Texte de la QUESTION :
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« L'Union européenne, c'est non. Nous n'en voulons pas », explique sans ambages Kemal Kerinçsiz, président de Trk Hukukçu Birligi, l'association des avocats turcs. Inconnu il y encore un an, ce groupe de pression nationaliste a déposé une trentaine de plaintes contre des intellectuels turcs, mais aussi contre un parlementaire européen. Leur stratégie consiste à porter systématiquement plainte contre les auteurs de remarques critiques sur des sujets « sensibles » en Turquie, comme le génocide arménien, le conflit avec les Kurdes ou le fonctionnement de la justice. Halil Berktay, historien à l'université Sabanci d'Istanbul, prédit d'ailleurs que, dans les cinq ans à venir, une lutte acharnée, en Turquie, entre partisans de la démocratie et de l'Etat de droit et les groupes anti-européens aura lieu. M. Berktay n'hésite pas à tracer un parallèle avec les dernières années de l'Union soviétique, où une « vieille garde » communiste, à l'idéologie étatiste et nationaliste, s'opposait aux partisans de la « perestroïka ». Mme Chantal Robin-Rodrigo demande donc à M. le ministre des affaires étrangères de lui indiquer la position et les intentions du Gouvernement à ce sujet.
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Texte de la REPONSE :
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Les négociations d'adhésion ouvertes le 3 octobre dernier par la Turquie avec l'Union européenne devraient au moins durer une dizaine d'années, et rien ne permet à ce stade de préjuger de leur issue. En tout état de cause, il reviendra le moment venu aux parties concernées, États membres et Turquie, de se prononcer souverainement sur la nature future de leurs liens, qu'il s'agisse d'une adhésion pure et simple ou de tout autre choix. À cet égard, il est légitime qu'un débat se développe en Turquie, sur un mode démocratique, quant à l'avenir que ce pays souhaite se donner. Au cours des deux dernières années, la Turquie a adopté un nombre important de réformes pour se rapprocher de l'Union européenne et répondre à ses exigences. Ces efforts sont globalement compris et encouragés par la population turque mais certaines réactions nationalistes se sont manifestées en opposition à la politique d'ouverture du gouvernement. La France, comme ses partenaires de l'Union européenne, a invité les autorités d'Ankara à faire preuve de toute la vigilance nécessaire pour veiller à ce que ces réactions s'expriment dans le strict respect des règles démocratiques telles que protégées notamment par la convention européenne des droits de l'homme, ratifiée par la Turquie, et élaborée dans le cadre du Conseil de l'Europe, dont la Turquie est membre. Au-delà, la France, comme ses partenaire de l'Union européenne, appelle de ses voeux un maintien et un approfondissement du processus de réforme en Turquie et partant une adhésion la plus large possible de la société civile turque aux valeurs qui fondent le projet européen, tout particulièrement s'agissant des valeurs de démocratie ou d'égalité homme-femme. À cet égard, les échanges entre les sociétés civiles de la Turquie et des États membres, encouragés par les programmes communautaires, sont un moyen privilégié d'asseoir le rapprochement en cours sur des bases solides. Quant aux procédures judiciaires évoquées par l'honorable parlementaire, elles renvoient aux conditions d'exercice de la liberté d'expression en Turquie auxquelles la France est particulièrement sensible. La France, comme ses partenaires de l'Union européenne, tout en se félicitant des avancées perceptibles dans le pays, suit avec la plus grande attention, dans le plein respect de l'indépendance de la justice, les suites données aux procédures actuellement engagées, notamment contre des intellectuels, sur la base de l'article 301 du nouveau code pénal et articles assimilés, alors que la Cour de cassation, amenée pour la première fois à interpréter l'article 301, a confirmé le 11 juillet dernier la condamnation à six mois de prison avec sursis de M. Hrant Dink. Compte tenu de la persistance de violations graves, l'Union européenne entend demander aux autorités turques qu'elles entreprennent une nouvelle révision du code pénal, laquelle était déjà intervenue sous la pression de l'Union européenne. Concernant le point particulier de la plainte évoquée par l'honorable parlementaire à l'encontre d'un député européen, M. Lagendijk, celle-ci a finalement été classée sans suite par les autorités judiciaires turques en charge du dossier.
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