FICHE QUESTION
12ème législature
Question N° : 884  de  M.   Bacquet Jean-Paul ( Socialiste - Puy-de-Dôme ) QOSD
Ministère interrogé :  défense
Ministère attributaire :  intérieur
Question publiée au JO le :  05/10/2004  page :  7656
Réponse publiée au JO le :  06/10/2004  page :  7441
Date de changement d'attribution :  05/10/2004
Rubrique :  gendarmerie
Tête d'analyse :  fonctionnement
Analyse :  effectifs de personnel. zones rurales
Texte de la QUESTION : M. Jean-Paul Bacquet souhaite appeler l'attention de Mme la ministre de la défense sur les difficultés posées en zone rurale par le fonctionnement de la gendarmerie en communautés de brigades. Ces communautés de brigades ont en effet été mises en place pour optimiser la coordination des actions des unités de gendarmerie, dans le souci d'améliorer la protection des biens et des personnes sur des zones géographiques déterminées. Pourtant, on constate dans le Puy-de-Dôme, particulièrement en zone rurale, que leur fonctionnement ne répond ni aux attentes des élus, ni à celle de la population. Bien souvent au détriment d'un travail de proximité pourtant essentiel dans les communes rurales, l'augmentation des charges de travail des communautés de brigades tend à concentrer les interventions sur les zones urbaines, comme on le constate par exemple sur les cantons de Champeix ou de Sauxillanges. Distension des liens avec les élus locaux, menaces de réduction des journées d'ouverture des bureaux... : au mécontentement des élus s'ajoute un sentiment partagé d'insécurité dans la population, alors même que la délinquance tend à augmenter en milieu rural. Il souhaite donc savoir quelles sont les intentions du Gouvernement pour parer à ces difficultés, afin d'éviter une remise en cause du service public dans les campagnes qui ne ferait qu'accentuer la fracture entre territoires ruraux et urbains.
Texte de la REPONSE :

FONCTIONNEMENT DES COMMUNAUTÉS
DE BRIGADE DE GENDARMERIE EN ZONE RURALE

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Bacquet, pour exposer sa question, n° 884, relative au fonctionnement des communautés de brigade de gendarmerie en zone rurale.
M. Jean-Paul Bacquet. Reposant sur la concentration de l'activité des unités au sein d'un même secteur et sur une mutualisation des moyens, les communautés de brigade ont été mises en place afin d'optimiser la coordination des actions, d'améliorer la protection des personnes et des biens, et de développer l'efficacité opérationnelle sur des zones géographiques bien déterminées, celles qui relevaient de la compétence des anciennes brigades. Cette réforme devait permettre d'adapter l'organisation de la gendarmerie et ses méthodes aux évolutions de la société.
Aujourd'hui, dans le Puy-de-Dôme, avec le recul que permettent plusieurs années de fonctionnement, force est de constater que cette nouvelle organisation ne répond à l'attente ni des populations, ni des élus des cantons et des communes rurales concernés, qui sont attachés aux valeurs fortes de la gendarmerie, laquelle demeure un des éléments essentiels des institutions républicaines.
En milieu rural, le rôle du gendarme est fortement caractérisé par sa dimension relationnelle, par un travail de proximité et de contact avec les populations. De la capacité de la gendarmerie à prendre en compte les préoccupations et les besoins des populations et à leur apporter une réponse adaptée dépend sa réussite sur le terrain. Or le fonctionnement en communauté de brigade et l'augmentation incontestable de la charge de travail ne permettent visiblement plus aux gendarmes un tel ancrage et une telle connaissance de leur environnement, ce qui nuit à l'efficacité de leur action.
On constate en effet que de nombreux élus, lors des manifestations qui les réunissent, telles les assemblées de maires, expriment de plus en plus fréquemment leur désapprobation quant au mode de fonctionnement en communautés de brigade. J'évoquerai à titre d'exemple les problèmes que connaît le canton de Champeix, dont les gendarmes, regroupés en communauté de brigade avec Issoire, interviennent principalement sur Issoire, chef-lieu de plus de 15 000 habitants, qui relevait jusqu'alors d'une zone police. Cette modification s'est faite au détriment des communes rurales, où l'habitat est très dispersé. Contrairement aux assurances qu'avaient reçues les élus lors de la mise en place de la communauté de brigade, la gendarmerie de Champeix est fermée la plupart du temps, les gendarmes étant en intervention sur Issoire. De même, les élus du canton voisin de Sauxillanges déplorent que les gendarmes soient de moins en moins présents sur les communes du canton, ce qui allonge bien entendu les délais d'intervention. De plus, on envisage de réduire le nombre des journées où les bureaux de la brigade sont ouverts, ce qui paraît inacceptable.
Par ailleurs, alors que les relations avec les élus permettaient souvent de mener à bien des actions de prévention efficaces, une telle coopération n'est plus envisageable aujourd'hui : bien souvent, faute de temps et de moyens - et non faute de volonté - les gendarmes ne connaissent plus les élus des territoires ruraux sur lesquels ils interviennent ! Ce mode de fonctionnement génère chez les populations un sentiment partagé d'insécurité, et pourrait à terme conduire à une montée de la délinquance, que l'on observe déjà, d'autant plus que lorsque celle-ci quitte la ville, on la retrouve en zone rurale.
D'autres mécontentements se font également entendre de façon coordonnée sur l'ensemble du département. En règle générale, on reproche à ce système de communautés de brigade de fonctionner systématiquement au détriment du milieu rural, les gendarmes intervenant prioritairement dans les zones les plus urbanisées.
La situation en zone rurale est suffisamment grave pour que les élus dénoncent désormais avec force cette réorganisation des services de la gendarmerie, qui remet en cause le principe d'égalité devant le service public. Si l'intention initiale, qui était de permettre une mutualisation des moyens, était louable, on s'aperçoit que dans les faits cela se traduit par un redéploiement des effectifs et des moyens au profit des zones urbaines, ce qui contribue à approfondir la fracture qui existe entre les territoires urbains et les territoires ruraux.
Je ne pensais pas, monsieur le secrétaire d'État à l'insertion professionnelle des jeunes, que cette question, rédigée avant les vacances, serait d'une telle actualité. Vous aurez remarqué en effet, si vous avez suivi quelque peu les élections sénatoriales, que partout les candidats, de quelque bord qu'ils soient, se sont inquiétés...
M. Jacques Remiller. De la réforme de La Poste !
M. Jean-Paul Bacquet. Certes, mais aussi du mauvais fonctionnement des communautés de brigade : là-dessus nous nourrissons la même inquiétude, quels que soient les bancs où nous siégeons. Et c'est parce que cette inquiétude est grande que j'interroge Mme la ministre de la défense.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État à l'insertion professionnelle des jeunes.
M. Laurent Hénart, secrétaire d'État à l'insertion professionnelle des jeunes. Monsieur le député Baquet, permettez-moi de rappeler deux dates pour expliquer dans quelle stabilité institutionnelle évolue la réorganisation des services de gendarmerie et de police que vous évoquez.
Première date : 1850. C'est la date à laquelle avaient été arrêtés les principes de l'organisation du maillage territorial de la gendarmerie. Ils sont restés quasiment inchangés jusqu'en 2002.
Deuxième date : 1941. C'est la date à laquelle remontent l'organisation des territoires et la répartition des compétences entre la police et la gendarmerie. Là aussi, les frontières et les limites ont été peu déplacées depuis cette date.
Par conséquent, le Gouvernement a souhaité, avant toute chose, enregistrer le fait que, depuis 1850 et 1941, la réalité de vie sur le territoire national s'était considérablement modifiée et que, dans les années antérieures à 2002, la délinquance s'était considérablement accrue, y compris en zone rurale, qui est, par essence, une zone d'intervention gendarmerie.
C'est pourquoi a été décidée, à partir de 2002, la réorganisation des moyens de la gendarmerie avec la mise en oeuvre du concept de communauté de brigade, que vous venez d'évoquer.
Qu'est-ce qu'une communauté de brigade ? C'est le regroupement de deux ou trois brigades dans une seule unité de commandement afin de mutualiser les tâches d'administration et les tâches d'appui et, partant, de redéployer les moyens humains sur le terrain.
Cette réorganisation fonctionnelle de la gendarmerie s'accompagne d'un effort sans précédent, depuis la dernière décennie, en faveur des moyens humains puisque la LOPSI, la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, prévoit la création de 7 000 emplois dans la gendarmerie, dont 4 800 sont directement dédiés à la sécurité de proximité dans les territoires ruraux.
Les premiers résultats de cette politique à l'échelle nationale - je vous répondrai ensuite plus particulièrement sur les cantons du Puy-de-Dôme qui vous sont chers - sont encourageants. En effet, la délinquance a baissé de plus de 10 % en 2003. Cette tendance encourageante est réelle également en zone gendarmerie : la délinquance y a en effet diminué de 4,24 % et de près de 14 % pour ce qui est de la délinquance de voie publique, cette dernière étant celle sur laquelle le travail de proximité des gendarmes est le plus attendu.
Pour ce qui concerne le Puy-de-Dôme, dix-huit communautés à deux brigades territoriales et trois communautés à trois brigades territoriales ont ainsi été mises en place dans le cadre de ce plan. Les effectifs augmentent d'ailleurs de manière régulière depuis 2002 : ils sont passés de 753 postes en 2002 à 790 postes en 2003, et ils seront encore accrus en 2005, le Gouvernement entendant bien poursuivre cet effort puisque 22 postes supplémentaires de gendarmes seront créés dans ce département en 2005.
Vous avez évoqué les communautés de brigades d'Issoire-Champeix, d'une part, et de Brassac-Sauxillanges, d'autre part. Je tiens à vous dire, monsieur le député, que le Gouvernement est très attentif à la situation de ces deux cantons, de même que l'ensemble de la gendarmerie. Je crois d'ailleurs savoir que, récemment, les élus de Champeix ont été reçus par le responsable de cette unité de commandement qui leur a expliqué comment le groupement continuait de se réorganiser et de se développer, insistant sur deux points : d'abord, son souhait que les différents points de présence de la gendarmerie ne soient pas supprimés ; ensuite, que le groupement d'Issoire-Champeix allait être renforcé en 2005 à hauteur de 13 hommes supplémentaires. La communauté de Brassac-Sauxillanges sera, quant à elle, renforcée en 2005 par trois hommes supplémentaires.
Au-delà de cette réorganisation visant à redéployer les moyens humains et à mettre davantage de gendarmes sur le terrain, au-delà du fait que les commandants de groupement soient à la disposition des élus et essaient de discuter, en concertation avec eux, des modalités d'intervention, le souci essentiel du Gouvernement est de veiller à ce que la loi d'orientation et de programmation bénéficie concrètement à l'ensemble des unités en secteur rural et dans des territoires ruraux où, c'est vrai, la délinquance a fait son apparition au cours de la dernière décennie. Les annonces concrètes - 13 postes pour Issoire-Champeix et 3 postes pour Brassac-Sauxillanges en 2005, s'ajoutant aux effectifs déjà mis à disposition en 2003 et 2004 - devraient être de nature à vous rassurer, monsieur le député. Mais il va de soi que les commandants de groupement et les responsables d'unité restent à votre disposition, localement, pour discuter de telle ou telle organisation concrète et des modalités d'intervention.
M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Bacquet.
M. Jean-Paul Bacquet. Monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie de votre réponse et j'aimerais pouvoir vous dire que j'en suis satisfait ! (Sourires.) J'apprécie votre grande sincérité, même si cette réponse a été préparée par des services techniques qui, manifestement, considèrent que les ministres sont, comme les élus locaux, incapables de comprendre ce qu'il y a derrière les chiffres !
Vous avez fait un petit historique en rappelant les dates de 1850 et de 1941, et je ne peux que partager votre analyse. J'ai même souligné que la réorganisation par elle-même était louable, que la répartition des moyens en fonction des besoins par rapport au développement démographique et à la modification sociologique de notre pays était une bonne chose. Je n'ai pas condamné le principe : j'ai déclaré que le résultat n'était pas à la hauteur de nos espérances. Ce qui est totalement différent.
Revoyons les chiffres qu'on vous a donnés, monsieur le secrétaire d'État. Que signifient-ils ? Vous le savez : cela dépend de ce qu'on analyse ! Sur la ville d'Issoire, il y avait 45 policiers. Il y a aujourd'hui 43 gendarmes sur la ville d'Issoire, le canton d'Issoire et une partie sur la compagnie d'Issoire.
M. Hervé Morin. Il n'y a pas le PSIG !
M. Jean-Paul Bacquet. Si justement, dont une partie du PSIG ! Le peloton de surveillance et d'intervention de la gendarmerie intervient sur la totalité de la compagnie ! Et il n'est plus affecté sur le canton d'Issoire, comme c'était le cas.
Cela signifie en réalité une diminution des effectifs. De plus, on assiste à une rupture du cordon ombilical, si je puis dire, qui lie la République à travers ses élus aux gendarmes, car si ces derniers interviennent sur une zone aussi vaste, ils ne peuvent pas connaître la totalité des élus ni les particularismes locaux.
Vous avez cité Brassac, que je n'avais pas cité, et vous avez eu raison - c'est d'ailleurs le canton de Jumeaux. À Brassac, il y avait deux gendarmeries car il s'agissait d'un secteur minier, où l'on comptait vingt-sept nationalités. On a supprimé une gendarmerie, ce qui se conçoit puisque la situation a évolué. Mais le redéploiement a eu comme conséquence d'accentuer la désertification et de nous priver de gendarmes sur le terrain, ce qui, aujourd'hui, est dénoncé par tous les élus.
Monsieur le secrétaire d'État, vous nous annoncez 13 gendarmes supplémentaires sur Issoire et 3 supplémentaires sur Sauxillanges. Monsieur le secrétaire d'État, je vous crois ! Et j'espère pouvoir vous croire totalement ! Car pour l'instant, il y a eu des diminutions d'effectifs à Champeix, à la Tour-d'Auvergne, et ailleurs. Je ne vais pas continuer la liste car ce serait trop long. Alors même qu'il y a une augmentation des effectifs de la brigade d'Issoire, on assiste à une diminution sur le plan opérationnel, le secteur d'intervention étant désormais beaucoup plus vaste.
J'attends les 13 gendarmes supplémentaires, mais je veux savoir où ils seront affectés ! Le seront-ils sur le secteur d'Issoire-Champeix, ou partiellement sur la totalité de la compagnie, ce qui n'a pas du tout la même signification ?
Monsieur le secrétaire d'État, il ne s'agit pas là d'un cri de révolte : je ne fais que traduire la pensée des élus locaux. Comme je l'ai dit tout à l'heure, chacun d'entre nous, sur quelque banc que ce soit, pour peu que nous ayons un peu suivi les élections sénatoriales, sait aujourd'hui que c'est une réelle préoccupation des élus ruraux, qui sentent monter la délinquance et assistent à la désertification de la gendarmerie en zone rurale.

SOC 12 REP_PUB Auvergne O