Texte de la QUESTION :
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M. Kléber Mesquida souhaite attirer l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la pêche sur les problèmes que connaît la viticulture en Languedoc-Roussillon. L'ensemble de la filière vitivinicole française traverse une grave crise, et en particulier celle du Languedoc-Roussillon. Dans cette région, la baisse de récolte conjuguée à l'effondrement des prix induit une baisse de 40 % des revenus des viticulteurs. Les cuves sont pleines alors que les caisses des exploitations sont vides. Fin 2005, dans la région, 12 500 ha ont été souscrits à l'arrachage, ce qui correspond à la destruction globale de 3 000 emplois, atteignant toute l'économie régionale. Depuis plus d'un an, la profession a émis plusieurs propositions et, à défaut d'avoir été rassurés, le 15 février dernier, 15 000 vignerons ont manifesté avec gravité dans un calme et une dignité remarquable. Le 22 février dernier, à l'occasion des questions d'actualité, il a interpellé le Gouvernement sur la gravité de la situation et sur les mesures à mettre en oeuvre. Dans la réponse, sa collègue Mme Nelly Ollin, a simplement rappelé les dispositifs qu'il avait mis en place, il y a plus d'un an, et qui n'ont eu aucun effet sur la résolution de la crise. Il s'adresse à nouveau à lui, d'une part, pour attirer son attention sur la gravité de la crise entraînant la désespérance des vignerons dont les exaspérations se traduisent hélas par des actes violents, et, d'autre part, rappeler les points essentiels auxquels le Gouvernement doit apporter réponse : trésorerie : attribution d'une aide directe pour toutes les exploitations en difficulté. Dettes fiscales et sociales : mise en place d'un moratoire accompagné d'un allègement structurel des charges et d'un dégrèvement sur le foncier non bâti. Emprunts : année blanche pour les emprunts bancaires des vignerons et des caves coopératives y compris pour les prêts bonifiés. Social : mesures d'accompagnement social pour les cessations d'activité par le renforcement du dispositif communautaire en facilitant l'accès aux préretraites et l'aide à la reconversion professionnelle. Distillation : compte tenu de l'importance des stocks de vin invendus, mise en place d'une distillation (dans le cadre de l'article 30) d'un volume conséquent, à auteur de 4 millions d'hectolitres sur la base d'un prix rémunérateur intégrant les coûts de production et de vinification. Exportation : alors que la consommation mondiale augmente, et que les autres pays européens producteurs accordent un accompagnement budgétaire 10 fois supérieur à celui de la France, il convient d'apporter un soutien plus important à la commercialisation, notamment à l'export, avec la mise en place de mesures accessibles, simples et efficaces et des moyens financiers plus importants. Commercialisation : interdiction de la vente à perte au stade de la production en fixant des prix planchers et en moralisant les pratiques de la grande distribution. Dans le cadre de la réforme de l'OMC vin, maintien des mesures de restructuration du vignoble et de gestion du marché, en orientant des crédits communautaires vers la structuration des entreprises, la commercialisation et la communication sur le vin. Réglementation : mise en place d'une gestion par bassin de production en refusant le transfert des excédents d'un bassin sur un autre sous le contrôle d'une instance nationale. Modification de la réglementation concernant la production afin de simplifier l'offre et permettre l'adaptation aux segments de marché. Harmonisation de la réglementation européenne sur les pratiques oenologiques et les conditions de production (réglementation des produits phytosanitaires, conditions de travail, impact fiscal et social, etc.). Communication : dans ce domaine, tout en intégrant le principe de modération, ne plus utiliser la seule image du vin dans les campagnes de sécurité et de lutte contre l'alcoolisme en facilitant la communication sur le vin comme un accompagnement alimentaire ainsi que l'ont fait d'autres pays européens dont l'Espagne. Intégrer la modération sans tendre vers la prohibition, ce que laisse craindre la présence dans le Conseil de la modération d'un représentant de la lutte contre les drogues et la toxicomanie. Aussi, il lui demande de prendre en considération la situation critique de la viticulture languedocienne et quelles mesures il compte prendre pour répondre aux attentes de la profession telles qu'elles ont été rappelées ci-dessus.
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Texte de la REPONSE :
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La situation du marché du vin apparaît en effet difficile à l'heure actuelle dans certaines régions viticoles et le Gouvernement mesure parfaitement l'ampleur des difficultés. Ainsi, une délégation de viticulteurs a été reçue par le Premier ministre le 20 décembre 2005 et, depuis 2006, deux rencontres avec la filière viticole se sont tenues au ministère de l'agriculture et de la pêche, le 1er février et le 29 mars derniers. Le ministère de l'agriculture et de la pêche a pris plusieurs mesures en 2005 et 2006 à destination des exploitations les plus fragilisées par la crise. Lors de la campagne précédente, en complément des mesures européennes de distillation, d'arrachage et de restructuration du vignoble, 35 MEUR de subventions exceptionnelles et 40 MEUR de prêts de consolidation ont été mobilisés. Pour cette campagne, le Premier ministre a annoncé, au congrès de la FNSEA, le 23 mars dernier, une enveloppe d'aides supplémentaires de 50 M et 40 M de prêts de consolidation. Le 29 mars dernier, le ministère de l'agriculture et de la pêche a examiné avec les représentants des bassins les conclusions du rapport de Bernard Pomel, préfet coordinateur de ces bassins, et les propositions qu'il contient, afin d'arrêter un plan dynamique, concret et concerté de modernisation de la filière pour conserver la place d'excellence mondiale des vins français. Sur la base de ce rapport, le ministère de l'agriculture et de la pêche a détaillé la feuille de route proposée à la filière viticole pour les prochains mois et les années à venir. Celle-ci repose sur les trois axes suivants : une offre mieux adaptée aux attentes du marché. L'accord du 21 juillet 2004 classait les vins comme répondant soit au « marketing de l'offre », essentiellement les Appellations d'origine contrôlées, soit au « marketing de la demande ». Pour traduire cette segmentation dans la réalité réglementaire, et afin de conforter la valeur des Appellations d'origine contrôlées, il est apparu nécessaire à tous les partenaires de la filière, de simplifier et de rendre plus transparentes et plus efficaces les procédures d'agrément et de contrôle de l'Institut national des appellations d'origine. Par ailleurs il a été décidé d'ouvrir l'éventail des pratiques oenologiques autorisées pour faciliter l'adaptation des produits du « marketing de la demande » : l'utilisation des copeaux de bois va être autorisée prochainement par la communauté européenne ; les techniques de désalcoolisation doivent être généralisables sans toucher à la définition du vin et les mesures d'enrichissement par les moûts seront encouragées. Une stratégie efficace pour l'exportation. Compte-tenu de la place que représente l'export pour le développement des débouchés, un plan d'accompagnement doit être mis en oeuvre. Ce plan doit être ciblé pour être efficace étant donné l'importance des investissements à réaliser, et s'accompagner de mesures de marketing structurelles (études approfondies de marché, création de produits et de marques adaptés). Sur l'enveloppe de 50 MEUR, décidée par le Premier ministre, 12 MEUR ont été ouverts en 2006 pour financer ce nouveau plan d'exportation du vin français qui s'appuiera sur les éléments suivants commande et mise à disposition de panels et d'études de marché ciblé et détaillé ; fédération des efforts de nos exportateurs sous une marque et un logo communs « France » ; soutien à de grands projets ciblés et pluriannuels. Un premier bilan des actions menées pour le soutien à l'exportation sera présenté d'ici un an afin de réorienter ou de renforcer certains soutiens, en fonction de leur efficacité. Une restructuration et reconversion de la filière. De nombreux viticulteurs n'ont pas les moyens de faire face à la crise qui touche le secteur. Certaines entreprises ou certaines zones dans les bassins viticoles ne parviennent plus à produire des vins répondant à la demande du consommateur. Pour apporter les réponses adaptées à cette crise, le Premier ministre a ouvert une enveloppe de 38 MEUR, pour financer les aides d'urgence et les restructurations. Une enveloppe de prêts de consolidation de 40 MEUR a également été décidée par le Gouvernement. Chaque bassin doit examiner les conditions de viabilité pour l'avenir de tous les échelons de la filière et proposer un plan de restructuration mis en oeuvre par les préfets de département s'appuyant sur plusieurs volets : - attributions d'aide de trésorerie, et prises en charge des cotisations sociales de viticulteurs en difficulté passagère ; - plan d'aide au départ ou de reconversion des agriculteurs qui le souhaitent et qui sont en difficulté structurelle. Ils pourront notamment bénéficier de préretraites ; - plan de regroupement et restructuration des entreprises coopératives, de négoce et de mise en marché ; - plan de reconversion de zones de production en difficulté. Des mesures d'arrachage et de reconversion seront proposées. Pour suivre la mise en place de cette stratégie nationale, il sera créé un Conseil national de la viticulture française, chargé de coordonner au niveau national les propositions et les actions des bassins, qui s'organiseront au travers notamment de conseils de bassin. Ce Conseil se réunira avant le 1er juillet afin de proposer les conditions de réalisation de la campagne 2006/2007. Au vu des premiers éléments concernant les évolutions de marché, et notamment le résultat des dispositions prises pour réaliser les mesures de distillation qui auront été décidées, le Gouvernement arrêtera une indication pour le niveau des rendements par segment de marché. En tant que de besoin, il fixera ces niveaux de rendements, afin de ne pas aggraver la saturation du marché et veillera à ce qu'ils soient fixés en tout état de cause avant fin juillet. Enfin, figurant parmi les mesures nécessaires pour passer le cap de la crise viticole, la création du Conseil de modération et de prévention doit conjuguer les approches en termes d'enjeux économiques et de santé. Il est une instance de dialogue et d'échange qui assiste et conseille les pouvoirs publics dans l'élaboration et la mise en place des politiques de prévention en matière de consommation d'alcool. Conformément aux dispositions de l'article 69 de la loi d'orientation agricole, le nouveau décret portant création du Conseil de modération et de prévention a été pris le 14 février 2006 et publié immédiatement au Journal officiel. M. Michel Rouger a été désigné comme président du Conseil de modération et de prévention. La publication dans les meilleurs délais des arrêtés de nomination des membres doit permettre l'installation prochaine de cette instance et son fonctionnement. Le Conseil pourra alors proposer au Gouvernement les actions nécessaires afin de responsabiliser les producteurs et les consommateurs sans pénaliser pour autant l'avenir économique de la filière. Cet ensemble de mesures traduit la volonté du Gouvernement de continuer à accompagner les viticulteurs et la filière viticole dans ses difficultés.
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