Texte de la QUESTION :
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M. Philippe Edmond-Mariette attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales sur les déclarations de son prédécesseur qui indiquait le 20 novembre 2003 sur France 2 : « Depuis dix-neuf mois, il n'y a pas eu une seule bavure ». Le 14 janvier 2004, il confirmait en indiquant : « le recul de la délinquance n'a pas été payé par un affaiblissement des règles déontologiques ». Toutefois, un certain nombre de faits impose une autre lecture, interpelle et ce, d'autant plus, quand le président de la Commission nationale de déontologie constate lui-même que certaines dérives ou bavures sont commises au détriment de personnes de couleur. Le commissariat de Villepinte s'est particulièrement illustré en la matière. Le 11 novembre 2003, Mme B., d'origine antillaise, dont le fils de seize ans était interpellé, se précipitait au commissariat pour prendre de ses nouvelles. Elle était maltraitée, insultée, placée en garde à vue, victime d'actes de violence et devait être conduite à l'hôpital Jean-Verdier de Pontoise. Le 9 mai 2004, P., steward de profession, Réunionnais d'origine, sous prétexte d'un passage hors des clous était pris à partie par des policiers qui lui passaient les menottes, le plaçaient en garde à vue, lui portaient des coups notamment aux testicules, à la suite de quoi il était admis à l'hôpital Tenon au service d'urologie. Malgré l'intervention subie il est atteint d'un hydrocèle et encourt le risque d'une stérilité. Plus grave encore, le 3 octobre 2003, toujours à Villepinte, M. R., d'origine antillaise, sortait de son domicile pour porter assistance à son fils J. pris à partie par des policiers qui lui reprochaient d'avoir craché par terre au passage de leur véhicule. Pour toute réponse à ses demandes d'explications il recevait des coups. Ces violences policières étaient commises sur un homme porteur d'un cathéter central sur le torse, qui suivait une chimiothérapie (avec des métastases au cerveau). Plusieurs coups lui étaient portés singulièrement à la tête. Deux mois après, il décédait. Cette affaire particulièrement grave qui a défrayé la chronique a fait l'objet d'un traitement médiatique et de la saisine de la commission de déontologie. Ces faits ont été portés à la connaissance de son prédécesseur. À cette date aucune suite n'a été donnée à cette affaire, mais plus préoccupant encore, quelques jours après, son fils a été mis en cause dans une autre procédure dans le but indéniable de le charger et de lui faire endosser la responsabilité de nouveaux faits alors qu'il était à 800 kilomètres de Villepinte. Il convient d'indiquer à la représentation nationale quelle suite a été réservée à cette affaire particulièrement grave et, compte tenu de l'invitation faite par M. le Président de la République, de doter la France d'un outil réel de lutte contre toutes les discriminations. Il lui demande quelles sont ses propositions pour que cesse et soit réparée toute discrimination commise à l'endroit des citoyens français, ultra-marins noirs et métis, des Maghrébins et des beurs, victimes de violences policières.
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Texte de la REPONSE :
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LUTTE CONTRE LES VIOLENCES POLICIÈRES M. le
président. La parole est à M. Philippe Edmond-Mariette, pour exposer sa
question, n° 878, relative à la lutte contre les violences policières. M. Philippe
Edmond-Mariette. Monsieur le secrétaire d'État à l'agriculture, le
prédécesseur de M. de Villepin, M. Sarkozy, indiquait le 20 novembre 2003 sur
France 2 que " depuis 19 mois, il n'y a pas eu une seule bavure ". Le 14 janvier
2004, il confirmait cette déclaration en ces termes : " Le recul de la
délinquance n'a pas été payé par un affaiblissement des règles déontologiques
". Pourtant, plusieurs actes de violences policières
imposent une autre lecture. Au commissariat de
Villepinte, notamment, certaines affaires, dont l'une a entraîné mort d'homme,
ont défrayé la chronique. Outre leur retentissement médiatique, elles ont
débouché sur la saisine de la commission de déontologie. Bien entendu, toutes
ont été portées à la connaissance du prédécesseur de M. de Villepin. À cette date pourtant, aucune suite ne leur a été donnée,
en dépit de la vigilance d'associations comme le Collectif des Antillais,
Guyanais et Réunionnais. Il y a quelques semaines, le président de la Commission
nationale de déontologie de la sécurité, M. Pierre Truche, constatait lui-même
que certaines dérives ou bavures sont commises à l'encontre de personnes de
couleur. Le Gouvernement vient d'adopter un projet de
loi relatif à la lutte contre les propos discriminatoires à caractère sexiste ou
homophobe. Le 17 juin 2004, la Commission nationale consultative des droits de
l'homme a rendu son avis sur le projet de création d'une Haute autorité de lutte
contre les discriminations et pour l'égalité, comme le suggérait le rapport
Stasi en février 2004. Mais, monsieur le secrétaire
d'État, quelle est cette République qui n'offre à certains d'entre nous qu'une
demi-liberté et où l'on constate au quotidien la rupture de l'égalité et de
nombreuses blessures à la fraternité ? On a fait des
annonces sur la " discrimination positive ", dénoncée par certains comme une
inégalité mais qui est un mal nécessaire pour réparer d'autres inégalités,
commises depuis longtemps et plus graves encore ; le CSA, pour sa part, annonce
l'inscription des diversités culturelles et ethniques dans les médias ; une
autre annonce concerne la création d'une énième Haute autorité sans aucun
pouvoir coercitif... Le temps n'est il pas venu de passer de la parole aux actes
? Nombre de Français originaires de l'outre-mer ne sont
pas épargnés par les discriminations dans les domaines de l'emploi, du logement,
des médias et de la culture. Élu d'un département ultramarin, je veillerai avec
une attention particulière à ce que les promesses du Gouvernement en matière de
lutte contre la discrimination ne restent pas lettre morte. À cet égard, je
demande solennellement que la Haute autorité de lutte contre les discriminations
soit dotée de réels pouvoirs. Dans l'immédiat, le
Gouvernement peut-il indiquer concrètement à la représentation nationale quelles
suites il entend réserver à ces affaires de violences policières, et notamment à
l'affaire Ratchel, à Villepinte ? Plus généralement,
quand l'engagement pris par le Président de la République en octobre 2002 de
doter la France d'un outil réel de lutte contre toutes les discriminations se
concrétisera-t-il ? Quelles sont vos propositions pour que cessent et soient
réparées les discriminations opérées contre des citoyens français ultramarins
et, au-delà, contre les communautés d'origine africaine, asiatique et
maghrébine, et pour éviter que, devant le non-respect du pacte républicain et de
son idéal de justice, certains des leurs ne rejoignent, par désespoir, les
extrémistes de tous bords ? M. le président. La parole est à M. le secrétaire
d'État à l'agriculture, à l'alimentation, à la pêche et aux affaires rurales. M. Nicolas
Forissier, secrétaire d'État à l'agriculture, à
l'alimentation, à la pêche et aux affaires rurales. Je vous prie de bien
vouloir excuser l'absence de M. de Villepin, qui m'a chargé de vous transmettre
sa réponse. Votre question est double, monsieur le
député. D'une part, vous soulevez à juste titre des questions d'ordre général à
propos des principes, et d'autre part vous évoquez très précisément certaines
affaires qui sont en effet choquantes. Non seulement le
Gouvernement est attentif à toute manifestation de discrimination à l'encontre
des Français originaire de l'outre-mer, mais il est aussi actif, puisque la
création de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour
l'égalité, conformément aux voeux du Président de la République, sera effective
le 1er janvier 2005. Le Gouvernement veillera à ce que cette institution soit
dotée de tous les moyens nécessaires pour remplir sa mission. S'agissant des violences policières qui auraient eu lieu
contre des citoyens français, Dominique de Villepin a rappelé que l'action des
forces de sécurité doit s'inscrire dans le respect des exigences républicaines.
Soucieux de l'éthique et de la déontologie, il a récemment réaffirmé à
l'ensemble de son administration que chaque cas de manquement serait examiné
avec précision et sanctionné. Aucun écart susceptible de porter atteinte à la
dignité et à l'intégrité de la personne ne sera toléré. En effet, il ne faut plus que le discrédit soit ainsi jeté
sur les forces de police, qui sont confrontées sur le terrain à des situations
de plus en plus difficiles. Les forces de police sont
confrontées à des comportements et à des actes de plus en plus violents. Onze
fonctionnaires sont décédés en assurant la sécurité de tous ceux qui vivent sur
notre territoire, quelle que soit leur origine. S'agissant des violences que vous évoquez et que vous
imputez, notamment, à des fonctionnaires du commissariat de Villepinte, je tiens
à vous répondre en toute objectivité. En effet, la médiatisation de telles
affaires a pu conduire à des raccourcis regrettables. A
Villepinte, l'intéressée a tenu des propos orduriers et outrageants à l'encontre
de policiers qui avaient interpellé son fils. Elle a elle-même été interpellée
et placée en garde à vue. Après avoir été soumise à un examen médical à
l'hôpital Jean-Verdier, les médecins ont considéré que son état de santé était
compatible avec une mesure de rétention. Ainsi qu'en témoigne le procès-verbal,
l'intéressée a présenté le lendemain ses excuses aux policiers qu'elle avait
insultés. L'affaire a fait l'objet d'un rappel à la loi par le parquet de
Bobigny le 18 novembre 2003. Les faits sont donc très clairs. Pour ce qui est de la deuxième affaire, plus récente,
l'inspection générale des services ouvrira une enquête dès réception des
délégations judiciaires, le conseil de l'intéressé ayant déposé plainte avec
constitution de partie civile auprès du doyen des juges d'instruction du
tribunal de grande instance de Paris. Le troisième cas
que vous avez évoqué est celui d'un jeune Français d'origine guadeloupéenne,
dont l'interpellation aurait été suivie de violences sur son père très gravement
malade. L'enquête de l'inspection générale des services est achevée à ce jour.
Elle a permis d'établir que le père du mineur interpellé s'était montré violent,
verbalement et physiquement. Il n'a pas été interpellé et seule une légère
blessure à l'oreille gauche, qui ne nécessitait pas d'interruption temporaire de
travail, a été constatée. Son décès, le 6 décembre 2003, est l'issue malheureuse
de sa maladie et n'est pas dû aux mauvais traitements qui lui auraient été
infligés. Le procureur de la République a rendu, le 4 avril 2004, un avis de
classement sans suite sur cette affaire. Vous pouvez le
constater, monsieur le député, les exemples que vous avez évoqués ont fait
systématiquement l'objet d'une enquête. Car tout fonctionnaire, à l'encontre
duquel est relevée une faute, fait et fera l'objet de poursuites disciplinaires,
voire d'une révocation si les faits l'exigent. A l'inverse, lorsque les
policiers sont diffamés, des poursuites pénales sont et seront engagées à
l'encontre de ceux qui diffusent de fausses informations. Tels sont, monsieur le député, les éléments concrets et
précis que je souhaitais porter à votre connaissance. Soyez assuré par ailleurs
de l'importance qu'attachent le Président de la République et le Premier
ministre, comme l'ensemble du Gouvernement, à la mise en oeuvre de la Haute
autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité. M. le président. La
parole est à M. Philippe Edmond-Mariette. M. Philippe Edmond-Mariette. Je vous remercie,
monsieur le secrétaire d'État, de cette réponse. Je prends acte des différents
éléments que vous venez de nous apporter, même si je reste encore très dubitatif
s'agissant de certains d'entre eux ; j'attendrai d'être plus amplement
informé. Pour le reste, la lutte contre les
discriminations est affaire de droit, mais surtout de coeur et de raison.
J'attends donc avec impatience le 1er janvier 2005. Face à un tel enjeu, je
serai une sentinelle vigilante : il y va du respect de notre pacte
républicain.
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