Texte de la QUESTION :
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M. Michel Raison appelle l'attention de M. le ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes sur les maladies professionnelles. Selon un rapport sur les cancers professionnels en France, 2 400 à 5 400 cancers du poumon auraient une origine professionnelle. D'après certaines enquêtes, au moins un cancer sur dix trouve son origine dans l'activité professionnelle. Parmi les catégories ouvrières, un cancer sur cinq est d'origine professionnelle. On recense au total 15 à 20 000 nouveaux cas de cancers professionnels chaque année en tenant compte de l'exposition à des produits dangereux et cancérigènes (amiante, goudron de houille, silice cristalline, gaz d'échappement diesel, poussières de bois, fumées de vulcanisation...). Un rapport établi tous les trois ans, conformément à l'article L. 176-2 du code de la sécurité sociale, évalue la déclaration des accidents et maladies d'origine professionnelle et propose des pistes d'action pour diminuer ce phénomène. Aussi, il souhaiterait savoir si ce rapport prévu pour 2006 a d'ores et déjà été émis et, le cas échéant, il souhaiterait connaître le contenu des pistes d'action proposées.
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Texte de la REPONSE :
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L'attention du Gouvernement a été appelée sur les statistiques qui semblent montrer qu'un nombre important de cancers est d'origine professionnelle et que ceux-ci sont consécutifs à l'exposition des salariés à des produits dangereux. Par ailleurs, le Gouvernement est interrogé sur les conclusions du rapport réalisé dans le cadre de la commission instituée par l'article L. 176-2 du code de la sécurité sociale. L'origine des cancers étant le plus souvent plurifactorielle, leur rattachement à des expositions professionnelles passées est souvent difficile à effectuer. Ceci conduit à une sous-déclaration et une sous-évaluation des pathologies cancéreuses. En effet, il est souvent difficile pour les médecins traitants (généralistes ou spécialistes), qui n'ont pas nécessairement une parfaite connaissance, ni de la problématique des maladies, ni du parcours professionnel de leur patient, d'établir un lien entre la maladie et son exposition passée à des produits dangereux. Cette sous-déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles (y compris non cancéreuses) occasionne une charge indue pour l'assurance maladie, dont l'ampleur reste difficile à mesurer. L'article L. 176-2 du code de la sécurité sociale confie cette mission à une commission présidée par un magistrat de la Cour des comptes, qui évalue tous les trois ans le montant du coût réel de la sous-déclaration. Le dernier rapport de la commission, présidée par Monsieur Noël DIRICQ, conseiller maître à la Cour des comptes, communiqué au gouvernement en juin 2005, a été rendu public récemment. Au total, selon ce rapport, la dépense en cause est comprise entre 356 et 749 millions d'euros (hors indemnités journalières en cas de maladies). Comme on pouvait s'y attendre, l'essentiel de ce coût provient de la sous-déclaration des cancers, chiffrée entre 212 et 553 millions d'euros. Afin de limiter la sous-déclaration, la commission préconise tout d'abord une série de mesures essentiellement destinées au corps médical, dont l'insuffisante formation aux risques professionnels a été identifiée comme l'une des causes de cette sous-déclaration. Parmi les solutions envisagées figurent, par conséquent, une meilleure formation des médecins, la conduite d'actions d'information par les sociétés savantes de médecine, le développement des questionnaires de repérage des expositions professionnelles, et l'amélioration des liens entre les médecins du travail et les médecins-conseils des caisses de sécurité sociale. Une partie de ces recommandations est déjà inscrite dans les objectifs du plan santé au travail (PST 2005-2009) qui prévoit d'adapter la formation des professionnels de santé de façon à intégrer, dès leur formation initiale et dans le cadre de la formation continue, un module sur les pathologies professionnelles et leur réparation. Le ministère de l'éducation nationale et la direction générale de la santé doivent ainsi sensibiliser la commission pédagogique nationale des études médicales à l'intégration de ces problématiques dans les modules de 2e cycle. Cette commission a été chargée d'une mission d'évaluation du programme d'enseignement de médecine issu de la réforme de 2000. Par ailleurs, le rapport préconise un renforcement de l'aide aux victimes, au moyen d'une adaptation plus réactive des tableaux de maladies professionnelles aux connaissances épidémiologiques et à l'évolution des techniques médicales, et d'une meilleure prise en compte des pathologies ayant des causes multi-factorielles. Concernant le renforcement de l'aide aux victimes, la première convention d'objectifs et de gestion (COG) de la branche accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP) du régime général pour 2004-2006 engage la branche AT-MP dans un programme d'amélioration de la qualité du service rendu aux usagers avec pour objectif premier de garantir l'homogénéité de sa gestion, l'information des victimes et des employeurs ainsi que l'optimisation des délais de traitement. À cette fin, sont notamment prévues des actions visant à améliorer l'accompagnement des victimes dans leurs démarches ; il est urgent que celles-ci soient rapidement mises en oeuvre. Concernant la nécessaire adaptation des tableaux de maladies professionnelles aux connaissances épidémiologiques, une expérimentation est actuellement menée en vue d'associer l'Institut de veille sanitaire à leur élaboration. Par ailleurs, des réflexions sont en cours pour étudier la possibilité d'adapter les tableaux de maladies professionnelles en vue de la prise en charge des maladies polyfactorielles. Les recommandations de la commission portent également sur la prévention. Elle préconise ainsi que soient développées certaines actions en entreprises, qui pourraient se concrétiser par l'instauration d'un enregistrement individuel des expositions, par une meilleure orientation des contrats de prévention et par un développement de la recherche sur le terrain. Le PST répond, là encore, pour partie à ces recommandations puisque les actions 4.5 et 4.6 visent, d'une part, à encourager le développement de la recherche appliquée en entreprise et, d'autre part, à aider les entreprises dans leurs démarches d'évaluation a priori des risques. Concernant l'enregistrement individuel des expositions, il faut rappeler que l'attestation d'exposition doit d'ores et déjà être délivrée à toute personne qui quitte un établissement dès lors qu'elle a été exposée à des substances cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction. S'il est vrai que la mise en oeuvre de ce dispositif doit être rendue plus effective, il reste que cette mesure est incontestablement efficace. Il conviendrait donc de réfléchir à une amélioration de son fonctionnement et à une extension de sa portée. Enfin, la commission Diricq propose que soient révisés les moyens de suivi et de réflexion sur les données épidémiologiques et statistiques en matière d'AT-MP et sur le coût des pathologies, au moyen d'une instance de suivi, de réflexion et d'impulsion chargée de faire un point régulier sur les nouvelles données disponibles et d'initier de nouvelles études, notamment dans les domaines de l'épidémiologie, de la sociologie et du droit. De nombreux outils se mettent en place actuellement en matière de suivi des pathologies professionnelles, notamment au sein de l'Institut de veille sanitaire qui est en charge de plusieurs réseaux de surveillance, et de l'élaboration d'un outil statistique visant à permettre l'analyse centralisée des données statistiques AT/MP (tous régimes confondus). Des réflexions doivent néanmoins encore être engagées afin d'évaluer l'opportunité de créer une instance de suivi en charge d'étudier ces données dans le cadre d'une approche pluridisciplinaire.
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