant à eux, se sont totalement
engagés. Ils sont parfois allés jusqu'à quitter leur emploi et à déménager en
vue de suivre des formations obligatoires. Le cédant doit pouvoir trouver une
solution à son départ. En l'absence de toute augmentation des quotas de
préretraites, monsieur le secrétaire d'État, nous aurons l'occasion de vous
questionner de nouveau sur le sujet.
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