FICHE QUESTION
12ème législature
Question N° : 90181  de  Mme   Robin-Rodrigo Chantal ( Socialiste - Hautes-Pyrénées ) QE
Ministère interrogé :  affaires étrangères
Ministère attributaire :  affaires étrangères
Question publiée au JO le :  28/03/2006  page :  3210
Réponse publiée au JO le :  23/05/2006  page :  5377
Rubrique :  politique extérieure
Tête d'analyse :  Colombie
Analyse :  situation politique
Texte de la QUESTION : La majorité présidentielle au Congrès colombien est sortie renforcée des élections législatives du 12 mars 2006, selon des résultats provisoires. Après dépouillement de 80 % des bulletins, les partis fidèles au Président conservateur Alvaro Uribe semblent en bonne voie de recueillir la majorité tant à la Chambre des représentants qu'au Sénat. Beaucoup en concluent qu'il s'agit d'une approbation de la politique de M. Uribe en matière de sécurité. On peut donc attendre du Gouvernement qu'il durcisse encore sa position à l'égard des rebelles, au moins jusqu'à ce que M. Uribe ne les amène à la table des négociations. Par ailleurs, les résultats augurent d'une réélection confortable de M. Uribe, en mai 2006. S'ils se confirment, ces résultats législatifs conforteront la position de M. Uribe comme allié crucial des États-Unis dans un sous-continent qui a basculé à gauche ces dernières années. Les partis qui ont gagné aujourd'hui soutiennent le libre-échange et le programme de réformes économiques de M. Uribe. Le Congrès doit notamment approuver un accord de libre-échange signé le mois dernier entre Washington et Bogota. Washington réclame en outre des réformes fiscales pour garantir la solvabilité du pays à long terme. Si cela peut paraître une bonne nouvelle pour les marchés, il est quasi sûr que ce n'en est pas une bonne pour les citoyens colombiens... Par ailleurs, M. Uribe a bâti sa popularité sur sa lutte contre la guérilla des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC), active depuis quarante et un ans. Les FARC, qui refusent toute négociation avec le Gouvernement, ont mené dernièrement une série d'attaques qualifiées par Uribe de « lâches » tentatives pour le déstabiliser avant les échéances électorales. La réélection de M. Uribe n'augure donc rien de bon pour le sort des otages détenus par les FARC (dont Ingrid Betancourt) qui, de part la politique rigide menée par le Président colombien, risquent d'être maintenus plus que jamais en captivité. Enfin, il est bon de noter que les milices paramilitaires d'extrême droite, qui ont accepté officiellement de déposer les armes en échange de réductions de peines, conservent une forte influence dans le pays, voire sont accusées de maintenir le pays sous un régime de terreur avec la bénédiction de M. Uribe. Tous ces éléments laissent à penser que la situation en Colombie n'est ni prompte à sa pacification et au développement d'une démocratie sereine, ni à son développement. Compte tenu de cette situation, Mme Chantal Robin-Rodrigo demande désormais à M. le ministre des affaires étrangères de lui indiquer la position et les intentions du Gouvernement au sujet de ce dossier.
Texte de la REPONSE : La loi « Justice et Paix » a été adoptée par le Congrès colombien le 21 juin 2005 et promulguée par le Président Alvaro Uribe le 25 juillet 2005 pour démobiliser les « groupes armés illégaux », qu'il s'agisse des paramilitaires ou des mouvements de guérilla. Cette loi a fait l'objet d'un rapport exhaustif des chefs de mission des pays de l'Union européenne le 30 août 2005 ainsi que de conclusions adoptées par le Conseil affaires générales (CAG) de l'Union européenne le 3 octobre dernier. Ces conclusions définissent le cadre d'action de l'UE sur cette question. Le Conseil a ainsi pris note de différentes réserves, exprimées notamment par le Haut Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme (HCNUDH) : importance insuffisante accordée à la nécessité d'un démantèlement effectif des structures paramilitaires collectives ; distinction floue entre les délits « politiques » et les autres types de délits ; peu de temps disponible pour enquêter sur les aveux et sur les avoirs susceptibles de provenir d'activités illicites ; possibilités réduites offertes aux victimes de demander réparation ; peines maximales limitées pour les délits les plus graves ; difficultés qu'éprouve le système juridique colombien à répondre aux exigences de la nouvelle loi (paragraphe 5 des conclusions du CAG). Le Conseil a affirmé par ailleurs que la loi nécessite d'être mise en oeuvre de façon effective et transparente et a décidé d'apporter une coopération aux groupes de victimes pour appuyer la mise en oeuvre de la loi. C'est dans cette perspective qu'une aide de 1,5 MEUR a été mise en place par une décision de la Commission européenne en date du 19 décembre 2005. Cette aide budgétaire d'urgence s'inscrit dans le cadre du mécanisme de réaction rapide. Elle s'appuie sur une analyse qui souligne, notamment, l'importance du premier semestre 2006 concernant le processus de démobilisation des paramilitaires. Elle vise à apporter, sous le contrôle de la Délégation de l'Union européenne en Colombie, un soutien aux communautés affectées par le conflit interne, aux groupes de victimes, aux activités locales de réconciliation, ainsi qu'à la démobilisation des enfants soldats. Dans la continuité des conclusions du Conseil, la France porte une grande attention à la mise en oeuvre de la loi « Justice et Paix », qui a fait l'objet d'un très récent rapport des chefs de mission des pays de l'UE en Colombie. Notre pays entend demeurer très vigilant sur cette question. Concernant la libération de Mme Ingrid Bétancourt et le sort des otages en Colombie, il s'agit d'une priorité constante de l'action du ministre des affaires étrangères. Dans ce contexte, le ministre s'est rendu à Bogota le 26 janvier dernier. Il s'est, à cette occasion, longuement entretenu avec le Président colombien Alvaro Uribe du sort de Mme Bétancourt et des otages en Colombie. M. Philippe Douste-Blazy a également rencontré, lors de ce déplacement, la famille d'Ingrid Bétancourt ainsi que les familles d'autres otages qu'il a reçues à la Résidence de France. Après avoir pris de nombreuses initiatives, la France a bâti, avec l'Espagne et la Suisse, une proposition précise consistant à délimiter une zone, située dans le département de Valle del Cauca, afin de permettre au gouvernement colombien et aux FARC d'engager des négociations en vue d'un accord humanitaire qui pourrait permettre la libération de Mme Bétancourt et d'autres otages. Le Président colombien a confirmé personnellement au ministre, lors de leur entrevue, l'acceptation de cette proposition qu'il avait rendue publique le 13 décembre 2005. Le 23 février dernier, à l'occasion du quatrième anniversaire de l'enlèvement de Mme Bétancourt, de nombreuses manifestations ont témoigné de la très forte mobilisation des plus hautes autorités françaises et de l'ensemble de notre pays. Le ministre est intervenu sur l'antenne de Radio Caracol, l'une des principales radios du pays, pour adresser à notre compatriote, à Mme Clara Rojas, sa directrice de campagne, ainsi qu'à l'ensemble des otages en Colombie, un message de profonde solidarité. Le même jour, la présidence de l'Union européenne a publié une déclaration qui reconnaît la nécessité de conclure un accord humanitaire et qui appuie pleinement la proposition que la France a faite, avec l'Espagne et la Suisse, pour faciliter l'ouverture d'un dialogue. Nous considérons qu'il est essentiel de continuer à promouvoir inlassablement cette initiative, notamment auprès des FARC, que nous avons invités à réagir de manière constructive à cette proposition. Soucieux que les contacts nécessaires se fassent dans la discrétion, nous espérons une issue favorable, qui signifierait la fin d'une épreuve terrible pour les otages et leurs proches. L'accord humanitaire que la France appelle de ses voeux serait un pas dans cette direction.
SOC 12 REP_PUB Midi-Pyrénées O