Texte de la REPONSE :
|
JUMELAGE ENTRE LES VILLES DE L'AISNE ET UN
CAMP DE RÉFUGIÉS PALESTINIENS. Mme la présidente. La parole est à M. Jacques
Desallangre, pour exposer sa question, n°913, relative au jumelage entre les
villes de l'Aisne et un camp de réfugiées palestiniens. M. Jacques
Desallangre. Monsieur le ministre délégué à la coopération, au
développement et à la francophonie, permettez-moi d'appeler votre attention sur
les restrictions apportées aux politiques de jumelage des villes françaises et
leurs homologues libanaises accueillant des réfugiés palestiniens. La ville de
Tergnier est associée à un jumelage réunissant le département de l'Aisne, sept
villes de l'Aisne et la ville de Badawui au Liban, qui est un camp de réfugiés
palestiniens. Par délibération, le conseil municipal de
Tergnier a décidé d'octroyer une subvention exceptionnelle de 2 290 euros à
l'association pour la promotion de jumelages entre villes de France et camps de
réfugiés palestiniens. Le préfet de l'Aisne a déféré
l'arrêté municipal au motif que la subvention présente un caractère politique "
puisqu'elle intervient en faveur des camps de réfugiés palestiniens. ". Le
représentant de l'État dans le département s'appuie, pour étayer son recours,
sur une jurisprudence du Conseil d'État de 1941, annulant une aide apportée à
l'Espagne républicaine - en l'occurrence l'achat d'une ambulance. La décision du Conseil d'État à cette époque n'est pas
surprenante lorsqu'on l'examine à l'aune du comportement de la juridiction sous
l'occupation nazie. Certains choisissaient l'Espagne franquiste, d'autres
soutenaient les républicains espagnols. Mais cette
référence à une jurisprudence malheureuse ne doit pas nous faire oublier
l'intérêt des échanges culturels entre les populations des deux villes,
permettant ainsi à chacun de découvrir l'autre et de développer l'amitié entre
les peuples. Grâce à ce jumelage, sept jeunes réfugiés palestiniens ont pu
sortir pour la première fois de leur camp et venir découvrir le fonctionnement
de nos villes et les valeurs de notre république. En
dépit d'un très probable rejet du déféré préfectoral par la juridiction
administrative en raison de son irrecevabilité et de son caractère infondé, je
souhaite néanmoins que la représentation nationale soit éclairée sur les
instructions qui auraient pu être été données aux préfets de la République pour
contrarier l'intérêt que les villes françaises prennent au sort des populations
palestiniennes réfugiées depuis un demi-siècle. Mme la présidente. La parole est à M. le ministre
délégué à la coopération, au développement et à la francophonie. M. Xavier Darcos, ministre délégué à la coopération, au développement et à
la francophonie. Monsieur le député, vous abordez deux problèmes liés, mais
distincts : les jumelages des villes françaises et de leurs homologues
libanaises et la légalité d'une subvention accordée par une commune à une
association pour la promotion de jumelages avec les camps de réfugiés
palestiniens. Je ne pourrai vous apporter qu'une réponse juridique et
administrative. Je tiens à vous préciser, au préalable,
que l'on ne peut être que favorable au développement des relations de
coopération décentralisée, notamment avec le Liban. Très régulièrement
j'organise des réunions autour de cette problématique. Mais vous le savez aussi, la situation des populations des
camps palestiniens constitue un sujet constant de préoccupation pour le
Gouvernement, la communauté internationale et tous les hommes de bonne volonté,
comme en témoignent les actions menées sur le terrain par l'Office de secours et
de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine. Toutefois,
l'intervention d'une collectivité territoriale dans ces domaines doit se
conformer, sur la forme et sur le fond, aux conditions de droit commun posées
par la législation ou dégagées par la jurisprudence. Permettez-moi donc de vous rappeler ces règles. En ce qui
concerne les jumelages avec des collectivités étrangères, ils sont régis par les
dispositions de l'article L. 1115-1 du code général des collectivités
territoriales qui précise : " les collectivités territoriales et leurs
groupements peuvent conclure des conventions avec des collectivités
territoriales étrangères et leurs groupements, dans les limites de leurs
compétences et dans le respect des engagements internationaux de la France.
". Il appartient au préfet, chargé du contrôle de
légalité, de vérifier si les jumelages envisagés sont conformes aux conditions
posées par la législation en vigueur et les compétences des collectivités
territoriales françaises. À cet égard, il convient notamment que la collectivité
étrangère partenaire ait une existence au regard de l'ordonnancement juridique
interne au pays étranger et, quelle que soit sa dénomination, exerce dans ce
cadre un pouvoir effectif d'administration territoriale. C'est bien là la clé du
problème. En ce qui concerne l'octroi par délibération
d'une subvention exceptionnelle à une association agissant au niveau
international, il convient d'en analyser les caractéristiques pour qu'une telle
action soit considérée, soit comme une action de solidarité à caractère
humanitaire, soit comme un soutien politique de portée générale, dont la
régularité poserait problème, sous réserve de l'appréciation du juge dans chaque
cas d'espèce. Je vous rappelle ces conditions de
régularité. Premièrement, les subventions aux
associations dans un contexte de coopération internationale doivent revêtir un
intérêt local, le bénéficiaire ou l'opérateur doit être une collectivité ou
autorité locale, une association d'autorités locales ou un organisme caritatif
susceptible de procéder à une redistribution au profit de ces autorités, le
critère essentiel étant l'intérêt direct des populations sinistrées. En second lieu, la subvention doit respecter la neutralité
politique, l'action ne devant pas constituer notamment un soutien direct à une
des parties d'un conflit international ou civil. Et dans le cas que vous citez,
nous sommes à la marge. Enfin, ces subventions aux
associations doivent respecter les principes figurant dans les accords
internationaux souscrits par la France : non-discrimination, respect des
résolutions des Nations unies, grands principes de droit international... Je tenais à vous préciser simplement les règles de droit de
la coopération décentralisée, qu'une collectivité territoriale française
l'exerce directement au bénéfice d'une autre collectivité ou par l'intermédiaire
d'une association. Je vous rappelle enfin que l'article
72 de la Constitution du 4 octobre 1958 dispose : " Dans les collectivités
territoriales de la République, le représentant de l'État, représentant de
chacun des membres du Gouvernement, a la charge des intérêts nationaux, du
contrôle administratif et du respect des lois ". Il lui appartient de déférer
les actes des collectivités locales qu'il estime contraires à la légalité. Il
est de la seule compétence du préfet de juger de l'opportunité d'un déféré. C'est donc à bon droit que le préfet a déféré les décisions
concernées. Vous comprendrez alors - et je regrette de ne pouvoir vous faire une
meilleure réponse - qu'il ne m'appartient pas de commenter une affaire pour
laquelle une audience devant le tribunal administratif d'Amiens a eu lieu le 7
octobre 2004 et qui est toujours en délibéré. Mme la présidente. La parole est à M. jacques
Desallangre. M. Jacques
Desallangre. Monsieur le ministre, je vous remercie. Je ne m'attendais
certes pas à ce que vous désapprouviez le préfet. Je considère que vous
l'approuvez sur la forme. Quant au fond, nous en reparlerons. J'ai noté que vous êtes favorable aux relations entre nos
collectivités et la communauté palestinienne réfugiée depuis plusieurs décennies
dans les conditions que l'on sait. Vous avez cité la
loi. Elle est claire et il me semble que nous nous y sommes conformés. Je pense
que le préfet a fait une interprétation de la loi. Le juge tranchera. Ce qui me rassure, c'est que vous ne m'avez pas dit que le
Gouvernement a rappelé au préfet les exigences en matière de relations entre les
collectivités locales et les camps de réfugiés palestiniens, au Liban ou
ailleurs. Je croyais que nous avions respecté la
neutralité politique car le conseil municipal s'est simplement attaché au sort
de ces malheureuses populations dont nous avons pu constater, en accueillant ces
jeunes palestiniens, à quel point elles vivaient dans des conditions
difficiles. J'espère que le juge nous donnera raison. Si
tel n'était pas le cas, vous auriez beaucoup de travail, monsieur le ministre,
car quarante autres villes ont pris, dans les mêmes conditions, des arrêtés qui
n'ont pas été déférés.
|