FICHE QUESTION
12ème législature
Question N° : 88356  de  Mme   Robin-Rodrigo Chantal ( Socialiste - Hautes-Pyrénées ) QE
Ministère interrogé :  affaires étrangères
Ministère attributaire :  affaires étrangères
Question publiée au JO le :  14/03/2006  page :  2634
Réponse publiée au JO le :  26/12/2006  page :  13556
Rubrique :  ministères et secrétariats d'État
Tête d'analyse :  affaires étrangères : ambassades et consulats
Analyse :  manifestations anti-françaises. attitude de la France
Texte de la QUESTION : Au moment où le Danemark annonce l'évacuation, « pour raisons de sécurité », de ses ambassadeurs postés en Syrie, en Iran et en Indonésie, et où le chef de la diplomatie européenne, Javier Solana, entame une tournée dans des pays arabes dans le but d'apaiser les tensions provoquées par l'affaire des caricatures de Mahomet, le bilan des violences commises contre des représentations diplomatiques ne semble guère faire ciller les pouvoirs politiques européens. Deux ambassades incendiées (à Damas), d'autres visées par des pierres et des cocktails Molotov (à Damas, à Téhéran), une ambassade et deux consulats visés par des assaillants (à Djakarta, Beyrouth et Istanbul), des projectiles jetés contre un bureau de l'Union européenne à Gaza... Or l'immunité des diplomates et l'extraterritorialité des ambassades et consulats sont des principes inscrits dans le droit international depuis les conventions de Vienne de 1961 et 1963. Ils contraignent les États à prendre « toutes les mesures appropriées » pour empêcher que des bâtiments diplomatiques « soient envahis ou endommagés », que leur « paix soit troublée », et même que leur « dignité soit amoindrie ». Manifestement, les États hôtes n'ont pas suivi ces principes. Or la réaction européenne à ces manquements s'est limitée à des condamnations verbales et des communiqués dénonçant des « attaques déplorables » qui « dépassent les limites de la protestation ». Aucun rappel d'ambassadeur, aucune demande d'excuses, aucune menace de recours juridique, aucun débat sur des sanctions. En 1979, lorsque des Iraniens s'étaient emparés de l'ambassade américaine à Téhéran, une plainte avait été déposée devant la Cour internationale de justice de La Haye et l'Iran avait été condamné. En 1998 encore, lorsque cinq ambassadeurs européens avaient été évincés de leurs résidences en Biélorussie parce que le président Loukachenko voulait user à sa guise des terrains, la réaction avait été autrement plus tranchée, l'Union européenne frappant de sanctions des dignitaires de Minsk. Mais dans l'affaire des caricatures de Mahomet, c'est visiblement la gêne. Le Danemark et la Norvège, premiers pays visés par les manifestants, ont pu se sentir seuls. En France, le Président de la République a critiqué le caractère blessant des caricatures mais n'a pas condamné l'attaque de l'ambassade de France à Téhéran. L'inaction, lorsque des ambassades partent en flammes, augure mal d'une politique européenne volontariste et solidaire. Au-delà du débat sur la liberté de la presse et le respect des sensibilités religieuses, il s'agit de poser des exigences. Or l'Europe, qui tâtonne par ailleurs pour définir la politique à tenir face à la montée de l'islamisme radical, paraît désemparée, intimidée. Compte tenu de ces regrettables constats, Mme Chantal Robin-Rodrigo demande donc à M. le ministre des affaires étrangères si le Gouvernement entend rapidement déposer plainte auprès de la Cour internationale de justice au titre des exactions dont ont été victimes nos diverses représentations diplomatiques suite à l'affaire des caricatures de Mahomet.
Texte de la REPONSE : Les États, ayant en droit international le libre choix des moyens pacifiques à mettre en oeuvre pour régler leurs différends, recourent avant tout aux méthodes diplomatiques de règlement, parmi lesquelles figurent la négociation et la recherche d'un accord amiable. La Cour internationale de justice ne jouit pas d'une compétence générale, obligatoire et universelle. Sa compétence pour connaître d'un différend interétatique est, en effet, subordonnée au consentement des États parties à ce différend. En l'espèce, la France est partie aux Protocoles de signature facultative aux conventions de Vienne du 18 avril 1961 sur les relations diplomatiques et du 24 avril 1963 sur les relations consulaires dans lesquelles la compétence de la Cour est reconnue pour trancher tous « différends relatifs à l'interprétation ou à l'application » de ces conventions. La compétence de la Cour ne serait toutefois établie qu'à la condition qu'un tel différend existe et que les deux États parties à celui-ci aient accepté, dans les mêmes termes, lesdits protocoles. De surcroît, il est précisé dans le préambule de ces deux Protocoles, que les États qui y sont parties acceptent le principe du recours à la CIJ « à moins qu'un autre mode de règlement n'ait été accepté d'un commun accord ». La Cour permanente de justice internationale, l'organe prédécesseur de la CIJ, comme la Cour actuelle ont à ce propos affirmé à de nombreuses reprises le principe général selon lequel le règlement judiciaire « n'est qu'un succédané au règlement direct et amiable » des différends (affaire des Zones franches du Pays de Gex et de Savoie (France/Suisse), CPJI, ordonnance du 19 août 1929, CPJI Rec., série A, n° 22 ; affaire du Différend frontalier (Burkina Faso/Mali), CIJ, arrêt du 22 décembre 1986, CIJ Rec., p. 577, par. 46, affaire du Passage par le Grand Belt (Finlande c. Danemark), CIJ, ordonnance du 29 juillet 1991, CIJ Rec., p. 20, par. 35). Eu égard aux délicates négociations en cours avec l'Iran à divers niveaux ainsi qu'aux éléments de droit qui viennent d'être rappelés, une saisine de la Cour internationale de justice relative aux conséquences de l'affaire des caricatures de Mahomet pour nos représentations diplomatiques n'apparaît pas susceptible de fournir une voie d'apaisement à l'égard des manifestations de mécontentement et des débordements regrettables qui ont été constatés à cette occasion.
SOC 12 REP_PUB Midi-Pyrénées O