FICHE QUESTION
12ème législature
Question N° : 92091  de  M.   Roubaud Jean-Marc ( Union pour un Mouvement Populaire - Gard ) QE
Ministère interrogé :  affaires étrangères
Ministère attributaire :  affaires étrangères
Question publiée au JO le :  18/04/2006  page :  4054
Réponse publiée au JO le :  20/06/2006  page :  6447
Rubrique :  sang et organes humains
Tête d'analyse :  organes humains
Analyse :  transplantations. trafic international. régulation
Texte de la QUESTION : M. Jean-Marc Roubaud appelle l'attention de M. le ministre des affaires étrangères sur le tourisme de la transplantation d'organes. Pour pallier le manque de donneurs d'organes, les États-Unis songent à autoriser le commerce des viscères humains et à charger une agence gouvernementale de réguler ce nouveau marché. En 2004, le Congrès américain avait déjà refusé un projet de libéralisation de la vente d'organes, au motif qu'il s'agissait d'une violation pure et simple de la dignité humaine. Il y aurait ainsi près de 400 000 Américains désespérant de recevoir un nouveau rein. Ce problème concerne de nombreux pays : en Suisse, un millier de personnes figurent sur liste d'attente et une quarantaine sont décédées l'an dernier avant d'avoir pu être greffées. En France, 10 000 personnes attendent un nouveau rein, et seul un tiers d'entre elles trouveront un donneur. En Grande-Bretagne, la pénurie d'organes serait responsable de 400 décès prématurés par an. Ceux qui militent pour un commerce régulé des corps soulignent que le désespoir des patients a permis la mise en place d'un marché noir en pleine expansion depuis les années 1980. Un corps humain est actuellement estimé à 220 000 dollars (environ 180 000 euros). Autre chiffre éloquent en 2003, le Prix Nobel d'économie Gary Becker a évalué le prix du marché d'un rein pour un Américain à 45 000 dollars en moyenne (environ 37 000 euros). Le même organe coûte 20 000 dollars de moins en Chine, où l'on peut acheter un foie pour 40 000 dollars (environ 33 000 euros) et une cornée pour 5 000 dollars (environ 4 000 euros). Enfin, le tourisme lié à la transplantation toucherait une douzaine de pays : Brésil, Bulgarie, Haïti, Inde, Mexique, Moldavie, Mozambique, Pakistan, Paraguay, Pérou, Roumanie, Salvador et Turquie. Des milliers de greffes illégales seraient ainsi effectuées chaque année au profit de riches clients. En conséquence, il demande de lui faire connaître sa position à ce sujet.
Texte de la REPONSE : Une transplantation d'organe nécessite un plateau technique sophistiqué et implique des équipes médicales et para-médicales nombreuses et pluridisciplinaires. Il y a au minimum 30 à 40 personnes impliquées dans une transplantation, si l'on inclut la phase prégreffe (bilans chez le donneur et le receveur, vérification de l'histocompatibilité, etc.), la phase chirurgicale et la période postopératoire. Les pratiques de transplantation à partir de donneurs vivants rémunérés nécessitent donc des structures médicales appropriées ainsi qu'un grand nombre de personnes consentantes. Cela est particulièrement vrai pour le foie, mais également pour le rein, organe le plus souvent greffé et qui fait l'objet des dérives couramment observées dans un certain nombre de pays. Si certains pays tolèrent des pratiques répréhensibles du point de vue de l'éthique, il est extrêmement difficile d'avoir sur ce point des données fiables. Seules quelques associations s'y emploient (Organs Watch, par exemple) depuis quelques années. Ainsi, aujourd'hui, des faisceaux d'informations concordantes existent concernant la mise en oeuvre, dans un certain nombre de pays, de greffes à partir de donneurs vivants rémunérés. Les greffes se font soit au bénéfice de nationaux qui disposent des moyens nécessaires, soit au bénéfice de ressortissants d'autres pays, parfois développés, éventuellement inscrits chez eux en liste d'attente mais qui recourent à ce moyen pour obtenir un organe plus rapidement. Concernant les États-Unis, il n'y a pas aujourd'hui, à la connaissance du ministère des affaires étrangères, de démarche gouvernementale visant à mettre en place un « marché » officiel des organes. Ces pratiques, qui trouvent leur origine dans la pénurie d'organes face aux besoins croissants, notamment en greffe rénale, sont non seulement répréhensibles sur le plan éthique, mais dangereuses en termes de sécurité sanitaire. Face à ces dérives, la position de la France est, naturellement de veiller à la stricte application du cadre éthique et législatif dont elle s'est dotée sur le territoire national, et de soutenir toutes les initiatives visant à mettre en place, dans des pays en voie de développement, un cadre réglementaire conforme à des principes couramment admis. Le ministère des affaires étrangères a ainsi soutenu depuis plusieurs années la mise en oeuvre de programmes de coopération dans le domaine du prélèvement et de la greffe, notamment dans les pays du Maghreb. La France est présente dans les instances de l'Union européenne et du Conseil de l'Europe qui travaillent à l'élaboration de recommandations et de bonnes pratiques destinées à faciliter la mise à niveau des nouveaux adhérents à l'Union européenne et des pays appartenant au Conseil de l'Europe. Le rôle que peut avoir la France face à des pratiques se déroulant dans un pays étranger est cependant nécessairement limité. On peut cependant souligner que la nouvelle loi de bioéthique du 2 août 2004 prévoit, dans son article L. 1418-1-12, que l'Agence de la biomédecine adresse un rapport annuel au Parlement, au Gouvernement et au Comité consultatif national d'éthique. En France même, au 31 décembre 2005, 6 978 patients étaient en attente d'une greffe d'organe, dont 5 932 en attente d'un rein ; 4 238 greffes avaient été effectuées entre le 1er et le 31 janvier, dont 2 572 de rein. Il revient éventuellement aux autorités en charge de la santé publique (ministère chargé de la santé, Agence de la biomédecine) d'apporter des précisions complémentaires, portant notamment sur un état des lieux des éventuels trafics d'organes ou de gamètes et des mesures de lutte contre ces trafics.
UMP 12 REP_PUB Languedoc-Roussillon O