Texte de la QUESTION :
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Mme Nathalie Kosciusko-Morizet appelle l'attention de M. le ministre délégué à l'industrie au sujet des inquiétudes que soulève la politique de Recherche, d'innovation et de développement d'Alcatel. Situés en sa circonscription, deux sites d'Alcatel sont au coeur de cette problématique, les sites de Nozay et Marcoussis. La filiale Alcatel Cit, principale filiale française, a connu un plan social en 2003 et en a subi un autre en 2004. Ces plans sociaux correspondent à des départs réels physiques de plus de 1 500 salariés, ainsi que de nombreux sous-traitants dont le chiffre est plus difficile à évaluer. Tous les métiers ont été concernés, y compris ceux liés à l'innovation et à la recherche et développement. Si le premier plan social pouvait apparaître comme nécessaire, hélas, le second appelle plus de réserves. Il traduit certes la gestion des nécessités économiques mais surtout la mise en oeuvre d'une stratégie visant à diminuer les effectifs en France, pour les faire croître dans les pays à bas coûts, tels que ceux de l'Asie. Elle communique son étonnement au regard d'une telle politique, s'il se confirmait que c'est celle choisie par l'entreprise Alcatel. Une éventuelle délocalisation de l'ensemble de la recherche et développement vers l'Asie, compte tenu des financements publics qui n'ont jamais fait défaut à cette entreprise et la soutiennent encore, lui paraît très contestable. Elle l'est d'autant plus que la capacité d'innovation, en France, semble sous-utilisée du fait du rachat de sociétés nord-américaine effectué par Alcatel au cours des derniers mois. Alcatel est certes une entreprise privée, mais compte tenu de son poids dans la vie économique nationale, des avantages dont elle bénéficie par des aides à l'exportation, de l'intervention de l'État dans l'organisation de la concurrence Télécom dans l'espace européen, des soutiens dans les arbitrages tels que celui de la recomposition du secteur des satellites ou des collaborations sur les marchés de la défense, il lui semble qu'elle a quelques comptes à rendre à la collectivité. Les salariés demeurent, comme elle, dans l'attente de réponse en la matière.
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Texte de la REPONSE :
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SITUATION DES SALARIÉS D'ALCATEL DANS
L'ESSONNE Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie
Kosciusko-Morizet, pour exposer sa question, n° 919, relative à la situation des
salariés d'Alcatel dans l'Essonne. Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. La politique de
recherche-développement d'Alcatel soulève des inquiétudes sur les sites de Nozay
et de Marcoussis, qui se trouvent dans ma circonscription. Alcatel CIT,
principale filiale française d'Alcatel, a subi un plan social en 2003 et un
autre en 2004, qui ont fait partir plus de 1 500 salariés. Le premier paraissait assez largement justifié, mais le
second appelle plus de réserves. En effet, il traduit certes la gestion des
nécessités économiques, mais surtout une politique de délocalisation de la
recherche-développement vers des pays à moindre coût, en particulier en Asie. Si
le groupe Alcatel confirmait cette politique, cela ne manquerait pas de susciter
l'étonnement compte tenu des financements publics qui n'ont jamais fait défaut à
l'entreprise et la soutiennent encore. Une telle
politique est d'autant plus contestable que la capacité d'innovation, en France,
est sous-utilisée depuis quelque temps, du fait du rachat de sociétés
nord-américaines intervenu ces derniers mois. Certes,
Alcatel est une entreprise privée, mais compte tenu de son poids dans la vie
économique, des avantages et soutiens dont elle bénéficie au titre des aides à
l'exportation, de l'intervention de l'État dans l'organisation de la concurrence
des télécoms dans l'espace européen, des soutiens dans les arbitrages tels que
celui de la recomposition du secteur des satellites ou des collaborations sur
les marchés de la défense, il me semble qu'elle a quelques comptes à rendre à la
collectivité. Qu'en pense le Gouvernement ? Mme la présidente. La parole est à M. le ministre
délégué à l'industrie. M.
Patrick Devedjian, ministre délégué à
l'industrie. Madame Kosciusko-Morizet, vous m'interrogez sur la situation
d'Alcatel dans l'Essonne. Comme vous le savez, le secteur des télécommunications
a connu une crise majeure depuis 2000 avec une division par deux, voire par
trois, des carnets de commandes des équipementiers mondiaux. A l'instar de ses
concurrents, Alcatel a dû adapter ses effectifs à cette nouvelle donne, mais sa
situation de sortie de crise apparaît meilleure que celle de ses principaux
compétiteurs - je vous rappelle qu'Alcatel est numéro un mondial et que c'est un
motif de satisfaction pour la France. La stratégie
d'Alcatel est aussi de s'implanter là où se trouvent ses clients. Dans le cas de
la Chine, s'y implanter constitue un pré-requis pour prendre des parts de marché
face à des concurrents chinois très agressifs et pour avoir accès à des
financements chinois pour des projets qui seraient inaccessibles autrement. Je
vous signale, par exemple, qu'en Chine on vend cinq millions de portables par
mois. La présence dans ce pays est donc incontournable pour une entreprise de
dimension mondiale. La Chine ne concerne pourtant que 10
% des effectifs de recherche et développement du groupe. Ces effectifs
préexistaient au sein de l'entreprise Shanghai Bell dont Alcatel a pris le
contrôle fin 2001. Les contrats obtenus donnent par ailleurs de l'activité aux
unités européennes d'Alcatel dans le domaine du support et des services
notamment. De plus, Alcatel indique que la conception et l'architecture de
systèmes complexes, les développements de produits à haute valeur ajoutée, leur
intégration et le support technique sont en majorité réalisés en Europe, en
particulier en France. Je suis heureux de vous indiquer que la chaire des
système complexes - sujet sur lequel la France est le pays le plus avancé du
monde - initiée à l'École polytechnique, à Palaiseau, fait l'objet d'un
partenariat entre Thales, Polytechnique et Alcatel. La pérennité du site de
l'Essonne est ainsi symbolisée par cette alliance qui doit vous séduire, madame
la députée. Alcatel CIT, la principale filiale française
du groupe Alcatel qui compte aujourd'hui 7 200 personnes, a également dû faire
face à la crise. Le plan 2004 de rééquilibrage des ressources d'Alcatel CIT
entre des activités de téléphonie fixes et optiques en décroissance, et une
activité mobile en croissance, fait l'objet d'un accord avec les organisations
syndicales majoritaires chez Alcatel CIT : CFDT, CGT-FO et CFTC. Le groupe
Alcatel, pleinement conscient que son avenir dépend de sa
recherche-développement comme tout secteur de pointe concurrentiel, continue à y
consacrer, malgré la crise, 13 % de son chiffre d'affaires en 2003, ce qui
représente 1,6 milliard d'euros. La part de la France
dans ce domaine demeure prépondérante puisque 40 % de ses effectifs de
recherche-développement y sont implantés alors que la société n'y réalise que 10
% de son chiffre d'affaires - l'origine culturelle compte dans la localisation
de la recherche. Avec plusieurs milliers de personnes travaillant dans ce
domaine, la région parisienne est, pour Alcatel, la principale zone géographique
de recherche et développement dans le monde. En particulier, 800 ingénieurs
d'Alcatel travaillent dans l'Essonne, dont 250 à Marcoussis. Pour sa part, naturellement, le Gouvernement reste attentif
à la situation d'Alcatel et des télécommunications en général, qui sont l'un des
moteurs de la croissance et de la modernisation de notre économie. Permettez-moi
aussi de me féliciter du fait que la France soit devenue le leader européen de
la diffusion de l'Internet à haut débit, notamment par l'ADSL, domaine dans
lequel Alcatel est leader mondial avec 40 % du marché. Cette entreprise ne connaît donc que de grands succès. Vous
avez parlé, madame la députée, du regroupement dans le domaine des satellites.
L'accord passé avec Finmeccanica est très profitable à la recherche française et
favorable à notre leadership en matière de satellites. La situation est donc
relativement satisfaisante, car, je vous le rappelle, Alcatel est leader
mondial. Mme la
présidente. La parole est à Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Mme Nathalie
Kosciusko-Morizet. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le
ministre. J'entends bien vos arguments, qui sont justes. J'ai eu l'occasion en
particulier de mesurer, au cours d'un voyage en Chine, à quel point les Chinois
tiennent à ce qu'une part de la recherche soit menée sur place. C'est en effet
nécessaire au développement de l'entreprise. Toutefois,
j'appelle votre attention sur le fait qu'il s'agit de la délocalisation non pas
d'activités classiques, mais bien de ce qui fait le coeur et l'avenir de
l'entreprise, à savoir la recherche, laquelle, quand elle quitte la France,
prend à l'étranger essentiellement la forme de développements appliqués et
d'innovations. En termes de recherche fondamentale, il y a donc là une sorte
d'appauvrissement. Enfin, je souhaite, comme les
salariés d'Alcatel, que le plan de 2004 soit bien le dernier car, sur cet aspect
également, nous avons quelques craintes.
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