FICHE QUESTION
12ème législature
Question N° : 88  de  M.   Ginesta Georges ( Union pour un Mouvement Populaire - Var ) QOSD
Ministère interrogé :  justice
Ministère attributaire :  justice
Question publiée au JO le :  13/01/2003  page :  129
Réponse publiée au JO le :  15/01/2003  page :  20
Rubrique :  état civil
Tête d'analyse :  copies
Analyse :  actes de naissance. personnes adoptées. réglementation
Texte de la QUESTION : M. Georges Ginesta attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur les difficultés auxquelles sont confrontés les services de l'état civil des mairies dans le cadre de la délivrance de copies intégrales d'acte de naissance. En effet, il ressort de l'article 9 du décret n° 62-921 du 3 août 1962, modifié par le décret n° 97-852 du 16 septembre 1997, que « toute personne majeure ou émancipée peut obtenir sur indication des nom et prénom usuels de ses parents, des copies intégrales de son acte de naissance ou de mariage ». Or cette disposition réglementaire se heurte dans sa mise en oeuvre à l'instruction générale sur l'état civil IGEC n° 197-8 établissant des règles spécifiques lorsque les demandes sont formulées par des personnes faisant état d'une adoption. Trois cas sont évoqués dans l'instruction : soit l'intéressé indique qu'il a été adopté et précise son nom et celui de son ou ses parents d'origine ; soit l'intéressé fait état de son adoption et indique son nom d'origine sans préciser sa filiation ; soit l'intéressé ne fait pas état de son adoption et de son nom d'origine. Il reste cependant à préciser la démarche à suivre dans le cas où l'intéressé fait état de son adoption et ignore son nom d'origine mais fait état de sa filiation adoptive. C'est pourquoi il lui demande son interprétation de la situation et son sentiment sur l'opportunité d'une circulaire à tous les procureurs de la République pour éclairer les services de l'état civil.
Texte de la REPONSE :

DÉLIVRANCE DE COPIES D'ACTE DE NAISSANCE
EN CAS D'ADOPTION

    M. le président. La parole est à M. Georges Ginesta, pour exposer sa question, n° 88, relative à la délivrance de copies d'acte de naissance en cas d'adoption.
    M. Georges Ginesta. Monsieur le secrétaire d'Etat aux programmes immobiliers de la justice, ma question concerne la délivrance de copies d'acte de naissance en cas d'adoption.
    Mes chers collègues, vous n'êtes pas sans vous rappeler les débats qui ont eu lieu dans cette enceinte même et qui - cela fait presque un an - ont donné naissance à la loi du 22 janvier 2002 relative à l'accès aux origines des personnes adoptées et pupilles de l'Etat. Ce texte fut l'objet d'un large consensus tant sur les bancs de l'Assemblée nationale que sur ceux du Sénat et fut voté à l'unanimité et la chose est assez rare pour mériter d'être soulignée.
    Certes, l'accouchement sous X a été maintenu, mais la philosophie du texte et les dispositions prises sont suffisamment explicites pour permettre d'affirmer que le droit de connaître ses origines a enfin été reconnu et officialisé dans notre droit positif.
    Vous le savez, monsieur le secrétaire d'Etat, la question est sensible et l'enjeu pour les personnes intéressées crucial. Offrir la possibilité à des femmes dans la détresse de pouvoir accoucher anonymement et dans la discrétion la plus absolue est une nécessité ; permettre à des hommes et à des femmes d'accéder à la connaissance de leurs origines l'est tout autant. Il est certain que le temps est un facteur déterminant qui, malheureusement, n'a peut-être pas toujours été pris suffisamment en compte. Le temps apaise, les situations évoluent, la vie fait son chemin. Lorsque trente ou quarante années se sont écoulées depuis les faits, lorsque les cicatrices se sont refermées, lorsque la paix est revenue, n'est-il pas légitime de vouloir connaître ce qui s'est passé ?
    Monsieur le secrétaire d'Etat, il ne faut pas ignorer la faculté de l'homme à pardonner. Les enfants adoptés, qui sont devenus des hommes et des femmes, sont reconnaissants envers les institutions de leur avoir offert la possibilité de trouver des parents adoptifs. Ils le sont également envers leurs parents d'origine de leur avoir donné la vie. Ils le sont évidemment aussi envers leurs parents adoptifs d'avoir pris soin d'eux et de les avoir élevés. Mais ils continuent à souffrir cruellement du silence que l'on s'obstine à maintenir autour de leurs origines, du mutisme de ces mêmes autorités qui les enferment dans l'ignorance d'une partie de leur histoire personnelle. Monsieur le secrétaire d'Etat, rares sont parmi nous ceux qui savent quelle sera leur destinée ultime. Pensez combien cela peut être traumatisant de ne pas savoir d'où l'on vient ! L'angoisse des origines rejoint alors celle, métaphysique, liée à la mort et vous enferme dans l'incertitude permanente.
    Or, les registres de l'état civil ou les archives des services de l'aide sociale à l'enfance dans les départements conservent, souvent sans même le savoir, une trace du passé, un témoignage ténu permettant d'apaiser les déchirures de la vie et de renouer avec son histoire.
    Monsieur le secrétaire d'Etat, les meilleures volontés butent sur une difficulté juridique sérieuse. En effet, il ressort de l'article 9 du décret n° 62-921 du 3 août 1962, modifié par le décret n° 97-852 du 16 septembre 1997, que « toute personne majeure ou émancipée peut obtenir, sur indication des nom et prénom usuels de ses parents, des copies intégrales de son acte de naissance ou de mariage ». Le texte est clair et ne souffre aucune ambiguïté.
    Or cette disposition réglementaire se heurte dans sa mise en oeuvre à l'instruction générale sur l'état civil IGEC n° 197-8 établissant des règles spécifiques lorsque les demandes sont formulées par des personnes faisant état d'une adoption.
    Cette instruction, qui n'a pas été revue depuis l'adoption de la loi du 22 janvier 2002, est en décalage complet avec la philosophie qui prévaut aujourd'hui. Le principe qu'elle véhicule - celui du secret le plus absolu et le plus définitif - constitue un anachronisme au mépris même de la souffrance de ceux qui cherchent une réponse à leurs questions. De plus, elle ne prend pas en compte toutes les situations possibles et reste silencieuse sur le cas où l'intéressé fait état de son adoption, signale donc sa filiation adoptive mais sans pouvoir fournir son nom d'origine.
    Il est évident que cet oubli dans l'instruction ouvre une brèche juridique qui, à elle seule, justifierait la délivrance systématique de la copie intégrale de l'acte de naissance si l'on se fonde sur le seul décret du 3 août 1962.
    Or l'hostilité des services de l'état civil qui se réfèrent à la seule IGEC reste d'autant plus incompréhensible que la loi du 22 janvier 2002, en créant le Conseil national pour l'accès aux origines personnelles, le CNAOP, a clairement voulu instituer une nouvelle instance chargée de jeter un pont entre les personnes nées sous X et leur passé. Il est donc impératif que son travail d'investigation et de recueil des éléments des dossiers ne soit pas contrecarré par un texte obsolète et incomplet.
    C'est pourquoi, monsieur le secrétaire d'Etat, nous avons besoin de votre éclairage et de votre interprétation de la situation : lequel du décret ou de l'instruction doit être retenu ? Dans la mesure où le droit actuel pêche par manque de clarté, ne serait-il pas sage de permettre au CNAOP d'arbitrer et de lui reconnaître la possibilité d'avoir accès aux registres de l'état civil ou d'en obtenir des copies intégrales sous le contrôle évidemment des procureurs de la République ? Une circulaire à l'adresse de ceux-ci pourrait être opportune afin de clarifier la situation ainsi qu'une mise à jour de l'instruction générale sur l'état civil.
    M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat aux programmes immobiliers de la justice.
    M. Pierre Bédier, secrétaire d'Etat aux programmes immobiliers de la justice. Monsieur le député, vous évoquez avec beaucoup d'émotion les difficultés de délivrance des copies intégrales d'actes de naissance aux personnes adoptées et toutes les conséquences psychologiques douloureuses qu'elles induisent.
    La question de l'accès aux renseignements contenus dans les registres d'état civil a pris effectivement une acuité particulière depuis l'entrée en vigueur de la loi du 22 janvier 2002. Ce texte a en effet instauré le conseil national pour l'accès aux origines personnelles mis en place par mon collègue Christian Jacob et destiné à faciliter les démarches des personnes nées sous X. Or il est essentiel que ce conseil national puisse disposer, je veux le confirmer, de la copie intégrale de l'acte de naissance du demandeur, dans la mesure où celle-ci constitue la preuve de son identité et recèle des informations utiles pour l'instruction du dossier.
    Ainsi que vous l'avez souligné, la délivrance des pièces d'état civil est régie par le décret du 3 août 1962, aux termes desquels toute personne majeure peut obtenir, sur indication des noms et prénoms usuels de ses parents, une copie intégrale de son acte de naissance. Il n'est fait exception à cette règle que pour l'acte de naissance originaire d'un enfant adopté en la forme plénière, en application de la loi du 12 juillet 1966. Cet acte est en effet considéré comme nul selon l'article 354 du code civil. En revanche, tous les autres actes de naissance, y compris ceux reconstitués après adoption, quels que soient la date de celle-ci et le régime juridique qui lui est applicable, peuvent être délivrés dans les conditions du décret du 3 août 1962.
    A cet égard, les dispositions du paragraphe 197-8 de l'instruction générale relative à l'état civil recèle des ambiguïtés qui ont conduit certaines municipalités à refuser, de manière totalement infondée, je veux le souligner, de délivrer de telles copies. Lorsque la personne a fait l'objet d'une légitimation adoptive et qu'elle n'indique pas son nom d'origine, ce qui est précisément le cas lorsque l'adopté est à la recherche de ses parents de naissance, le paragraphe 197-8 prescrit aux services d'état civil de ne délivrer qu'un extrait, lequel ne comporte aucune mention relative au jugement d'adoption ou de soumettre la demande à l'appréciation du procureur de la République.
    Ce dispositif procède d'une conception de l'adoption reposant sur le secret. Or seule la filiation d'origine est susceptible de demeurer secrète dans l'hypothèse où la mère demande à accoucher sous X. Les dispositions du paragraphe 197-8 reposent donc sur une interprétation par trop extensive. Elles ont pour effet, vous l'avez souligné, de compliquer des démarches déjà difficiles et souvent extrêmement douloureuses pour des personnes qui, en tout état de cause, par le fait même qu'elles veulent connaître leurs origines, savent qu'elles ont été adoptées.
    En conséquence, des instructions seront prochainement données aux parquets pour remédier à l'interprétation que certains officiers de l'état civil font actuellement de ce texte et permettre la délivrance des copies intégrales des actes de naissance dans les conditions prévues par le décret du 3 août 1962. Je tiens, monsieur le député, à vous remercier d'avoir appelé notre attention sur ce sujet extrêmement délicat.

UMP 12 REP_PUB Provence-Alpes-Côte-d'Azur O