FICHE QUESTION
12ème législature
Question N° : 913  de  M.   Desallangre Jacques ( Député-e-s Communistes et Républicains - Aisne ) QOSD
Ministère interrogé :  intérieur
Ministère attributaire :  affaires étrangères
Question publiée au JO le :  19/10/2004  page :  8004
Réponse publiée au JO le :  20/10/2004  page :  8045
Date de changement d'attribution :  19/10/2004
Rubrique :  communes
Tête d'analyse :  budget
Analyse :  subventions. réglementation
Texte de la QUESTION : M. Jacques Desallangre attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales sur les restrictions apportées aux politiques de jumelage des villes françaises et leurs homologues libanaises. La ville de Tergnier est associée à un jumelage réunissant le département de l'Aisne, sept villes de l'Aisne et la ville de Badawui au Liban (camp de réfugiés palestiniens). Par délibération son conseil municipal a décidé d'octroyer une subvention exceptionnelle de 2 290 euros à l'association pour la promotion de jumelages entre villes de France et camps de réfugiés palestiniens. Le préfet de l'Aisne a déféré l'arrêté municipal considérant que la subvention présente un caractère politique « puisqu'elle intervient en faveur des camps de réfugiés palestiniens ». Il lui demande si des instructions ont été données aux préfets de la République pour qu'ils contrarient l'intérêt que les villes françaises prennent au sort des populations palestiniennes réfugiées depuis un demi-siècle.
Texte de la REPONSE :

JUMELAGE ENTRE LES VILLES DE L'AISNE ET UN CAMP DE RÉFUGIÉS PALESTINIENS.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Desallangre, pour exposer sa question, n°913, relative au jumelage entre les villes de l'Aisne et un camp de réfugiées palestiniens.
M. Jacques Desallangre. Monsieur le ministre délégué à la coopération, au développement et à la francophonie, permettez-moi d'appeler votre attention sur les restrictions apportées aux politiques de jumelage des villes françaises et leurs homologues libanaises accueillant des réfugiés palestiniens. La ville de Tergnier est associée à un jumelage réunissant le département de l'Aisne, sept villes de l'Aisne et la ville de Badawui au Liban, qui est un camp de réfugiés palestiniens.
Par délibération, le conseil municipal de Tergnier a décidé d'octroyer une subvention exceptionnelle de 2 290 euros à l'association pour la promotion de jumelages entre villes de France et camps de réfugiés palestiniens.
Le préfet de l'Aisne a déféré l'arrêté municipal au motif que la subvention présente un caractère politique " puisqu'elle intervient en faveur des camps de réfugiés palestiniens. ". Le représentant de l'État dans le département s'appuie, pour étayer son recours, sur une jurisprudence du Conseil d'État de 1941, annulant une aide apportée à l'Espagne républicaine - en l'occurrence l'achat d'une ambulance.
La décision du Conseil d'État à cette époque n'est pas surprenante lorsqu'on l'examine à l'aune du comportement de la juridiction sous l'occupation nazie. Certains choisissaient l'Espagne franquiste, d'autres soutenaient les républicains espagnols.
Mais cette référence à une jurisprudence malheureuse ne doit pas nous faire oublier l'intérêt des échanges culturels entre les populations des deux villes, permettant ainsi à chacun de découvrir l'autre et de développer l'amitié entre les peuples. Grâce à ce jumelage, sept jeunes réfugiés palestiniens ont pu sortir pour la première fois de leur camp et venir découvrir le fonctionnement de nos villes et les valeurs de notre république.
En dépit d'un très probable rejet du déféré préfectoral par la juridiction administrative en raison de son irrecevabilité et de son caractère infondé, je souhaite néanmoins que la représentation nationale soit éclairée sur les instructions qui auraient pu être été données aux préfets de la République pour contrarier l'intérêt que les villes françaises prennent au sort des populations palestiniennes réfugiées depuis un demi-siècle.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué à la coopération, au développement et à la francophonie.
M. Xavier Darcos, ministre délégué à la coopération, au développement et à la francophonie. Monsieur le député, vous abordez deux problèmes liés, mais distincts : les jumelages des villes françaises et de leurs homologues libanaises et la légalité d'une subvention accordée par une commune à une association pour la promotion de jumelages avec les camps de réfugiés palestiniens. Je ne pourrai vous apporter qu'une réponse juridique et administrative.
Je tiens à vous préciser, au préalable, que l'on ne peut être que favorable au développement des relations de coopération décentralisée, notamment avec le Liban. Très régulièrement j'organise des réunions autour de cette problématique.
Mais vous le savez aussi, la situation des populations des camps palestiniens constitue un sujet constant de préoccupation pour le Gouvernement, la communauté internationale et tous les hommes de bonne volonté, comme en témoignent les actions menées sur le terrain par l'Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine. Toutefois, l'intervention d'une collectivité territoriale dans ces domaines doit se conformer, sur la forme et sur le fond, aux conditions de droit commun posées par la législation ou dégagées par la jurisprudence.
Permettez-moi donc de vous rappeler ces règles. En ce qui concerne les jumelages avec des collectivités étrangères, ils sont régis par les dispositions de l'article L. 1115-1 du code général des collectivités territoriales qui précise : " les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent conclure des conventions avec des collectivités territoriales étrangères et leurs groupements, dans les limites de leurs compétences et dans le respect des engagements internationaux de la France. ".
Il appartient au préfet, chargé du contrôle de légalité, de vérifier si les jumelages envisagés sont conformes aux conditions posées par la législation en vigueur et les compétences des collectivités territoriales françaises. À cet égard, il convient notamment que la collectivité étrangère partenaire ait une existence au regard de l'ordonnancement juridique interne au pays étranger et, quelle que soit sa dénomination, exerce dans ce cadre un pouvoir effectif d'administration territoriale. C'est bien là la clé du problème.
En ce qui concerne l'octroi par délibération d'une subvention exceptionnelle à une association agissant au niveau international, il convient d'en analyser les caractéristiques pour qu'une telle action soit considérée, soit comme une action de solidarité à caractère humanitaire, soit comme un soutien politique de portée générale, dont la régularité poserait problème, sous réserve de l'appréciation du juge dans chaque cas d'espèce.
Je vous rappelle ces conditions de régularité.
Premièrement, les subventions aux associations dans un contexte de coopération internationale doivent revêtir un intérêt local, le bénéficiaire ou l'opérateur doit être une collectivité ou autorité locale, une association d'autorités locales ou un organisme caritatif susceptible de procéder à une redistribution au profit de ces autorités, le critère essentiel étant l'intérêt direct des populations sinistrées.
En second lieu, la subvention doit respecter la neutralité politique, l'action ne devant pas constituer notamment un soutien direct à une des parties d'un conflit international ou civil. Et dans le cas que vous citez, nous sommes à la marge.
Enfin, ces subventions aux associations doivent respecter les principes figurant dans les accords internationaux souscrits par la France : non-discrimination, respect des résolutions des Nations unies, grands principes de droit international...
Je tenais à vous préciser simplement les règles de droit de la coopération décentralisée, qu'une collectivité territoriale française l'exerce directement au bénéfice d'une autre collectivité ou par l'intermédiaire d'une association.
Je vous rappelle enfin que l'article 72 de la Constitution du 4 octobre 1958 dispose : " Dans les collectivités territoriales de la République, le représentant de l'État, représentant de chacun des membres du Gouvernement, a la charge des intérêts nationaux, du contrôle administratif et du respect des lois ". Il lui appartient de déférer les actes des collectivités locales qu'il estime contraires à la légalité. Il est de la seule compétence du préfet de juger de l'opportunité d'un déféré.
C'est donc à bon droit que le préfet a déféré les décisions concernées. Vous comprendrez alors - et je regrette de ne pouvoir vous faire une meilleure réponse - qu'il ne m'appartient pas de commenter une affaire pour laquelle une audience devant le tribunal administratif d'Amiens a eu lieu le 7 octobre 2004 et qui est toujours en délibéré.
Mme la présidente. La parole est à M. jacques Desallangre.
M. Jacques Desallangre. Monsieur le ministre, je vous remercie. Je ne m'attendais certes pas à ce que vous désapprouviez le préfet. Je considère que vous l'approuvez sur la forme. Quant au fond, nous en reparlerons.
J'ai noté que vous êtes favorable aux relations entre nos collectivités et la communauté palestinienne réfugiée depuis plusieurs décennies dans les conditions que l'on sait.
Vous avez cité la loi. Elle est claire et il me semble que nous nous y sommes conformés. Je pense que le préfet a fait une interprétation de la loi. Le juge tranchera.
Ce qui me rassure, c'est que vous ne m'avez pas dit que le Gouvernement a rappelé au préfet les exigences en matière de relations entre les collectivités locales et les camps de réfugiés palestiniens, au Liban ou ailleurs.
Je croyais que nous avions respecté la neutralité politique car le conseil municipal s'est simplement attaché au sort de ces malheureuses populations dont nous avons pu constater, en accueillant ces jeunes palestiniens, à quel point elles vivaient dans des conditions difficiles.
J'espère que le juge nous donnera raison. Si tel n'était pas le cas, vous auriez beaucoup de travail, monsieur le ministre, car quarante autres villes ont pris, dans les mêmes conditions, des arrêtés qui n'ont pas été déférés.

CR 12 REP_PUB Picardie O