Texte de la REPONSE :
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CONDITIONS DE CUMUL
D'UNE ALLOCATION CHÔMAGE AVEC LE REVENU
D'UNE ACTIVITÉ NON SALARIÉE
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Léonard, pour exposer sa question, n° 896, relative aux conditions de cumul d'une allocation chômage avec le revenu d'une activité non salariée.
M. Jean-Louis Léonard. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État à l'insertion professionnelle des jeunes, la question du cumul de l'allocation chômage avec un salaire se pose depuis longtemps.
En 2002, le Premier ministre a annoncé qu'il avait l'intention de favoriser la création de plusieurs millions d'entreprises, en priorité pour ceux qui sont privés d'emploi mais qui ont le talent d'entreprendre. Le dispositif mis en place par la dernière convention UNEDIC permet ainsi à un créateur d'entreprise de cumuler, au moins partiellement et sous certaines conditions, l'allocation chômage avec les revenus de son activité. Hélas, si ce système est très incitatif, il introduit une discrimination entre les porteurs de projets, selon le montant de l'allocation qu'ils percevaient avant de créer leur entreprise.
La nouvelle convention relative au régime d'assurance chômage consacre le principe du cumul de l'allocation d'aide au retour à l'emploi - l'ARE - avec une activité professionnelle non salariée, à condition que les revenus procurés par celle-ci ne dépassent pas 70 % des rémunérations brutes antérieures prises en compte pour le calcul de l'indemnisation. Or, la plupart du temps, pendant les deux premières années, le chef d'entreprise ne peut pas connaître les revenus que lui procure cette nouvelle activité, surtout s'il s'agit d'une micro-entreprise, telle qu'un petit commerce. Dans ce cas, l'ASSEDIC détermine, à titre provisoire, le seuil sur la base d'une rémunération forfaitaire : elle est de 512,50 euros durant la première année civile, et de 782 euros pour la seconde. L'ASSEDIC fait donc, chaque mois, le rapport entre cette base de rémunération forfaitaire et le salaire journalier de référence établi pour l'indemnisation, égal à 23,88 euros.
Or, à cause de ce système, il arrive, surtout la deuxième année, que les porteurs de projets - qu'ils soient de jeunes entrepreneurs ou repreneurs - ne bénéficient plus de cette aide sans disposer pour autant d'un salaire digne de ce nom.
Je voudrais citer l'exemple d'une jeune femme de ma circonscription. Elle était au chômage mais, ayant de réels talents d'entrepreneur, elle décida de monter un petit commerce de mercerie, après que la chambre de commerce eut réalisé une étude. Admise au bénéfice de l'ARE le 10 juin 2002, elle devait toucher l'allocation de 23,88 euros nets par jour pour une durée maximale de 912 jours. La première année, l'ASSEDIC lui a donc versé, selon le mode de calcul que je vous ai rappelé, 521,50 euros divisés par 23,88, soit 21 jours en moins par mois. Pour la seconde année, c'est encore pire : l'ASSEDIC doit lui verser 782,55 euros divisés par 23,88, c'est-à-dire lui défalquer 32 jours par mois. Non seulement elle ne touchera rien, mais, si l'on applique à la lettre la réglementation, elle devra reverser un jour de chômage. Ce système n'est-il pas aberrant ?
Savez-vous ce qui attend cette jeune femme, qui ne bénéficie plus du RMI, ne perçoit aucun revenu de son entreprise et ne touche plus d'allocation chômage ? Le dépôt de bilan et l'endettement : bref, elle est à la rue. D'un système qui permettait de stimuler la création d'entreprise, on est passé à un système destructeur et démoralisant.
Ce cas n'est pas isolé et je pourrais en citer vingt-cinq autres dans ma circonscription. Il est urgent de revoir la convention, pour éviter que les jeunes entrepreneurs ne soient pénalisés par ce calcul aberrant, et pour relancer sans tarder la création d'emplois.
Monsieur le secrétaire d'État, vos services connaissent parfaitement ce phénomène. La cohésion sociale commence par l'emploi, et d'abord par celui des entrepreneurs. Quelle mesure immédiate comptez-vous prendre ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État à l'insertion professionnelle des jeunes.
M. Laurent Hénart, secrétaire d'État à l'insertion professionnelle des jeunes. Monsieur le député, je ne vais pas donner lecture de la réglementation de l'assurance chômage - vous la connaissez parfaitement -, mais je voudrais vous communiquer une bonne nouvelle. L'assiette forfaitaire dont vous avez parlé a été portée, pour la première année, de 512,50 à 521,50 euros par mois. Vous le voyez, les choses peuvent évoluer.
Cette précision illustre, sous la forme d'un clin d'oeil, les difficultés qu'une réglementation complexe a parfois à épouser les réalités du terrain, en l'occurrence à prévoir à l'euro près les revenus que l'on peut tirer d'une entreprise, dont la création est une démarche à haut risque.
Vous souhaitez savoir dans quel sens la situation peut évoluer - car elle doit évoluer. Nous envisageons deux directions. Mon collègue Gérard Larcher, ministre délégué aux relations du travail, chargé de la discussion avec les syndicats sur toutes les questions relatives au contrat de travail - mais aussi à ses à-côtés, dont l'assurance chômage -, a fait du cumul de l'indemnisation du chômeur et des revenus du jeune créateur d'entreprise un des points dont il débat avec les partenaires sociaux qui, dans ce domaine, ont l'initiative. Il se tient à la disposition des parlementaires qui souhaiteraient lui faire part de remarques dont il pourra être tenu compte lors du tour de table ou au moment de l'agrément, lorsque l'accord entre les organisations syndicales et les organisations patronales sera généralisé.
Mais vous aurez également l'occasion d'aborder ces questions lorsque le Parlement examinera le projet de loi de programmation sur la cohésion sociale qui, dans son titre Ier relatif à la " mobilisation pour l'emploi ", comporte quelques mesures - peu nombreuses mais significatives - sur l'indemnisation des chômeurs et toute une série de mesures sur le soutien et l'aide à la création d'entreprises. Le débat se déroulera à l'Assemblée nationale au mois de novembre. Vous pourrez alors faire valoir votre point de vue et, surtout, défendre vos idées par le biais d'amendements que le Gouvernement considérera avec la plus grande bienveillance, dès lors que vos objectifs généraux iront dans le sens du projet de loi de cohésion sociale : permettre à tout chercheur d'emploi de retrouver un travail, y compris par la voie de l'entreprenariat.
Depuis 2002, de nombreuses mesures ont été prises pour favoriser la création d'entreprise : elles portent leurs premiers fruits. Ainsi, en 2003, la France a connu un nombre de créations nettes d'entreprises sans équivalent depuis vingt ans : cela prouve qu'il est possible de renouer avec le dynamisme entrepreneurial, pour peu qu'on lève certaines contraintes et qu'on aménage certains espaces de liberté. C'est le sens des propositions que vous ne manquerez pas de faire dans le cadre du prochain débat parlementaire, et je vous en remercie d'avance.
M. Jacques Remiller. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Léonard.
M. Jean-Louis Léonard. Monsieur le secrétaire d'État, la seconde partie de votre réponse me satisfait beaucoup plus que la première. Il est assez inhabituel d'entendre un ministre chargé d'un grand texte ouvrir aussi largement la porte aux amendements, et je vous en remercie. Mes collègues et moi-même avons bien entendu votre invitation à amender un texte qui, j'en suis sûr, est déjà très bon, et nous saurons, le moment venu, y répondre.
La première partie de votre réponse me satisfait beaucoup moins. Vous annoncez une bonne nouvelle, mais elle aggrave encore le problème. Plus on relève la base prise en compte pour le calcul de la retenue sur l'indemnisation, moins le chômeur touche, puisque, s'il ne peut estimer un salaire qu'il n'a pas, c'est cette base forfaitaire qui est retenue. Je demande que cette clause soit supprimée : en l'absence de salaire connu, il ne faut pas en fixer un artificiellement pour le déduire du montant des indemnités journalières. Certes, ce calcul virtuel pouvait paraître intéressant, car il fallait bien fixer une base, mais il s'avère qu'il n'est pas justifié et met dans l'embarras nombre de créateurs d'entreprises, comme le prouvent de nombreux cas concrets.
Je demande que vos services travaillent sur ce sujet, qu'ils interrogent les DDTE, qui sont parfaitement au courant du problème. Je vous en conjure : ne laissons pas en l'état un système qui serait fatal à l'ARE.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. le secrétaire d'État à l'insertion professionnelle des jeunes. Je n'ai pas présenté mon premier élément de réponse comme une bonne nouvelle. Mais, connaissant une évolution du droit, il était délicat pour moi de ne pas la porter à votre connaissance. Taire cette information n'aurait pas été faire preuve de beaucoup de transparence vis-à-vis du Parlement.
D'autre part, l'examen du projet de loi de programmation pour la cohésion sociale ne tardera pas : vous posez la question au début du mois d'octobre ; dès le mois de novembre, l'Assemblée nationale aura à débattre de ce texte. Cela nous laisse le temps d'étudier les possibilités d'évolution du régime, de nous concerter avec les partenaires sociaux, qui sont, avant l'État, les premiers décideurs en matière d'assurance chômage, et de trouver des formules pertinentes à l'occasion de la navette entre le Sénat et votre assemblée.
M. Jean-Louis Léonard. Merci, monsieur le secrétaire d'État.
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