FICHE QUESTION
12ème législature
Question N° : 878  de  M.   Edmond-Mariette Philippe ( Députés n'appartenant à aucun groupe - Martinique ) QOSD
Ministère interrogé :  intérieur
Ministère attributaire :  intérieur
Question publiée au JO le :  29/06/2004  page :  4809
Réponse publiée au JO le :  30/06/2004  page :  5651
Rubrique :  police
Tête d'analyse :  commissariats
Analyse :  Villepinte. enquête. violences policières
Texte de la QUESTION : M. Philippe Edmond-Mariette attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales sur les déclarations de son prédécesseur qui indiquait le 20 novembre 2003 sur France 2 : « Depuis dix-neuf mois, il n'y a pas eu une seule bavure ». Le 14 janvier 2004, il confirmait en indiquant : « le recul de la délinquance n'a pas été payé par un affaiblissement des règles déontologiques ». Toutefois, un certain nombre de faits impose une autre lecture, interpelle et ce, d'autant plus, quand le président de la Commission nationale de déontologie constate lui-même que certaines dérives ou bavures sont commises au détriment de personnes de couleur. Le commissariat de Villepinte s'est particulièrement illustré en la matière. Le 11 novembre 2003, Mme B., d'origine antillaise, dont le fils de seize ans était interpellé, se précipitait au commissariat pour prendre de ses nouvelles. Elle était maltraitée, insultée, placée en garde à vue, victime d'actes de violence et devait être conduite à l'hôpital Jean-Verdier de Pontoise. Le 9 mai 2004, P., steward de profession, Réunionnais d'origine, sous prétexte d'un passage hors des clous était pris à partie par des policiers qui lui passaient les menottes, le plaçaient en garde à vue, lui portaient des coups notamment aux testicules, à la suite de quoi il était admis à l'hôpital Tenon au service d'urologie. Malgré l'intervention subie il est atteint d'un hydrocèle et encourt le risque d'une stérilité. Plus grave encore, le 3 octobre 2003, toujours à Villepinte, M. R., d'origine antillaise, sortait de son domicile pour porter assistance à son fils J. pris à partie par des policiers qui lui reprochaient d'avoir craché par terre au passage de leur véhicule. Pour toute réponse à ses demandes d'explications il recevait des coups. Ces violences policières étaient commises sur un homme porteur d'un cathéter central sur le torse, qui suivait une chimiothérapie (avec des métastases au cerveau). Plusieurs coups lui étaient portés singulièrement à la tête. Deux mois après, il décédait. Cette affaire particulièrement grave qui a défrayé la chronique a fait l'objet d'un traitement médiatique et de la saisine de la commission de déontologie. Ces faits ont été portés à la connaissance de son prédécesseur. À cette date aucune suite n'a été donnée à cette affaire, mais plus préoccupant encore, quelques jours après, son fils a été mis en cause dans une autre procédure dans le but indéniable de le charger et de lui faire endosser la responsabilité de nouveaux faits alors qu'il était à 800 kilomètres de Villepinte. Il convient d'indiquer à la représentation nationale quelle suite a été réservée à cette affaire particulièrement grave et, compte tenu de l'invitation faite par M. le Président de la République, de doter la France d'un outil réel de lutte contre toutes les discriminations. Il lui demande quelles sont ses propositions pour que cesse et soit réparée toute discrimination commise à l'endroit des citoyens français, ultra-marins noirs et métis, des Maghrébins et des beurs, victimes de violences policières.
Texte de la REPONSE :

LUTTE CONTRE LES VIOLENCES POLICIÈRES

M. le président. La parole est à M. Philippe Edmond-Mariette, pour exposer sa question, n° 878, relative à la lutte contre les violences policières.
M. Philippe Edmond-Mariette. Monsieur le secrétaire d'État à l'agriculture, le prédécesseur de M. de Villepin, M. Sarkozy, indiquait le 20 novembre 2003 sur France 2 que " depuis 19 mois, il n'y a pas eu une seule bavure ". Le 14 janvier 2004, il confirmait cette déclaration en ces termes : " Le recul de la délinquance n'a pas été payé par un affaiblissement des règles déontologiques ".
Pourtant, plusieurs actes de violences policières imposent une autre lecture.
Au commissariat de Villepinte, notamment, certaines affaires, dont l'une a entraîné mort d'homme, ont défrayé la chronique. Outre leur retentissement médiatique, elles ont débouché sur la saisine de la commission de déontologie. Bien entendu, toutes ont été portées à la connaissance du prédécesseur de M. de Villepin.
À cette date pourtant, aucune suite ne leur a été donnée, en dépit de la vigilance d'associations comme le Collectif des Antillais, Guyanais et Réunionnais. Il y a quelques semaines, le président de la Commission nationale de déontologie de la sécurité, M. Pierre Truche, constatait lui-même que certaines dérives ou bavures sont commises à l'encontre de personnes de couleur.
Le Gouvernement vient d'adopter un projet de loi relatif à la lutte contre les propos discriminatoires à caractère sexiste ou homophobe. Le 17 juin 2004, la Commission nationale consultative des droits de l'homme a rendu son avis sur le projet de création d'une Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, comme le suggérait le rapport Stasi en février 2004.
Mais, monsieur le secrétaire d'État, quelle est cette République qui n'offre à certains d'entre nous qu'une demi-liberté et où l'on constate au quotidien la rupture de l'égalité et de nombreuses blessures à la fraternité ?
On a fait des annonces sur la " discrimination positive ", dénoncée par certains comme une inégalité mais qui est un mal nécessaire pour réparer d'autres inégalités, commises depuis longtemps et plus graves encore ; le CSA, pour sa part, annonce l'inscription des diversités culturelles et ethniques dans les médias ; une autre annonce concerne la création d'une énième Haute autorité sans aucun pouvoir coercitif... Le temps n'est il pas venu de passer de la parole aux actes ?
Nombre de Français originaires de l'outre-mer ne sont pas épargnés par les discriminations dans les domaines de l'emploi, du logement, des médias et de la culture. Élu d'un département ultramarin, je veillerai avec une attention particulière à ce que les promesses du Gouvernement en matière de lutte contre la discrimination ne restent pas lettre morte. À cet égard, je demande solennellement que la Haute autorité de lutte contre les discriminations soit dotée de réels pouvoirs.
Dans l'immédiat, le Gouvernement peut-il indiquer concrètement à la représentation nationale quelles suites il entend réserver à ces affaires de violences policières, et notamment à l'affaire Ratchel, à Villepinte ?
Plus généralement, quand l'engagement pris par le Président de la République en octobre 2002 de doter la France d'un outil réel de lutte contre toutes les discriminations se concrétisera-t-il ? Quelles sont vos propositions pour que cessent et soient réparées les discriminations opérées contre des citoyens français ultramarins et, au-delà, contre les communautés d'origine africaine, asiatique et maghrébine, et pour éviter que, devant le non-respect du pacte républicain et de son idéal de justice, certains des leurs ne rejoignent, par désespoir, les extrémistes de tous bords ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État à l'agriculture, à l'alimentation, à la pêche et aux affaires rurales.
M. Nicolas Forissier, secrétaire d'État à l'agriculture, à l'alimentation, à la pêche et aux affaires rurales. Je vous prie de bien vouloir excuser l'absence de M. de Villepin, qui m'a chargé de vous transmettre sa réponse.
Votre question est double, monsieur le député. D'une part, vous soulevez à juste titre des questions d'ordre général à propos des principes, et d'autre part vous évoquez très précisément certaines affaires qui sont en effet choquantes.
Non seulement le Gouvernement est attentif à toute manifestation de discrimination à l'encontre des Français originaire de l'outre-mer, mais il est aussi actif, puisque la création de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, conformément aux voeux du Président de la République, sera effective le 1er janvier 2005. Le Gouvernement veillera à ce que cette institution soit dotée de tous les moyens nécessaires pour remplir sa mission.
S'agissant des violences policières qui auraient eu lieu contre des citoyens français, Dominique de Villepin a rappelé que l'action des forces de sécurité doit s'inscrire dans le respect des exigences républicaines. Soucieux de l'éthique et de la déontologie, il a récemment réaffirmé à l'ensemble de son administration que chaque cas de manquement serait examiné avec précision et sanctionné. Aucun écart susceptible de porter atteinte à la dignité et à l'intégrité de la personne ne sera toléré.
En effet, il ne faut plus que le discrédit soit ainsi jeté sur les forces de police, qui sont confrontées sur le terrain à des situations de plus en plus difficiles.
Les forces de police sont confrontées à des comportements et à des actes de plus en plus violents. Onze fonctionnaires sont décédés en assurant la sécurité de tous ceux qui vivent sur notre territoire, quelle que soit leur origine.
S'agissant des violences que vous évoquez et que vous imputez, notamment, à des fonctionnaires du commissariat de Villepinte, je tiens à vous répondre en toute objectivité. En effet, la médiatisation de telles affaires a pu conduire à des raccourcis regrettables.
A Villepinte, l'intéressée a tenu des propos orduriers et outrageants à l'encontre de policiers qui avaient interpellé son fils. Elle a elle-même été interpellée et placée en garde à vue. Après avoir été soumise à un examen médical à l'hôpital Jean-Verdier, les médecins ont considéré que son état de santé était compatible avec une mesure de rétention. Ainsi qu'en témoigne le procès-verbal, l'intéressée a présenté le lendemain ses excuses aux policiers qu'elle avait insultés. L'affaire a fait l'objet d'un rappel à la loi par le parquet de Bobigny le 18 novembre 2003. Les faits sont donc très clairs.
Pour ce qui est de la deuxième affaire, plus récente, l'inspection générale des services ouvrira une enquête dès réception des délégations judiciaires, le conseil de l'intéressé ayant déposé plainte avec constitution de partie civile auprès du doyen des juges d'instruction du tribunal de grande instance de Paris.
Le troisième cas que vous avez évoqué est celui d'un jeune Français d'origine guadeloupéenne, dont l'interpellation aurait été suivie de violences sur son père très gravement malade. L'enquête de l'inspection générale des services est achevée à ce jour. Elle a permis d'établir que le père du mineur interpellé s'était montré violent, verbalement et physiquement. Il n'a pas été interpellé et seule une légère blessure à l'oreille gauche, qui ne nécessitait pas d'interruption temporaire de travail, a été constatée. Son décès, le 6 décembre 2003, est l'issue malheureuse de sa maladie et n'est pas dû aux mauvais traitements qui lui auraient été infligés. Le procureur de la République a rendu, le 4 avril 2004, un avis de classement sans suite sur cette affaire.
Vous pouvez le constater, monsieur le député, les exemples que vous avez évoqués ont fait systématiquement l'objet d'une enquête. Car tout fonctionnaire, à l'encontre duquel est relevée une faute, fait et fera l'objet de poursuites disciplinaires, voire d'une révocation si les faits l'exigent. A l'inverse, lorsque les policiers sont diffamés, des poursuites pénales sont et seront engagées à l'encontre de ceux qui diffusent de fausses informations.
Tels sont, monsieur le député, les éléments concrets et précis que je souhaitais porter à votre connaissance. Soyez assuré par ailleurs de l'importance qu'attachent le Président de la République et le Premier ministre, comme l'ensemble du Gouvernement, à la mise en oeuvre de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité.
M. le président. La parole est à M. Philippe Edmond-Mariette.
M. Philippe Edmond-Mariette. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'État, de cette réponse. Je prends acte des différents éléments que vous venez de nous apporter, même si je reste encore très dubitatif s'agissant de certains d'entre eux ; j'attendrai d'être plus amplement informé.
Pour le reste, la lutte contre les discriminations est affaire de droit, mais surtout de coeur et de raison. J'attends donc avec impatience le 1er janvier 2005. Face à un tel enjeu, je serai une sentinelle vigilante : il y va du respect de notre pacte républicain.

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