Texte de la QUESTION :
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M. Jean-François Régère souhaite attirer l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur les inquiétudes de la Confédération nationale des avocats (CNA) et de nombreux professionnels suite au rapport sur l'éventuel rapprochement entre les professions de juristes d'entreprise et avocats, qui lui a été présenté par le groupe de travail institué fin 2004. La CNA est opposée à un tel rapprochement qui, selon elle, porterait atteinte à l'identité de la profession d'avocat, garante des libertés. En effet, ce rapprochement n'aurait pour seule finalité que d'accorder aux juristes d'entreprise le titre d'avocat alors qu'ils n'exercent pas cette profession. La CNA estime qu'un véritable avocat ne peut être dispensé d'aide juridictionnelle, de commissions d'office, de cotisations à la CNBF, d'assurance professionnelle, et qu'un juriste extérieur à ces obligations ne peut avoir droit au titre d'avocat. Il lui demande donc quelles sont les mesures qu'il envisage de prendre en la matière afin de rassurer l'ensemble de cette profession libérale.
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Texte de la REPONSE :
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Le garde des sceaux, ministre de la justice, fait connaître à l'honorable parlementaire qu'un groupe de travail relatif au rapprochement des professions d'avocat et de juriste d'entreprise, composé de membres des institutions et organisations représentatives des deux professions s'est réuni à la chancellerie une dizaine de fois au cours de l'année 2005. Le rapport remis le 27 janvier dernier répond à l'essentiel des inquiétudes exprimées par certains membres de la profession d'avocat. L'hypothèse de travail retenue est celle d'une réforme pragmatique, au terme de laquelle les avocats pourraient, à l'avenir, choisir d'exercer leur profession en qualité de salarié d'une entreprise, tout en conservant leur titre, leur statut et leur déontologie. Dans le même temps, un certain nombre de juristes d'entreprise, répondant à des critères objectifs et transparents, fixés par la loi, pourraient intégrer la profession d'avocat, tout en conservant leur emploi et leur fonction au sein de leurs entreprises. Ainsi, la discussion actuelle porte sur la création d'un nouveau mode d'exercice de la profession d'avocat : « avocat en entreprise ». Le groupe de travail a organisé sa réflexion autour de plusieurs thèmes. Ainsi, s'agissant de son champ d'activité professionnelle, l'« avocat en entreprise » exercerait les mêmes fonctions de consultation et de rédaction d'actes, au profit de l'entreprise, que l'actuel juriste d'entreprise. En revanche, il ne devrait en aucune manière concurrencer les avocats sur le terrain judiciaire, en représentant ses employeurs et en plaidant devant les tribunaux. Pour que cela soit sans ambiguïté, la loi lui interdirait de plaider et de représenter son employeur devant les juridictions lorsque la représentation est obligatoire, notamment devant le tribunal de grande instance, mais aussi d'assister son employeur en matière pénale. En conséquence, l'obligation de déférer aux désignations et commissions d'office serait sans objet pour l'avocat exerçant en entreprise. Le contrat de travail de l'avocat exerçant en entreprise serait régi par le code du travail, sauf dérogations expresses, prévues par la loi ou le règlement, justifiées par le respect de l'indépendance technique et de la déontologie professionnelle. Les contrats de travail seraient obligatoirement soumis au contrôle de l'autorité ordinale. Les clauses susceptibles de porter atteinte à l'indépendance que comporte le serment de l'avocat seraient prohibées. En revanche, la clause de conscience, permettant à l'avocat salarié d'une entreprise de demander à son employeur d'être déchargé d'une affaire qu'il estimerait contraire à sa conscience serait obligatoire. L'avocat exerçant en entreprise serait donc soumis à une double autorité : s'agissant de la relation de travail, il relèverait du pouvoir hiérarchique du chef d'entreprise, au plan professionnel, déontologique et disciplinaire, il relèverait du bâtonnier et du conseil de l'ordre compétents. Il respecterait les mêmes règles ou principes déontologiques que ses confrères ayant une activité purement libérale. C'est ainsi notamment qu'il serait, comme ses confrères, soumis aux règles du secret professionnel et de la confidentialité des correspondances entre avocats prévues par la loi du 31 décembre 1971. Les manquements aux principes essentiels et les contraventions aux règles professionnelles seraient susceptibles d'entraîner des poursuites disciplinaires. Il serait jugé devant le conseil de discipline des avocats de la cour d'appel selon la même procédure que ses confrères ayant choisi un autre mode d'exercice. Les mêmes peines disciplinaires seraient encourues. Une telle réforme s'accompagnerait de l'intégration de certains juristes d'entreprise à la profession d'avocat. En effet, le changement de statut professionnel ne pourrait être automatique, puisqu'il ne s'agit pas d'une fusion entre deux professions réglementées. En dehors des conditions préalables de diplôme et de moralité, le juriste d'entreprise candidat à l'intégration, devrait justifier d'une pratique professionnelle de plusieurs années, à un certain niveau de responsabilité, au sein du service spécialisé et structuré, d'une ou plusieurs entreprises, dans l'intérêt de l'entreprise et non des clients de celle-ci. En définitive, seul un nombre restreint de candidatures pourrait être accepté. Les propositions du groupe de travail permettent aujourd'hui d'envisager ce que pourrait être un statut de l'avocat français, salarié d'entreprise, proche de celui de ses homologues européens. Pour autant, le dialogue et la réflexion doivent se poursuivre notamment sur des sujets complexes comme le statut social et le régime des retraites des avocats exerçant en entreprise. La publication du rapport constitue le point de départ d'un travail très approfondi de pédagogie et de concertation. Un tel rapprochement ne se décrète pas, mais nécessite l'adhésion des deux professions concernées.
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