FICHE QUESTION
12ème législature
Question N° : 88702  de  M.   Morel-A-L'Huissier Pierre ( Union pour un Mouvement Populaire - Lozère ) QE
Ministère interrogé :  commerce extérieur
Ministère attributaire :  commerce extérieur
Question publiée au JO le :  14/03/2006  page :  2651
Réponse publiée au JO le :  04/07/2006  page :  7045
Rubrique :  commerce extérieur
Tête d'analyse :  exportations
Analyse :  PME. aides de l'État
Texte de la QUESTION : M. Pierre Morel-A-L'Huissier attire l'attention de Mme la ministre déléguée au commerce extérieur sur le déficit commercial de la France. En 2005, la France aurait en effet importé pour 26 milliards d'euros de plus qu'elle n'aurait exporté. Il semble que plusieurs paramètres soient à l'origine de cette tendance, notamment une faiblesse structurelle en matière d'économie de services. Si l'on compare les résultats entre l'Allemagne et la France, le contraste est saisissant. En effet, l'Allemagne - qui a affiché en 2005 un excédent de sa balance commerciale de 120 milliards d'euros -, si elle exporte des biens d'équipements au même titre que la France, peut s'appuyer sur des milliers de PME qui exportent d'autres biens d'équipements plus spécifiques. Le PIB allemand est égal à 1,3 fois le PIB français, or les exportations allemandes s'élèvent à plus du double des nôtres. Vers la Chine, elles sont 3,2 fois plus élevées, vers la Thaïlande et l'Inde 3 fois plus élevées. Par ailleurs, il semblerait que nous n'exportions pas assez - hors tourisme - de ce qu'on appelle les « invisibles », à savoir redevances techniques, services financiers... Aussi, il lui demande de bien vouloir lui confirmer ces tendances et de lui préciser les mesures qu'entend prendre le Gouvernement afin d'inciter les PME à la spécialisation et à l'exportation.
Texte de la REPONSE : Après un gain de 5,8 % en 2004, les exportations françaises ont progressé en valeur de 4,1 % en 2005. En termes géographiques, nos ventes sont restées peu dynamiques dans l'Union européenne à vingt-cinq (+ 2,6 % en 2005), notamment vers l'Allemagne (+ 1,0 %) et le Royaume-Uni (-1,3 %), à l'exception notable des nouveaux États membres (+ 9,2 %), mais elles ont été soutenues vers les zones tierces, hors Proche- et Moyen-Orient : Asie (+ 15,9 %), États-Unis (+ 8,3 %), Afrique (+ 10,8 %) et Amérique latine (+ 11,6 %) ; en termes sectoriels, les performances de nos exportations ont été variables selon les secteurs : dynamiques dans les secteurs des biens d'équipement (+ 6,2 % en 2005) et des biens de consommation (+ 6 %), elles ont été modestes dans les secteurs des biens intermédiaires (+ 3,8 %) et des produits agroalimentaires (+ 1,9 %) et ont reculé dans l'industrie automobile (-2,9 %). La hausse de nos ventes a toutefois été sensiblement inférieure à la croissance de nos importations (+ 9,3 %). Partant, le déficit commercial de la France s'est creusé à - 23,4 milliards d'euros en 2005, contre - 5 milliards d'euros en 2004 : cette évolution est en partie imputable à l'inflation des prix des matières premières : l'alourdissement de la facture énergétique (38 milliards d'euros en 2005) explique près de la moitié du creusement du solde commercial ; elle tient également à l'appréciation passée de l'euro et à l'orientation géographique de nos échanges, qui ne nous permet pas de tirer totalement parti de la forte croissance du commerce mondial. En revanche, recensant les échanges de marchandises, elle n'est pas directement liée au commerce extérieur de services ; 23 milliards d'euros en valeur absolue : ce montant est un record historique, supérieur aux pics de 1982 (16 milliards) et de 1990 (12 milliards). Toutefois, nos échanges étant aujourd'hui à leurs plus hauts, les déséquilibres sont « mécaniquement » plus élevés. De fait, rapporté à la taille de l'économie, le déficit commercial de la France représente 1,4 % du produit intérieur brut (PIB), ratio élevé, comme en 1990 (1,2 %), mais inférieur à son niveau de 1982 (2,9 %) ; plus pertinent est l'indicateur de taux de couverture, qui rapporte les exportations aux importations : 94 % en 2005, contre 86 % en 1980-1982, et 94 % en 1990. De fait, le déséquilibre de nos échanges est revenu, en proportion, à son niveau du début des années 1990. En tout état de cause, le taux de couverture des échanges français reste supérieur aux taux observés au Royaume-Uni (78 %), en Espagne (67 %), a fortiori aux États-Unis (54 %). En 2005, les exportations allemandes ont progressé de 7,5 %, contre une hausse des ventes françaises de 4,1 %. Depuis 2000, l'Allemagne a gagné 1,4 point de part de marché dans le monde, quand la France en a perdu 0,2. De fait, l'Allemagne est redevenue, depuis 2003, le premier exportateur mondial (786 milliards d'euros en 2005 et un solde excédentaire de 160 milliards). Un tel montant d'exportations est deux fois supérieur aux ventes françaises. Ce rapport doit être mis en perspective : si le PIB de l'Allemagne représente 1,3 fois le PIB de la France, la production industrielle allemande représente le double de son équivalent français (la France est davantage « tertiarisée » que l'Allemagne). Partant, le rapport des exportations des deux pays - qui enregistrent les seuls échanges de marchandises - est conforme à la logique. Il reste que l'Allemagne a bénéficié, au cours de la période récente, d'une conjonction de facteurs favorables : la compétitivité prix de l'Allemagne s'est améliorée en termes relatifs. Si la compétitivité de la France, amputée par l'appréciation de l'euro depuis 2002, a été préservée grâce à une bonne maîtrise des coûts, l'Allemagne a consenti d'importants efforts, via des restructurations industrielles et un recours accru à l'« outsourcing », pour effacer le déficit de compétitivité hérité de la réunification. Ces efforts lui ont permis, mieux que ses voisins, d'absorber la hausse de l'euro depuis 2002 ; dans l'ensemble, l'Allemagne a profité d'un positionnement géographique porteur, en particulier sur les marchés d'Europe de l'Est et d'Asie émergente - mais aussi d'un différentiel négatif de croissance avec la France : alors que nos exportations ont été pénalisées par l'atonie de la demande allemande, les entreprises outre-Rhin ont rencontré une demande plus dynamique sur notre sol ; si la structure sectorielle des exportations de l'Allemagne n'est pas meilleure qu'en France, qui détient des positions solides sur les segments de technologies, l'Allemagne a bénéficié d'un positionnement hors prix favorable, en termes de pouvoir de marché, de gamme et d'image, dans des secteurs dynamiques de son commerce extérieur (automobile, machines...) ; enfin, l'Allemagne a été avantagée par la structure de son appareil industriel, largement doté en entreprises de taille intermédiaire, plus adaptées à la conquête des marchés lointains. Ces avantages doivent toutefois être nuancés. Les hiérarchies ne sont pas irréversibles : entre 1990 et 2000, selon l'Organisation mondiale du commerce, les exportations françaises avaient crû plus de 1,6 fois plus vite que les ventes allemandes. Surtout, les efforts de restauration de la compétitivité allemande, rendus nécessaires par les pertes accumulées au début des années 1990, se sont traduits par une baisse de la valeur ajoutée unitaire produite et une hausse des importations ; de fait, l'Allemagne a gagné des parts de marché aux dépens de sa croissance. La comparaison avec l'Allemagne met l'accent sur trois faiblesses structurelles de la France : l'orientation géographique de nos ventes est désavantageuse. Dominée à plus de 80 % par les marchés de proximité (Europe, Afrique, Proche- et Moyen-Orient), la structure de nos exportations ne nous permet pas de profiter à plein de la dynamique mondiale (Asie, Amérique). En particulier, si la faiblesse relative de notre présence sur les marchés émergents à forte croissance est en partie « normale », compte tenu de leur éloignement (géographique, historique et culturel), nos positions sont « anormalement » moins bonnes que celles de l'Allemagne, et surtout la France perd du terrain par rapport à la zone euro, notamment en Asie ; le positionnement sectoriel de la France reste globalement favorable (les biens « en progression » dans les échanges mondiaux représentent 58 % de nos ventes), mais il l'est moins que par le passé (si ce ratio est aujourd'hui supérieur de quatre points à la moyenne mondiale, il était plus élevé de dix points en 1980) : de fait, l'avantage de la France, hors secteurs aéronautique et pharmaceutique, s'est globalement érodé dans la catégorie des produits les plus dynamiques (informatique, composants électroniques, fournitures électriques, habillement) ; enfin, l'appareil exportateur français est insuffisamment développé : 108 000 entreprises ont exporté des marchandises en 2004, soit environ 4 % des entreprises implantées sur le territoire français (2,5 millions). Cette proportion masque des situations différenciées (de l'ordre de 70 % des entreprises de plus de 250 salariés sont exportatrices, dont 96 % dans le seul secteur industriel), mais la part d'exportateurs au sein des petites et moyennes entreprises est en tout état de cause plus faible en France qu'en Allemagne (11 %). Ces écarts sont largement dus aux différences des tissus micro-économiques : en France, les PME de taille intermédiaire (de 10 à 249 salariés) représentent 16 % de l'industrie manufacturière, contre 34 % en Allemagne. De fait, l'Allemagne dispose d'un actif stratégique : une proportion plus élevée de PME de taille suffisante pour conquérir des marchés lointains. Les services occupent une place majeure dans les économies développées : en 2004, ils ont assuré 76 % de la valeur ajoutée créée en France (contre 63 % en 1980) et 74 % de l'emploi total (66 % en 1980), y compris services administrés (respectivement 22 et 27 % en 2004). Cette évolution s'est traduite par le recul relatif du poids de l'industrie manufacturière (16 % de la valeur ajoutée en 2004, contre 25 % en 1980) - corollaire notamment d'une inflation des prix plus rapide (la part de l'industrie en volume dans la valeur ajoutée est restée stable : 17 % en 2004, contre 18 % en 1980) - et de l'agriculture (5 % à 3 %). En 2005, les exportations françaises ont atteint plus de 92 milliards d'euros. En 2004, sa part de marché mondial était évaluée à 5,1 %, au 4e rang des principaux exportateurs mondiaux (derrière les États-Unis, le Royaume-Uni et l'Allemagne). De fait, les services contribuent substantiellement aux échanges extérieurs de la France : ils représentent 26 % des exportations de biens. En valeur, les exportations françaises sont dominées par le poste « voyages » (37 % de l'ensemble des exportations), les services de transports (23 %) et les « services divers aux entreprises » (18 %). La France tire ses principaux avantages comparatifs du tourisme et, dans une moindre mesure, des services de construction, des redevances/droits de licence et des communications. A contrario, la France accuse des désavantages dans les assurances, les services financiers, les transports et les « services divers aux entreprises ». Ces « désavantages » doivent être nuancés : dans ces secteurs, les montants échangés sont faibles, reflet d'une extraversion modeste des exportateurs français. C'est que les exportations ne constituent pas la modalité principale d'accès aux marchés extérieurs : à près de 80 %, les investissements directs de la France à l'étranger sont concentrés dans les services. De fait, en 2001, le chiffre d'affaires réalisé par les filiales d'entreprises françaises atteignait dans les services (hors commerce) près de 250 milliards d'euros, un montant près de trois fois supérieur à nos exportations. Le renforcement des positions françaises constitue une priorité : outre que les services sont un pôle fort de spécialisation française, l'échangeabilité croissante des services, la hausse tendancielle de la demande à mesure du développement économique mondial, enfin l'ouverture attendue des marchés émergents offrent autant d'opportunités que la France devra saisir. Ce contexte impose des efforts redoublés pour aider un plus grand nombre d'entreprises à exporter, particulièrement les PME. Le dispositif français d'aide à l'exportation est orienté en priorité vers l'aide aux petites et moyennes entreprises, celles qui exportent déjà, mais plus encore vers les exportateurs occasionnels, les nouveaux exportateurs, les PME ayant un potentiel à l'export mais qui n'ont pas encore franchi le pas. Il est sophistiqué et multiforme, de manière à coller au mieux à leurs besoins. Il est également évolutif, dans un souci d'efficacité renforcée, et de manière à prendre en compte les priorités du Gouvernement, dont la principale d'entre elles, l'emploi. Fort du constat que les petites et moyennes entreprises, particulièrement les primo-exportateurs, sont souvent dépourvues de véritable structure export au sein même de l'entreprise, le Gouvernement a mis en place en 2005 deux nouveaux dispositifs : le crédit d'impôt prospection commerciale, qui conditionne l'octroi d'une aide fiscale au recrutement d'un salarié dédié à l'exportation. En vigueur depuis le 1er janvier 2005, il est destiné aux PME qui engagent une prospection commerciale en dehors de l'Espace économique européen. Ce crédit d'impôt porte sur un montant de 40 000 euros avec un plafond de 50 % des dépenses de prospection engagées sur une période de vingt-quatre mois à compter de la date de recrutement d'un salarié dédié à l'export. Ce montant est doublé lorsque les entreprises se regroupent dans le cadre d'un groupement d'intérêt économique ou d'une association (type loi de 1901) ; le contrat emploi export, calqué sur le contrat de chantier, qui est en vigueur depuis le 1er janvier 2005. Il permet de gérer la durée incertaine inhérente à certaines démarches à l'exportation et suppose l'adoption d'un accord de branche ou d'entreprise. La loi fixe des éléments obligatoires que l'accord collectif de branche ou d'entreprise doit comporter et impose des garanties précises pour les salariés concernés : taille et type d'entreprises concernées pour le seul accord collectif, catégories de salariés concernés, nature des missions à l'exportation concernées ainsi que durée minimale (au moins six mois), contreparties en termes de rémunération et d'indemnités de licenciement accordées aux salariés, en termes de formation pour les salariés concernés et mesures indispensables à leur reclassement. L'Union des industries métallurgiques et minières a signé en octobre 2005 un accord avec les partenaires sociaux pour donner aux entreprises du secteur la capacité de proposer ce contrat. Le plan Cap Export, annoncé en octobre 2005, et dont les mesures sont désormais toutes entrées en vigueur, a pour objectif de renforcer le dispositif d'aide à l'exportation, et de le rendre plus simple, plus lisible et plus efficace. Dans ce nouveau cadre : le crédit d'impôt prospection commerciale a été étendu à compter du 1er janvier 2006 à l'Espace économique européen, et les rémunérations de volontaires internationaux en entreprise (VIE) font partie des dépenses éligibles. La procédure du volontariat international en entreprise permet à une entreprise d'envoyer un jeune professionnel (dix-huit à vingt-huit ans) à l'étranger pour une mission de six à vingt-quatre mois dans un ou plusieurs pays. Depuis février 2004, les jeunes peuvent rester jusqu'à 165 jours par an dans leur entreprise en France pendant la mission et travailler « à temps partagé » pour plusieurs petites et moyennes entreprises. Le nombre de VIE a progressé de près de 20 % en 2004 (à 2 700) et atteignait 3 511 fin 2005 ; les traitements et salaires perçus par des personnes ayant leur domicile fiscal en France et qui exercent leur activité dans la prospection de marchés extérieurs pendant plus de 120 jours au cours de l'année civile dans un État autre que la France sont exonérés d'impôt sur le revenu à raison des salaires perçus en rémunération de l'activité exercée à l'étranger. Il s'agit de l'extension aux salariés export d'un dispositif fiscal dont l'objet est de faciliter la mobilité de certaines catégories de salariés à l'étranger, et dont bénéficiaient déjà les personnes travaillant sur des chantiers à l'étranger. Les conditions d'application de la mesure d'exonération fiscale, qui s'applique à compter de l'imposition des revenus de l'année 2006, ont été publiées au Bulletin officiel des impôts ; la procédure de labellisation est renforcée, et son périmètre est élargi aux actions de promotion collectives conduites par les pôles de compétitivité et aux opérations de portage. Sont désormais éligibles, en plus des pavillons France sur des foires et salons, les présentations de produits et savoir-faire, les rencontres d'acheteurs et de partenaires, et les promotions commerciales. Afin de compléter ce dispositif, une nouvelle mesure, visant à créer mille groupements d'entreprises à l'exportation, a été annoncée en mars 2006. Financée sur les crédits du ministère des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et des professions libérales et gérée par Ubifrance, elle permet d'octroyer une aide plafonnée à 20 000 euros à des groupements qui font appel aux services d'accompagnateurs, dont le rôle est de soutenir le groupement dans sa constitution et son fonctionnement. L'ensemble du dispositif fait l'objet d'une communication améliorée, notamment par le biais du site internet modernisé d'Ubifrance, et du nouveau portail de l'exportation, le site exporter.gouv.fr, dont l'un des modules est une base appuis interactive qui permet aux entreprises de connaître les aides à l'exportation auxquelles elles sont éligibles en fonction de leur taille et de leur localisation géographique. Toutes ces mesures sont de nature à aider nos exportateurs et à favoriser l'emploi, celui des jeunes en particulier. Elles répondent à leurs attentes et doivent être largement diffusées au niveau local et régional pour qu'un nombre important de petites et moyennes entreprises puissent en bénéficier. Le ministre délégué au commerce extérieur a bien sûr noté l'intérêt de l'auteur de la question pour ses interrogations relatives au commerce extérieur et compte sur son soutien pour la diffusion de ces informations.
UMP 12 REP_PUB Languedoc-Roussillon O