FICHE QUESTION
12ème législature
Question N° : 90974  de  Mme   Darciaux Claude ( Socialiste - Côte-d'Or ) QE
Ministère interrogé :  affaires étrangères
Ministère attributaire :  affaires étrangères
Question publiée au JO le :  04/04/2006  page :  3511
Réponse publiée au JO le :  06/06/2006  page :  5841
Rubrique :  politique extérieure
Tête d'analyse :  Liberia
Analyse :  ancien président. crimes contre l'humanité. poursuites. perspectives
Texte de la QUESTION : Mme Claude Darciaux souhaiterait attirer l'attention de M. le ministre des affaires étrangères sur les activités politico-économiques de l'ancien président libérien Charles Taylor en Afrique de l'Ouest. Malgré l'interdiction formelle d'interférer de quelque manière que ce soit dans les affaires libériennes à laquelle Charles Taylor est tenu de se conformer, celui-ci semble se livrer un certain nombre d'activités d'influence et de déstabilisation. Aussi, elle lui demande de lui fournir tous les éléments d'information dont disposent les services français sur lesdites activités, et de lui exposer la manière dont la France envisage d'intervenir pour faire cesser ces agissements et participer à ce que le tribunal spécial pour la Sierra Leone puisse juger Charles Taylor.
Texte de la REPONSE : La France entend ne pas laisser impunies les violations massives des droits de l'homme qui ont été commises en Sierra Leone durant la période de la guerre civile. C'est dans cet esprit que la France a soutenu la création puis les travaux du Tribunal spécial. Cet engagement politique fort s'est doublé d'un effort financier important : la France a versé l'an passé une contribution volontaire de 500 000 euros au bénéfice de ce tribunal. S'agissant du cas particulier de Charles Taylor, le Gouvernement estime qu'il devra répondre des crimes qui lui sont reprochés et qui ont donné lieu à sa mise en examen par le procureur près le Tribunal spécial pour onze chefs d'inculpations, et à un mandat d'arrêt international émis par le Tribunal. L'arrestation de M. Taylor et sa remise au Tribunal spécial, intervenues à la fin du mois de mars 2006, constituent une étape importante de ce travail de justice. Concernant les activités de déstabilisation auxquelles se serait livré Charles Taylor, ce sera au Tribunal spécial pour la Sierra Leone de les condamner. La France a salué l'action conjointe de la Présidente du Liberia et du Président du Nigeria qui a permis l'extradition de M. Taylor et son déférrement devant le Tribunal spécial. À l'automne dernier, la France avait activement soutenu l'adoption au Conseil de sécurité des deux décisions qui ont créé les conditions du transfert rapide de Charles Taylor au Tribunal spécial après son arrestation par les autorités nigérianes. La résolution 1626 avait permis le maintien d'une présence militaire internationale pour assurer la sécurité du Tribunal spécial après le retrait de la mission des Nations unies en Sierra Leone (MINUSIL) intervenu le 31 décembre 2005. La résolution 1638 a donné à la mission des Nations unies au Liberia (MINUL) un mandat lui permettant d'arrêter Charles Taylor, dans l'hypothèse où celui-ci tenterait de rentrer au Liberia. L'initiative du Président nigérian consistant à accueillir Charles Taylor en exil a été déterminante dans le processus de sortie de crise au Liberia. Elle a en effet permis la signature de l'accord de paix global à Accra en août 2003, qui a constitué le point de départ du processus de transition, ayant abouti à l'investiture de Mme Ellen Johnson-Sirleaf comme Présidente du Liberia le 16 janvier dernier. Le Gouvernement français a considéré que les modalités de l'extradition de M. Taylor devaient par conséquent être définies en plein accord avec le Nigeria. Le Président Obasanjo, lors de sa visite à Paris en mai dernier, avait confirmé qu'il suivait personnellement cette affaire et avait précisé que Charles Taylor était sous haute surveillance dans sa résidence. Par la suite, le Président nigérian a fait savoir qu'il ne remettrait M. Taylor qu'à des autorités légitimes libériennes, si celles-ci en faisaient la demande. Or la Présidente du Liberia a confirmé le 17 mars aux autorités nigérianes sa demande d'extradition de Charles Taylor. Après avoir consulté ses pairs de la sous-région (UA et CEDEAO) et de la communauté internationale, le Président Obasanjo a accepté, le 25 mars, de répondre favorablement à la demande de Mme Johnson-Sirleaf. Trois jours plus tard, Charles Taylor a tenté de prendre la fuite mais a été arrêté par les autorités nigérianes alors qu'il cherchait à passer la frontière camerounaise. Il a été remis à la MINUL (mission des Nations unies au Liberia), qui est chargée de la sécurité du Tribunal spécial pour la Sierra Leone, où Charles Taylor se trouve actuellement en détention. Le Tribunal spécial a demandé la délocalisation du procès à La Haye pour des raisons de sécurité. Une résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies relative au transfert est en cours d'élaboration. Nous participons à présent aux discussions en cours au Conseil de sécurité, à la demande du Tribunal et en accord avec les membres africains du Conseil, en vue de permettre le jugement de Charles Taylor en dehors de l'Afrique de l'Ouest. L'objectif reste de concilier l'intérêt des victimes et l'appropriation locale de la lutte contre l'impunité, en même temps que la sécurité et la sérénité du procès et la préservation du fragile retour à la paix dans la région. Les autorités françaises continueront à oeuvrer pour que progressent parallèlement, en Afrique de l'Ouest comme ailleurs, la consolidation de la paix et l'indispensable lutte contre l'impunité.
SOC 12 REP_PUB Bourgogne O